Le mensonge sur les « crimes contre l’humanité » commis par la colonisation française fait désormais partie de la culture nationale. Grâce en partie à Emmanuel Macron l’histoire est réécrite chaque jour, sans doute pour nous attirer la sympathie des peuples maghrébins et africains et reconquérir chez eux une amitié pour la France qui en effet en a pris un bon coup depuis quelques décennies – et assurément depuis 1962.
Mercredi 4 janvier le film sera projeté en France, deux jours plus tard au Sénégal. L’acteur Omar Sy sera co-producteur de ce « Tirailleurs Sénégalais ». Très peu de téléspectateurs ou de lecteurs de quotidiens et magazines peuvent l’ignorer. Par exemple TF1 lui a donné cinq minutes de présentation au cours du Journal Télévisé de dimanche soir. Les diverses radios ont reçu Omar Sy dans leurs éditions matinales, aux heures de grande écoute. Très souvent la présentation du film s’accompagne de la projection de son générique, dans lequel sont soulignés les scènes et les slogans les plus violents : le jeune Thieno, le fils de Bakary (rôle tenu par Omar Sy) est enrôlé de force ( à coups de fouet) dans les tirailleurs sénégalais et son père s’engage pour ne pas laisser son fils tout seul dans les tranchées. La guerre est une horreur pour lui « Est-ce qu’un enfant tue des hommes ? » se demande Bakary. Mais pour en finir avec la guerre, il faut la gagner ! Père et fils contribuent ainsi avec les quelque 200.000 soldats africains (chiffre indiqué) à la victoire. On leur dit alors : « Après cette bataille vous ne serez plus des indigènes, vous serez des Français » ? Promesse non tenue : la colonisation poursuit ses ravages. Ici, plus aucun détail n’est nécessaire : on connaît la façon dont la France a traité les peuples colonisés. L’histoire, la vraie histoire s’entend (celle de Benjamin Stora et des collègues historiens qui l’accompagnent) s’écrit enfin à la honte de notre pays.
Quelle est notre opinion sur Omar Sy et ses tirailleurs ? Tout d’abord nous pouvons rappeler que la campagne sur la colonisation bat son plein. Dans un article précédent[1] nous avons évoqué le changement de nom d’une école à Marseille : elle s’appelle désormais Ahmed Litim, du nom d’un tirailleur, algérien celui-ci, qui a trouvé la mort à l’occasion de la libération de Marseille en août 1944. Monsieur Payan, maire de Marseille a expliqué le changement : l’école portait jusque-là le nom de Bugeaud, un « bourreau » : il préférait un héros à un bourreau.
Ensuite nous voulons souligner que la croisade d’Omar Sy va bien plus loin que les infâmes mensonges sur la colonisation, puisque le voici maintenant en objecteur de conscience, en train de reprocher aux Français de trop aimer la guerre. Le 15 décembre il était à Verdun pour marquer les horreurs (bien réelles) des tranchées. Et les quelque 10.000 Sénégalais disparus lui paraissaient tués pour rien, sans doute par une plus grande injustice, que les quelque 1.200.000 Français européens morts pour leur pays, ou même les 120.000 Américains. Nous savons bien que le nombre des victimes n’est pas un critère d’atrocité : un seul mort est un dommage irréversible.
Mais la démarche d’Omar Sy est plus subtile : il adresse actuellement le reproche aux Français d’aimer davantage la guerre depuis qu’elle concerne l’Ukraine. Si nous étions des ennemis de la guerre, nous ne serions pas derrière les Ukrainiens : voilà qui semble en effet évident, c’est une leçon de morale imparable. Cette leçon a déjà le tort de scandaliser plusieurs personnalités européennes. Pour trouver la raison du film on peut d’ailleurs s’en remettre aux déclarations de Mathieu Valdepied, auteur et co-producteur du film : « L’idée, c’est de questionner. Questionner le rapport historique de la France à ses anciennes colonies, qu’est-ce qu’on dit de ça aujourd’hui, est-ce qu’on sait ce qu’on a fait? […] “on ne fait pas comme si ça n’existait pas, on ne bouge pas sans. Ces histoires, il faut les raconter, les transmettre. Faut que tout le monde les connaisse ». Et, s’agissant des relations entre la France et le Sénégal, thème fondamental du film, la discussion sera close lorsqu’on aura compris l’enjeu : « Aujourd’hui, notre génération a besoin de ce récit pour notre construction, de prendre l’histoire, de savoir comment on se construit par rapport à ces deux pays ».
Nous pensons que c’est une rude épreuve pour la culture française « traditionnelle » de recevoir les leçons de morale d’Omar Sy, même s’il a été classé au troisième rang des personnalités française (mais oui !) . Non seulement il est un « objecteur de conscience » et il fait dans la pensée pacifiste la plus extrême mais il n’a d’autre véritable objectif que de rentabiliser l’immoralité la plus complète. Il ne vit habituellement ni en France ni au Sénégal, mais en Californie.
[1] Article d’actualité du 22 décembre 2022