Avec 49,5 % des suffrages le 14 mai Erdogan avait manqué le succès d’un souffle. Non seulement il a été réélu après 20 ans au pouvoir avec 52,1% des voix contre 47,9 % à Kiricdaroglu, mais cet opposant « irréductible » a surenchéri sur le thème du nationalisme turc. La victoire du nationalisme ne fait aucun doute, on a justement fait observer que les immigrés turcs en Europe (près de 10 millions en Allemagne) ont massivement voté pour Erdogan : menaces pour le communautarisme dans les pays vers lesquels ils ont migré ?
C’est une première crainte, mais elle n’est pas majeure
En revanche, la reconstitution de l’empire ottoman est dans l’esprit des Turcs, et les deux candidats ont flatté ce nationalisme qui fait peser une menace pour tout le Moyen Orient. Les Syriens sont déjà sous contrôle d’Ankara, les Kurdes de la région de Mossoul au nord de l’Irak sont déjà asservis, et naturellement les Azeris, avec l’appui des Russes, ont été récemment massacrés, les Arméniens revivent le génocide organisé par les Jeunes Turcs en 1915 (1,5 million d’Arméniens tués sur une population de 2 millions). Il ne faut pas oublier que les Arméniens sont persécutés parce qu’ils sont chrétiens, aujourd’hui comme hier.
C’est ici que les craintes s’aggravent. En effet c’est une guerre de religion qui est engagée par la Turquie, en alliance avec l’Iran. Cette guerre est depuis plusieurs années menée avec le Hezbollah en Syrie, au Liban et dans la partie cisjordanienne d’Israël et la zone de Gaza. La victoire de l’islamisme radical est donc incontestable après ces élections.
Comment les peuples libres réagissent-ils à cette double victoire ?
Les seuls soutiens apparents sont ceux que les Etats Unis apportent à Israël et son premier ministre Netanyahou. Il est vrai que les Américains avec Hilary Clinton et Obama avaient totalement démissionné au Moyen Orient et avaient fermé les yeux sur l’implantation du Hezbollah et la guerre civile en Syrie et au Liban.
La réaction de Donald Trump contre l’Iran n’a pas été suivie par les Européens, en particulier par la France. Aujourd’hui à nouveau Netanyahou est considéré comme un dictateur raciste, et la sympathie française va aux Palestiniens.
Il y a pire encore : très officiellement le Président français considère Erdogan comme un homme capable de rétablir la paix en Europe, alors qu’il n’a cessé de s’associer aux Russes dans les opérations en Syrie, en Azerbaïdjan, en Kurdistan.
L’histoire nous donne pourtant une leçon très claire : les dictateurs ne se contentent pas d’asservir leurs peuples, ils leur promettent un avenir meilleur en multipliant les conquêtes. Voilà le vrai « colonialisme ». L’histoire apprend aussi que la liberté ne peut résister à l’esprit de guerre et de conquête qu’en restant fidèle à ses valeurs morales et spirituelles, ce qui fait grandement défaut actuellement dans le monde occidental, et particulièrement en France. La crainte est bienfaisante, car elle pourrait sans doute nous conduire à préparer la guerre pour garder la paix. Mais préparer la guerre n’est pas une affaire seulement militaire, elle est aussi une affaire de lucidité et de moralité.