Les deux dernières semaines ont été riches en joutes et jeux diplomatiques. Il y a eu d’abord le G20 à Bali (Indonésie) lundi et mardi derniers, puis la COP 27 à Sharm El Tcheck en Egypte, terminée avant-hier dimanche. La France était brillamment représentée à ces deux réunions par son Président et plusieurs ministres.
A propos du G 20 on s’est longtemps demandé si Poutine allait y participer. Il a préféré rester au Kremlin. En revanche Xi Jinping était bien là et Emmanuel Macron, qui parle souvent au nom de l’Union Européenne, se devait de le rencontrer chaleureusement. Il est vrai que le chancelier allemand Olaf Scholtz s’était rendu à Pékin au début du mois, sans en avertir quiconque – ce qui fait un peu bande à part et désordre. Les deux réunions de la semaine dernière ont été largement occupées à discuter du changement climatique – ce qui est inhabituel pour le G20, dont la vocation est traditionnellement économique. Mais les organisations internationales se doivent de contribuer à sauver la planète en gérant la transition énergétique, ce qui pose des problèmes à beaucoup de pays moins développés, notamment africains, qui aimeraient bien exploiter leurs ressources pétrolières et attendent une compensation financière massive.
Mais venons-en au problème ukrainien, qui était très officiellement à l’ordre du jour du G 20 mais qui s’est également invité à la COP 27. Il a d’abord été question de la menace céréalière : Poutine va-t-il reconduire son accord pour laisser passer les céréales ukrainiennes par la Mer Noire ? Mais il y a eu pire : la menace de Poutine de recourir à l’arme nucléaire. Est-ce cette menace (insensée), ou plutôt les bombardements massifs des Russes pour priver les Ukrainiens de toute énergie le jour-même où la ville de Kherson était reconquise par l’armée ukrainienne ? Toujours est-il que la tendance générale était à « calmer le jeu » entre les belligérants. Certes Poutine a toujours été dénoncé pour avoir violé le territoire ukrainien et pour avoir permis des crimes contre l’humanité, notamment à travers ses sous-traitants mercenaires du groupe Wagner. Au G 20 et pour la première fois aucun participant n’a vu personne se ranger aux côtés de la Russie, et tous ont appelé à l’intervention des Nations Unies (mais la Russie exerce naturellement son veto au sein du Conseil de Sécurité).
Le résultat est que les discours du Président Zelenski qui veut rependre la Crimée envahie en 2014 contre toute règle du droit international passent pour des provocations inutiles chez certains Européens, et maintenant chez les Etats Unis, pourtant en tête de l’aide militaire et financière aux Ukrainiens. Au niveau européen, les divisions se creusent de plus en plus entre les « pacifistes » partisans de négociations à tout prix et les « faucons ». Les faucons sont les voisins immédiats de la Russie : Pologne, pays baltes, Finlande, Suède. Ils ne sont pas rassurés par une perspective de négociations qui passeraient à coup sûr pour une victoire de Poutine, assuré de garder la Crimée et peut-être même les enclaves du Donbass. Les pacifistes sont ceux qui sont agités par la peur d’un conflit mondial et d’une panne généralisée d’électricité dans les mois tout prochains. Une nouvelle peur vient de les assaillir : les habitants des villes et des régions sans électricité commencent à quitter leurs maisons et veulent émigrer le plus vite possible. Des millions de réfugiés pourraient ainsi chercher à trouver un havre hivernal dans des pays d’Europe. Qui pourra les accueillir et comment ? Les voisins immédiats comme la Moldavie, la Roumanie, la Pologne, les pays baltes, ont déjà accueilli beaucoup d’immigrés. Certains commentateurs ont même soutenu que les Ukrainiens faisaient un « chantage aux réfugiés » pour accélérer et amplifier l’aide à l’Ukraine
Toujours est-il que les Européens sont divisés, que Joe Biden ne veut pas soutenir les espoirs ukrainiens sur la Crimée. Y a-t-il réellement « fracture », comme on le dit facilement ? La division n’est pas tant entre Ukrainiens et Occidentaux, elle est au cœur du camp occidental. Théoriquement l’OTAN devrait être le lieu de concertation et de soutien permanent d’un peuple qui défend sa liberté contre une dictature barbare.
Nous reconnaissons ne pas pouvoir avancer le moindre diagnostic à cette heure. Mais nous pouvons observer ces jours-ci que certains pays de l’Occident, et certains leaders de grands pays, y compris le nôtre, semblent démotivés, hostiles au « va-t’en guerre » et préfèrent des négociations au lieu de défendre le droit international et la liberté de millions d’êtres humains. On déclame se réarmer pour l’avenir lointain, mais aujourd’hui armes et munitions n’arrivent toujours pas assez vite en Ukraine.