Le moment est opportun : la situation de notre pays exige des réformes structurelles, il nous faut changer les institutions en place, la politique politicienne, le populisme et le despotisme ont trop de place dans notre vie publique .
Le problème est de savoir quelles réformes et qui peut s’y atteler. La réforme traditionnelle dans notre pays : le salut viendra d’en haut. Cela dure depuis des siècles : l’homme providentiel, le parti providentiel, la révolution définitive . Malheureusement l’histoire démontre que c’est toujours l’échec, tout recommence quelques années après la der des der, les Français se résignent et acceptent la servitude volontaire.
Pour autant, le salut peut-il venir d’en bas ? C’est une idée nouvelle, mais ambiguë : d’une part on avance la procédure de la « décentralisation » : l’Etat va se défaire de quelques compétences pour les transférer aux autorités locales – donc c’est encore la tête qui régit les pieds, d’autre part la vocation des autorités locales n’est pas de changer les institutions pour l’ensemble du pays : la règle du jeu social (c’est-à-dire l’information sur le comportement « normal » des citoyens français dans leurs rapports) ne peut varier de Paris à Strasbourg ou Marseille : il faut au minimum assurer la sécurité des biens et des personnes, et c’est ainsi qu’existe un domaine par nature régalien, attribution d’un monopole de la contrainte à l’Etat.
Le mérite de l’article du Professeur Jean Philippe Feldman est de rappeler la solution : il suffit de distinguer avec rigueur la solidarité verticale et la solidarité horizontale. Toutes deux se réfèrent à ce qu’on appelle la subsidiarité. La subsidiarité n’a pas pour origine la Doctrine Sociale de l’Eglise Catholique (DSEC) mais elle a été longuement analysée et recommandée par la catholicité. Chez les libéraux français, c’est sans doute Raoul Audouin, fondateur du Centre Spiritualiste Français grand traducteur de Hayek, Mises et membre de l’ALEPS qui a diffusé le concept de subsidiarité . Il a soigneusement distingué :
1° La subsidiarité verticale : elle ne concerne que l’exercice du pouvoir politique, les problèmes de la vie commune doivent être réglés par priorité par les gens qui sont directement concernés, et on ne va régler au niveau des départements ou des régions uniquement ce qui n’a pas pu être résolu au niveau de la commune, de la sorte on ne fait appel à l’Etat qu’en dernier recours, quand toutes les autres autorités, assemblées et branches de niveau inférieur n’ont pas pu régler le problème : l’Etat est réellement subsidiaire.
2°La subsidiarité horizontale : Elle est bien plus importante encore, la « verticale » n’est que la subsidiaire de « l’horizontale », car celle-ci a une portée majeure et garantit la liberté vis-à-vis du pouvoir, quel qu’il soit. Elle sépare ce qui doit être traité d’un côté au niveau politique, c’est-à-dire en recourant à la coercition, d’un autre côté par la société civile, composée de toutes les cellules de vie et de décision que sont les ménages, les entreprises, les communautés de toutes sortes, associatives ou religieuses, etc. La France est malade du tout politique, l’Etat a détruit la société civile car il n’existe plus aucun intermédiaire entre les décisions des ministères centraux et le peuple théoriquement souverain mais en réalité aliéné
La distinction est fondamentale aujourd’hui car on voit apparaître une référence grandissante aux « agences » qui seraient situées quelque part entre société civile et classe politique. On évoque souvent l’expérience canadienne : transformer la fonction publique en « agences » au statut particulier, et prêtes à donner naissance à une instance privée sans plus aucun rapport avec l’administration publique. Mais au Canada les agences sont elles-mêmes privées et leur salariés ne sont plus fonctionnaires, même s’ils l’étaient auparavant.
Ces précisions sony déterminantes aux yeux de beaucoup de libéraux « classiques » , qui estiment que la seule véritable façon d’en finir avec le tout politique est de réduire l’Etat à sa sphère minimum, et à mettre toutes les autres activités sous le contrôle de la libre entreprise privée, de la responsabilité personnelle, de la concurrence et du contrat. C’est bien ce que fait Milei en Argentine : la tronçonneuse, il supprime les ministères, il n’y a aucune raison pour que les monopoles publics demeurent dans les transports, les logements, l’enseignement, la santé, etc. Cette thérapeutique était recommandée par Frédéric Bastiat, que David Lisnard partisan de la subsidiarité a cité à Paris la semaine dernière.
1.Cf. notre article du 4 novembre (Actualité) Le débat budgétaire tourne aux réformes structurelles Une interview révolutionnaire d’Antoine Armand, Ministre de l’Economie
2.Cf. Jean Philippe Feldman L’exception française, Histoire d’une société bloquée de l’Ancien Régime à Emmanuel Macron Odile Jacob, éd. 2012
3.Cf aussi l’ouvrage de Chantal Delsol L’Etat subsidiaire, Lixco éd. Avril 2015. Raoul Audouin était membre de l’Aleps et son association est toujours co-locataire du 35 Avenue Mac Mahon