Personne n’attendait quoi que ce soit de nouveau de cette prestation du Président de la République. Donc personne n’a été déçu : il a dit ce que tout le monde attendait de lui : il a choisi une réformes des retraites conforme à la démocratie, aux intérêts des retraités, des cotisants, des séniors, des générations futures, des femmes comme des hommes, des pauvres comme des riches. Et un appel à l’union de tous.
Ceux qui bêtement attendaient le renversement du gouvernement Borne, ou une dissolution de l’Assemblée, ou un referendum, n’avaient rien compris à la logique du Président : il a eu toujours raison, et maintenant il va continuer son œuvre réformatrice et salvatrice
Nous nous permettons de souligner quelques aspects de cet interview qui nous ont cependant inquiétés : sur la réforme des retraites, sur la vraie démocratie, sur les bienfaits des choix présidentiels, sur les « chantiers » à venir. Conclusion : tous unis autour d’une nouvelle majorité capable d’accompagner le Président.
La réforme des retraites : le mot « capitalisation » jamais prononcé
Ici la responsabilité est partagée entre le Président et les journalistes qui l’interrogeaient. Un bon quart d’heure a été consacré à la réforme des retraites, pour nous rappeler les poncifs : il faut faire vite, avant que le vieillissement de la population soit trop accentué, les générations futures ne peuvent pas supporter un avenir aussi chargé de cotisations et aussi allégé en pensions. Un tableau (le seul de l’interview) compare les âges de retraite dans les pays européens. Donc la France doit s’aligner sur les autres pays. Mais évidemment il n’est pas dit que dans les autres pays la retraite par répartition ne représente au mieux qu’un simple filet social (revenu minimum vieillesse financé par la solidarité nationale, c’est à dire par l’impôt), et au pire une part du système global, à côté de « piliers » en capitalisation obligatoires ou optionnels. Mais, bien sûr le mor « capitalisation » n’a jamais été prononcé, c’est-à-dire que l’on se contente de la réforme paramétrique pour « sauver la répartition », alors que l’on vient de démontrer que la répartition est condamnée.
Le Président a choisi la légalité
Ici un petit hiatus du président : il a confondu légalité et légitimité. Le président a expliqué que la démocratie a été respectée, conformément à la lettre de la Constitution. Ce 49-3 est le centième d’une longue série, il a été utilisé par tous les présidents de la 5ème République. Ce qui serait inadmissible c’est que l’on ait en France le même spectacle qu’aux Etats Unis avec les gens qui envahissent le Capitole avec Trump ou qu’au Brésil après la défaite de Bolsonaro.
La colère des citoyens qui manifestent dans la rue est sans doute légitime, mais elle est due en grande partie aux souffrances endurées depuis plusieurs années : le covid et l’enfermement, la baisse du pouvoir d’achat, la désindustrialisation. Cependant les gouvernements ont fait le maximum pour accompagner ces déboires successifs, et ils l’ont fait sans trop hypothéquer les finances publiques, même s’il est vrai que les comptes ont été « dégradés ». Cependant le SMIC a été augmenté de 9,5 % et le chômage a baissé de 9 à 7 % , il n’a jamais été aussi bas pour les jeunes (pieux mensonges, mais très officiels). Donc tout a été fait pour le mieux. Il faut continuer dans cette bonne voie, avec les partenaires sociaux autour de la table
Apaisement avec une nouvelle majorité
Il est temps en effet de renouer le dialogue social, mais aussi le dialogue politique. Madame Borne a d’ores et déjà pour mission d’élargir la majorité. Cela peut se faire si l’on propose des « textes plus courts et plus clairs », si le dialogue est renoué avec le Parlement et les syndicats. Le Président du Sénat est prêt pour relever ce nouveau défi, et dès la prochaine grande réforme sur l’immigration il y aura un large consensus. Parallèlement le dialogue doit être renoué « sur le terrain ». Les innovations sont possibles : dans les Hauts de France, dans le Grand Est. Il y a quelque chose à ne pas accepter : « pas de droit à l’arrêt ou à l’immobilisme », donc « on va continuer d’avancer ». Si Emmanuel Macron est président c’est pour changer les choses : « Sans les Français je n’aurais pas été réélu »
Les chantiers du Président
Voici un exercice dans lequel il excelle : la fuite en avant. Le Président a plusieurs grands projets à réaliser. Nous craignons qu’il n’en ait pas le temps : vers un troisième mandat ? Il suffirait de modifier la Constitution, comme cela s’est fait au Togo.
Il y a d’abord les chantiers déjà en cours, qu’il faut accélérer : améliorer la justice ( ?), la LPM loi de programmation militaire, le remplacement des enseignants absents (il faut recruter), l’aide à la ruralité (?).
Mais il faut aussi mettre en œuvre des chantiers nouveaux : une convention médicale, une solidarité énergétique (préserver nos eaux), un logement décent, une transition pour les jeunes, une réindustrialisation, un accroissement des emplois pour la santé, etc. L’inventaire des chantiers est à la Prévert. Mais l’essentiel n’est-il pas la détermination de notre guide ? « Demander un effort n’est pas facile », mais « j’assume ce moment » avec le Conseil National de la Refondation (voilà en effet ce qui est un gage de succès). Mais ne nous leurrons pas : il s’agit d’un « engagement collectif ». D’ailleurs, cerise sur le gâteau, le récent rapport du GIEC ne nous oblige-t-il pas à agir, et très vite ? « Je suis sûr que nous allons nous réunir ».
Nous aussi, nous en sommes sûrs. La première réunion se tient le jeudi 23 mars.