Dans le cadre de leur grande campagne d’intoxication démagogique et électoraliste nos gouvernants ont annoncé la simplification de la feuille de paye. Dès le mois de mars Bruno Le Maire l’avait annoncée, le projet de loi devrait être présenté au Conseil des Ministres le 24 avril, les sénateurs en débattraient le 3 juin, avant passage à l’Assemblée Nationale. Voilà une réforme menée à grand train, le gouvernement agit. Mais il est tout de même précisé que la mise en application de cette réforme devrait se faire progressivement…jusqu’en 2027 : on se hâte lentement.
Mais c’est pour les libéraux l’occasion de rappeler ce que devrait être une feuille de paye, ou plus exactement ce que devrait être le contenu de ce que le salarié devrait toucher régulièrement et simplement : son salaire complet.
A titre liminaire je suis d’accord avec nos réformateurs actuels sur un point : la « feuille de paie » actuelle comprend 35 lignes et n’est compréhensible par personne. Courageusement et avec la plus grande simplicité, le gouvernement ferait passer la feuille de paie de 35 à 30 lignes. et -« seuls les grands agrégats composant la rémunération seraient désormais restitués sans le détail des prélèvements sociaux réalisés ». Si j’ai bien compris, c’est la mensualité perçue moins les retenues pour l’URSSAF (cotisations dites patronales et salariales totalisées[1])
Le salaire complet est une réforme qui a été proposée par Axel Arnoux, alors vice-président de l’ALEPS, chef de l’entreprise Chauvin Arnoux employant 1.200 salariés. Avec le concours de l’entreprise de formation économique SIPFoP il explique à ses salariés ce que pourrait être le salaire complet. Tous les salariés ont suivi le même stage et à l’issue de cette formation Axel Arnoux pouvait dire « J’ai parlé du salaire complet à mes ouvriers et employés, On a voté :
80 % sont d’accord pour que le salaire complet devienne une réalité ». Après cette expérience Axel Arnoux a décidé de créer l’AFERP, pour expliquer au patronat tous les bienfaits que l’on peut tirer du salaire complet. Le grand patron libéral de l’époque François Michelin, s’est empressé d’adhérer à l’AFERP et a décidé d’instaurer à Clermont-Ferrand la « feuille de paye vérité » qui faisait apparaître ce que le salarié aurait dû recevoir pour la qualité de son travail, c’est-à-dire ce que les clients avaient payé pour sa contribution à la valeur ajoutée par l’entreprise. En l’an 2.000 les syndicats ont fait un procès qu’ils ont gagné, le Tribunal de Grande Instance de Clermont exigeant que soit supprimée sur l’en-tête des bulletins de paye la mention «prix payé par le client pour votre prestation».
L’hostilité au salaire complet vient de ce qu’il s’agit purement et simplement d’éliminer la Sécurité Sociale de la vie des entreprises. Casser le monopole public et permettre aux salariés de gérer eux-mêmes l’argent qu’ils ont bien gagné serait en effet un retour inadmissible à la liberté et à la responsabilité personnelles
Les principes du salaire complet sont les suivants :
1° Le concept de « valeur ajoutée » tel qu’on devrait le comprendre : cette valeur est la somme de trois contributions à la production : le capital apporté par l’entrepreneur individuel ou un banquier, ou les actionnaires d’une société, le travail apporté par les salariés et l’art d’entreprendre (le fameux « facteur résiduel » qui est en général plus important que les deux précédents facteurs[2]). La rémunération du travail est fixé par contrat individuel passé entre l’entreprise et le salarié.
2° La totalité du salaire est versée, sans aucune retenue de quelque nature qu’elle soit. C’est donc au salarié qu’il appartient de gérer son revenu et de prévoir ce qu’il doit engager pour préparer sa retraite, se protéger contre les accidents de la vie, et notamment préserver sa santé et les pertes provisoires dues au chômage ou à la mobilité professionnelle. Autrement dit, le salarié se passe de la Sécurité Sociale.
Il s’agit d’un véritable choix de société, mais l’expérience dans tous les pays qui choisissent une logique assurantielle au lieu d’une logique publique obligatoire démontre que non seulement l’investissement librement choisi et assuré est moins coûteux que n’importe quelle Sécurité Sociale obligatoire, mais que les salariés améliorent sans cesse une carrière dans laquelle ils peuvent exercer leur responsabilité.
[1] Il est évident que la distinction entre cotisations « patronales » et « salariales » n’a aucun sens puisque de toutes façons c’est le salarié qui paie. Cf. InFra sur le salaire complet.
[2] Cf mon article catégorie fondamentaux du 4 juillet 2023 Le vrai sens de la valeur travail Une mauvaise lecture d’Adam Smith justifie des erreurs fatales
La gestion de la paie dans les entreprises et/ou cabonet d’expert comptable est d’une telle complexité qu’on en est réduit à créer une licence professionnelle (rien moins!) “gestion de la paie et du social” à l’IUT Louis Pasteur de Schiltigheim. Y a t il un autre pays où un tel enseignement existe ? C’est la conséquence de l’évolution permanente du Code du travail et celui de la Sécurité Sociale vers une complexification sans limites.