Emmanuel Macron : « l’homme qui tutoie le Pape ». On se souvient des accolades et des embrassades entre l’évêque de Rome et le Président de la République Française.
Si l’on insiste aujourd’hui sur la tension entre les deux souverains, il y a bien quelque convergence entre les vues qu’ils portent sur le monde actuel. La tension, c’est la Corse, la tension c’est Paris. « Je n’irai pas à Paris » a dit sèchement le Pape François quand on lui a posé la première fois la question, il y a quelques semaines.
A-t-il un contentieux avec la France ? Toujours est-il qu’il a pris une position tout à fait jésuite : je viens sur le territoire français mais je ne viens pas en France. A Strasbourg en 2014 et à Marseille l’an dernier, il est venu pour parler de l’Europe, puis pour parler de la Méditerranée, même s’il s’est adressé à des Français. Il a été ovationné quand il a osé s’écrier au Stade Vélodrome « Vive la France », personne ne s’y attendait.
On comprend bien qu’une telle obsession soit désobligeante pour le Président de la République Française. Mais elle est aussi politiquement inadmissible compte tenu des conditions dans lesquelles le voyage du Pape a été décidé et sera organisé. Il ne fait aucun doute que c’est le Cardinal Bertillo qui a été le maître d’œuvre de cette rencontre d’Ajaccio. Le Cardinal est chéri du Pape François, il est un pur produit de la culture méditerranéenne, grande famille espagnole au départ, études séminaire et frère franciscain à Rome. On le dit grand féru en question et relations politiques. D’ailleurs dans une interview sur TF1 (Anne Marie Coudray) il rappelait que tout ce qu’il faisait est en liaison avec le maire d’Ajaccio, les élus de l’île entière, la préfecture, etc.
Séparatisme corse
C’est là où le bât blesse : le personnel politique de l’Ile de beauté est acquis au nationalisme corse et ne cesse de remettre en cause la fameuse « loi contre le séparatisme » votée en 2021 à une très large majorité de l’Assemblée Nationale. Cette loi a un double contenu : et culturel et religieux. Pour l’essentiel le contenu culturel consiste à contrôler les associations, les enseignements, les clubs sportifs qui diffuseraient des messages contraires aux principes de la République, et à leur refuser toute subvention de l’Etat français, voire même à dissoudre ces insoumis . Mais parmi les principes de la République se situe le plus sacré de tous, apparemment : la laïcité. Donc les Corses ne peuvent se réclamer du droit d’exprimer collectivement leur religion catholique, et c’est précisément le thème de la conférence que vient clore le Pape François : « la religiosité populaire en Méditerranée ».
Par religiosité populaire il faut entendre « les processions, confréries, pèlerinages, neuvaines… les gestes de la piété populaire rendent la foi chrétienne visible » nous disent ceux qui la pratiquent. Il se trouve de plus que le Pape François a de la sympathie pour « la théologie de la Méditerranée » (comme jadis pour la théologie de la révolution ») : la Méditerranée serait le foyer du dialogue, et donc propice au dialogue entre les hommes et Dieu, nous expliquent les Jésuites.
Par contraste Emmanuel Macron est un fanatique de la laïcité, il avait d’ailleurs été critiqué pour l’avoir oubliée en assistant à la messe du Stade Vélodrome l’an dernier. Il ne pouvait donc accorder aux Corses la possibilité de braver la laïcité et les valeurs de la République. De la sorte ce n’est que samedi dernier que le Pape a été autorisé à mettre les pieds à Ajaccio. Et Emmanuel Macron se rappellera au bon souvenir du Pape François en le saluant (aux côtés de Brigitte) à l’aéroport au moment du départ. Malgré la collaboration obligatoire de la Préfecture d’Ajaccio, les officiels corses (y compris le Cardinal) ont précisé que tout le voyage du Pape serait entièrement organisé sans l’aide de la France. Seule Madame Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, fervente catholique, accompagnait le Président de la République.
C’est donc bien clair : les Corses veulent rester chez eux, affirmant leur culture et leur religion. Ils ne sont pas d’ailleurs inquiets par la présence des 42.000 musulmans sur leur île, certains sont installés depuis des décennies, surtout dans la région de Porto Vecchio. D’origine marocaine pour la plupart ils ne s’occupent pas de séparatisme.
Engagement parallèle pour la paix mondiale
Tout semble donc opposer le Pape François et Emmanuel Macron. Toutefois il est frappant, à mon sens, d’observer le parallélisme, sinon la convergence, entre les deux personnalités dans leur façon de concevoir la paix mondiale, car tous deux veulent s’en croire responsables. D’abord tous deux sont tiers-mondistes, j’entends par là qu’ils ont une préférence pour les relations diplomatiques avec des pays qui pour l’instant ne sont pas trop impliqués dans le « choc des civilisations ». Tous deux ont les plus grandes préventions à l’égard des Etats Unis (et avaient souhaité l’échec de Trump) et ils ont gardé quelque distance avec Poutine. Le Tiers-mondisme est historiquement associé avec la « troisième v oie », elle est dans la grande tradition française gaulliste mais en revanche elle n’est pas dans la tradition du Vatican, Jean Paul II avait choisi la liberté et l’économie de marché. Ici le Pape François a rompu avec la traditionnelle Doctrine Sociale de l’Eglise Catholique.
Ensuite tous deux sont de fervents animateurs de l’écologie politique. Ils croient à la version philanthropique des dérèglements climatiques, ils sont partisans de la transition énergétique et ils n’ont pas de sympathie pour la croissance économique. Ils ne vont pas jusqu’aux extrémités de la philosophie post modernes, mais ils n’ont pas une vraie confiance dans la nature de l’être humain : culpabilisation religieuse chez l’un, matérialiste chez l’autre.
Enfin leur méthode de communication est la chaleur des relations personnelles. Je dirais même de façon inconvenante la méthode bisous. Cela peut réussir pendant quelques heures et pour quelques partenaires, mais il est douteux que cela puisse réellement changer les plans d’un Poutine, d’un Xi Ji Ping ou d’un Trump.
Je me suis cru obligé d’aborder ce parallélisme diplomatique, parce qu’il montre la vanité des efforts prétendus favorables à la paix mondiale. « Si vis pacem para bellum ». Reagan a victorieusement mis fin à la guerre froide en réarmant son pays grâce au programme Star War, bouclier spatial anti-nucléaire. Jean Paul II a bravé le régime communiste en réunissant des millions de Polonais dans son pays : les « divisions du Pape » et Solidarnosc ont amené Gorbatchev à se rendre au Vatican.
1.Comment LFI est-elle légalement tolérée ?
2.Cf mon article dans la Nouvelle Lettre du 29 octobre 2024 Décès du père de la « Théologie de la Révolution »
Cher Jacques,
Je pense aussi que le Pape ne peut pas se déplacer dans un État, même fille aînée de l’Eglise, que autorise l’avortement jusqu’à 9 mois ; un État qui a intégré « le droit » à l’IVG dans la constitution ; et enfin, un État qui souhaite légiférer pour autoriser l’euthanasie !!