Le hasard m’a permis de rencontrer en quelques heures trois personnages qui représentent
fidèlement trois approches du débat public actuel sur le DPG et le déficit budgétaire. J’ai
rencontré Christian Saint Etienne et Alain Madelin aujourd’hui sur la chaîne télévisée LCI et
David Lisnard dans les colonnes de l’Opinion lues ce matin.
Christian Saint Etienne 1 m’a étonné, il a fini par me révolter. Sa présentation des masses
budgétaires était une collection de vérités premières, d’un amas de chiffres et de pieux
mensonges. Je vous en livre l’essentiel :
1° Pour les dépenses publiques, quel en sera finalement le montant ? Réponse : « nous
vendons 60 milliards, mais ce sera 40 milliards ». Autrement dit : nous communiquons sur un
chiffre mais on ne réalisera pas cet objectif. Je traduis : nous mentons.
2° Pour les impôts sur les riches : nous y avons pensé pour calmer les réactions de LFI, nous
cherchons à avoir un écho dans toutes les couches de la population, donc dans tous les
groupes présents à l’Assemblée Nationale. Les arbitrages du budget sont donc politiques, et
ne concernent en rien les finances de la France. Sans doute Madame Panot va-t-elle se figer
dans sa haine de Michel Barnier, mais dans les proches travées il y aura des députés
d’extrême gauche qui voteront le projet de loi de Finances. Voilà « la paix des braves ».
3° Christian Saint Etienne ne veut pas cacher la vérité : beaucoup de projets sont purement
« cosmétiques» (sic) , ils sont faits pour attirer le chaland.
C’est ici que je me suis révolté : je me suis mis à la place des agences de notation, des
autorités européennes et du Fonds Monétaire International qui cherchent à savoir si les
gouvernements français sont enfin décidés à mettre un peu d’ordre et de rigueur dans leurs
finances, et l’un des économistes supposé conseiller Michel Barnier avoue un gros péché
mortel.
Je laisse Saint Etienne pour Alain Madelin, quelques heures plus tard. Respectueusement
accueilli comme « Monsieur le ministre », parce qu’il a malgré tout laissé une trace à Bercy,
fût-elle éphémère. Il passe au moins dans les médias pour porte-parole talentueux des idées
libérales. Pour l’avoir accompagné de 1968 à 2002 je connais son savoir libéral, il l’a cultivé
et partagé pendant trente ans. Mais si l’intellectuel est digne d’admiration, le politicien n’a
pas eu toutes les vertus : confiance aveugle dans Chirac qui l’a trahi à plusieurs reprises,
création du parti Démocratie Libérale et disparition d’Idées Action. Le « come back » de
Madelin est très rassurant, il traduit bien l’intérêt porté aujourd’hui au libéralisme, seule
offre politique nouvelle et salutaire. Dans cette interview Madelin s’est vite imposé par sa hauteur de vue, qui contraste avec la médiocrité générale de la classe politique actuelle. Il a
dit l’essentiel : rien ne sera fait tant qu’on n’aura pas coupé le cordon ombilical entre le
peuple et l’Etat, tant que le jacobinisme et la bureaucratie ne disparaîtront pas. Mais à juste
titre il n’a pas voulu dire ce qu’il pensait de la déclaration de Gérald Darmanin, ni de tous
ceux qui pensent par priorité à leur promotion personnelle. Y a-t-il quelque homme ou
quelque femme qui pourrait relever les défis actuels ? Alain Madelin laisse entendre que
c’est possible, mais il ne cite pas David Lisnard avec lequel il entretient pourtant des
relations très amicales. Alain Madelin n’a pas fait allusion aux réformes libérales, si ce n’est à
propos des retraites pour lesquelles il plaide la retraite par points (c’est une erreur à mon
sens) et les fonds de pension (j’en suis d’accord mais pourquoi ne pas parler de
capitalisation ?). L’homme d’idées ne se présente pas en homme d’action.
Or, n’est-ce pas d’action dont on a besoin ? La chronique de David Lisnard dans l’Opinion
s’intitule « Des actes, des actes ».
« Depuis des années ces actes ne viennent pas […] j’ai dressé dans ces colonnes au gré de
mes précédentes chroniques beaucoup d’actes et de points de méthodes, à commencer par la
réorganisation totale des pouvoirs publics autour du principe de subsidiarité pour libérer le
pays du centralisme, source de paralysie par la surcharge des procédures administratives, des
autorisations préalables, des prélèvements obligatoires ».
Les priorités de ces actes : une bonne instruction publique, une haute recherche et
développement, de la compétitivité prix et qualité dans l’industrie et les services, de
l’autorité sécuritaire et migratoire, un système de santé partout et pour tous, la crédibilité
diplomatique, une ambition numérique, une espérance environnementale par la science,
l’investissement et le droit, forcément international. Voici ce qui s’affiche en résumé de
l’article :
« Ce dont le pays a besoin, c’est de la révolution libérale qui n’a jamais eu lieu en France pour
retrouver sa capacité à choisir son destin en indépendance, sa prospérité, et l’équité pour les
Français. »
David Lisnard ajoute à ses profondes qualités de libéral celles d’un entrepreneur : agir et
réaliser après avoir fixé des principes et des plans. J’ai d’ailleurs à vous rappeler 2 qu’il avait
écrit dans l’Opinion il y a une semaine un article dans lequel il précisait ce qu’il aurait fait si
Emmanuel Macron lui avait proposé Bercy : diminuer le taux d’imposition des plus riches –
ce qui multiplie les ressources fiscales (c’est l’effet Laffer), supprimer la progressivité de tout
impôt (flat tax).
1 Sa carrière a été partagée entre l’enseignement économique (professeur de la chaire d’économie politique au CNAM),les professions financières (banque, FMI, stratégie) et la politique (conseiller à Paris, membre du parti républicain). D’opinion plutôt libérale au départ (il a fréquenté l’Université d’Eté à Aix) il a rejoint le « Cercle des Economistes » plutôt orienté à gauche. Libéralisme stratège (Odile Jacob 2020) est assez déroutant.
2 La Nouvelle Lettre du 20 septembre (Actualité) David Lisnard à Bercy : enfin un budget en équilibre ! Ce qu’il ferait ou ce qu’il va faire ?