Au salon du livre le 12 avril dernier Emmanuel Macron a annoncé une taxe sur les livres d’occasion. Son propos n’était pas de garnir les caisses de l’Etat, puisque le Président ne croit pas à la nécessité de diminuer les dépenses publiques1. Non : pour lui c’est pour sauver le livre, c’est pour encourager les jeunes à lire, puisque les statistiques montrent en effet que les Français ne lisent plus, et les jeunes en particulier.
Or, quelle est la fable habituelle des dirigistes ? Il faut vendre les livres à un prix unique. Le prix unique a été imposé par le régime de Vichy. Il a disparu à la Libération. Les libraires n’aiment pas trop la concurrence mais ils tolèrent un régime de « prix recommandé » par les éditeurs, qui en fait neutralise plutôt la concurrence : les prix be sont pas uniques, mais très proches.
Mais l’idée du prix unique va refaire surface.
Les arguments en faveur du prix unique sont ridicules et spécieux. Ridicules parce que ses partisans sont persuadés que la concurrence ne peut aboutir qu’à la hausse des prix. L’ignorance économique est donc à son comble2. Spécieux parce qu’en réalité la création de la FNAC et des grandes surfaces est sensée ruiner les libraires qui s’opposent à un décret Monory de 1977 qui libère tous les prix, y compris ceux des livres. Le combat est devenu politique, la gauche unie autour de Mitterrand promet qu’elle reviendra au prix unique du livre, et elle le fera avec la loi Jack Lang, l’une des toutes premières mesures prises par le gouvernement Mauroy. « Il faut protéger le prix unique du livre » dit Emmanuel Macron, et pénaliser ceux qui vendent des livres d’occasion au rabais : Il faut « permettre à nos auteurs, éditeurs et traducteurs d’être mieux aidés » Pour ce faire les ventes de livres d’occasion doivent s’accompagner d’une « contribution », obligatoire certes, mais qui n’est ni une taxe ni un impôt. Il est heureux qu’Emmanuel Macron s’engage dans cette voie de la gauche traditionnelle, contrairement à ce qu’en pense le Ministère de la Culture de Madame Dati. Mais ces tartufferies irritent David Lisnard qui dans un article paru dans Le Figaro hier 3 mai dit avec simplicité ce qui est le fond du mal français actuel : « La France est donc ce pays qui continue d’appliquer les recettes dirigistes, sociales-étatistes et néokeynésiennes qui l’amènent à avoir un excès de dépenses et une pénurie de moyens (comme dans la défunte URSS). Et Danier Lisnard de rappeler l’effet Laffer « trop d’impôt tue l’impôt » parce que l’impôt détruit l’épargne et l’investissement, et l’impôt décourage l’initiative et l’innovation. David Lisnard fait également référence au syndrome de Stockholm : les gens asservis par l’impôt et le collectivisme finissent par souhaiter encore plus d’Etat. Et de conclure à l’adresse de « nos compatriotes qui semblent amoureux de leurs ravisseurs fiscaux et bureaucratiques » : « Le traitement ne pourra pas être homéopathique. Il devra être radical et moral, par le retour massif et systématique à la source vive de l’efficacité et de la dignité :la liberté. C’est désormais une question de survie ». Je ne saurais mieux dire.
1 Il est sur ce point opposé à la politique de son Ministre des Finances, Bruno Le Maire. Le Président pense que le déficit budgétaire provient de la baisse des recettes et non pas d’une augmentation des dépenses !
2 Elle a été brillamment démontrée dans un ouvrage de Christian Fauvelais et Jean Yves Glain Le prix unique pour le livre Enquête sur une loi au-dessus de tout soupçon (Institut Economique de Paris, 1983)