Notre Président a de la suite dans les idées. L’échec des élections législatives n’a pas changé son grand projet pour la France : rompre avec un système économique et politique qui a échoué. Les Français n’avaient visiblement pas compris l’essence et les bienfaits de ce projet, et ne l’ont pas plébiscité en juin dernier, de sorte qu’il était nécessaire de leur rappeler ce qui les attend – et pour leur plus grand bien.
Le projet sera bâti suivant un processus politique efficace : la démocratie délibérative. Elle n’est ni représentative (à quoi bon un Parlement quand on n’a pas la majorité ?) ni participative (l’idée de Rocard était trop proche de l’autogestion et de la décentralisation). Elle est le résultat d’un débat ouvert entre les forces constitutives de la société. Certes il y aura des « partenaires sociaux » : rien à craindre de ce côté-là puisqu’ils ne sont assurément pas représentatifs (en dehors de l’organisation des grèves), il y aura des représentants d’associations (en général financées par la classe politique), mais il y aura surtout des tirages au sort de citoyens inconnus. Pour organiser des débats constructifs il faudra évidemment quelques experts qui fixeront les thèmes, le vocabulaire, les chiffres. D’ailleurs on peut se référer à un précédent succès : la Convention Collective pour le Climat dont le peuple semble avoir ignoré les bienfaits.
Le travail du CNR sera donc de planifier : Emmanuel Macron a rappelé que la « planification écologique et sociale » est la méthode propice au changement. Il est donc normal que le président du CNR soit aussi le Haut Commissaire au Plan, en poste depuis 2020. Connu pour sa créativité et sa rigueur François Bayrou est à la hauteur de la situation, il est prêt à relever les défis. Dans une interview au Point il déclare voir arriver « la crise la plus grave que la France ait connue depuis la guerre ». Avec la planification, avec François Bayrou, on est sûr que l’odieux système actuel, source de tous nos maux, sera rapidement liquidé. Surtout ne pas se laisser dépasser par Mélenchon, autre liquidateur.
Mais quel est donc le système en vue ? Emmanuel Macron lui-même a fait explicitement le rapprochement entre Conseil National de la Refondation et Conseil National de la Résistance : les deux CNR n’ont-ils pas eu pour ambition de modeler la France nouvelle ? Dans un article paru dans le Figaro Vox Jean Philippe Feldman trouve le rapprochement judicieux. Il cite les passages explicites du programme du CNR en 1944 : « [instaurer] une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie, une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général, et la participation des travailleurs à la direction de l’économie ». Le CNR donne un plan complet de droits sociaux et crée la Sécurité Sociale. Jean Philippe Feldman d’expliquer : « Le programme à tonalité marxiste s’explique par l’exécration du capitalisme, considéré comme le facteur des crises qui ont abaissé le pays dans les années 1930 ».
Le professeur Feldman, donne sa conclusion, banalement libérale : « S’il faut effectivement changer de modèle c’est le modèle social français qu’il faut changer, cette triste exception. Voilà la vraie « refondation » dont nous avons urgemment besoin ! »