Dans le Contrepoints du 28 novembre on pouvait lire une interview donnée par le Président Vaclav Klaus au Von Mises Institute. Je me suis précipité pour connaître l’opinion de cet ami intime.
Klaus, l’un des résistants au communisme avec Vaclav Havel, a été président de la République Tchèque, et a réalisé une opération incroyable mais parfaitement réussie : séparer Tchéquie et Slovaquie, Prague et Bratislava. Les deux pays ont bénéficié de leurs vertus respectives, ils ont toujours vécu en paix et retrouvé un niveau de développement et de vie très supérieur à celui des années 1930 (alors au moins égal à celui de la France). Professeur d’Economie Klaus était en relation avec Milton Friedman, et il a dès la libération de son pays rejoint la Société du Mont Pèlerin. Nous avons fait connaissance en 1992 et nous ne nous sommes jamais quittés depuis. Il a participé à nos Universités d’Eté à Aix. Nous nous retrouvions chaque année aux réunions de la MPS, et il a organisé la plus prestigieuse de ces réunions à Prague, à la fin de son mandat présidentiel. Il m‘a demandé de préfacer la traduction en français de son ouvrage « Planète bleue en péril Vert » (éd.IREF Librairie de l’Université Aix, 2009)
C’est dire que son interview m’a comblé jusqu’à un certain point, mais m’a finalement déçu. Il m’a comblé par sa lucidité, il m’a déçu par son défaitisme.
Sa lucidité : les choses ont changé depuis le début de ce siècle, et l’Europe est en pleine crise. Parmi les facteurs et causes de cette crise « certains d’entre eux sont directement visibles et font les gros titres, d’autres sont invisibles et ne sont pas suffisamment exposés ou discutés. » Bastiat aurait dit: ce qui se voit et ce qui ne se voit pas. Ce qui ne se voit pas est fait de « changements lents et progressifs du système politique, social et économique » Ces changements systémiques sont les plus inquiétants, ils nous ont amenés dans le monde d’Orwell. L’Europe et l’ensemble de l’Occident se dirigent vers la gauche, vers le collectivisme, vers l’interventionnisme de l’Etat. S’il y a des protestations elles sont contre le marché […] les gens appellent encore le système existant économie de marché et démocratie parlementaire » ? Admirable lucidité !
Mais que faire dans ce contexte ? Peu de choses : le défaitisme de Vaclav Klaus est décevant. Il accepte la défaite : Keynes aurait définitivement vaincu Friedman, et « l’inflation, le problème le plus inquiétant aujourd’hui, bien plus que Poutine », détruit nos sociétés parce que la politique monétaire des banques centrales a changé depuis la crise de 2008-1009 – ce que je ne conteste certainement pas.
C’est le définitif qui me gêne, ici comme ailleurs. Vaclav Klaus se réfère au jeu électoral : « il faut une transformation fondamentale du système et je ne suis pas sûr que les électeurs soient intéressés par cela » Et voici son renoncement ou sa résignation, en conclusion : « Des changements pourraient intervenir mais pas dans un avenir prévisible. Je sais que cela semble pessimiste, mais je pense que le changement n’est pas une tâche pour moi ou pour mes enfants, mais pour mes petits-enfants. »
Encore faut-il instruire les enfants et petits-enfants, encore faut-il reconstruire la société civile : comme beaucoup de libéraux je fais ce choix, peu importe mon âge, et « la vérité vaincra ».