« L’arrêté du 17 octobre 2002 a porté modification de l’arrêté du 13 février 1986 relatif à l’organisation du premier concours d’agrégation pour le recrutement des professeurs des universités des disciplines juridiques, politiques, économiques ».
Et quelle modification ! L’agrégation en sciences économique n’existe plus. Demeurent les agrégations pour les quatre sections juridiques (droit privé, droit public, histoire du droit, science politique) et la section de gestion. Donc, désormais plus de professeur agrégé dans les Universités françaises. Créée en 1955 l’agrégation de sciences économiques est un concours difficile, ouvert seulement une année sur deux. Raymond Barre sera agrégé en 1959, il n’y a eu que cinq candidats admis cette année-là. Jusqu’en 1966 il est rare d’être agrégé au premier concours, mais plus de dix « premiers concours » réussissent, dont Yves Frévile (major), Daniel Pilisi, Alain Saias, Pascal Salin, Jacques Garello…
On peut s’interroger sur les raisons de cette suppression. Il est certain que le népotisme a progressé depuis le concours 1968, année où une deuxième session imprévue a été organisée pour repêcher des économistes de gauche éliminés. Ensuite les jurys seront de plus en plus « politiques », avec évidemment une écrasante majorité de présidents de gauche. De la sorte lorsque Pascal Salin est nommé président du jury, c’est une campagne de presse haineuse qui est déclenchée au prétexte que les agrégés seront des économistes libéraux (il n’y en a eu apparemment que six ou sept sur une vingtaine de reçus).
Mais nous voyons surtout deux autres aspects de cette disparition. Le premier est que les journaux et les écrans de télévision sont envahis d’économistes, presqu’autant que d’épidémiologues et d’urgentistes pour le covid. Qu’est-ce qu’un économiste ? Le vrai concours est passé devant les médias.
Le deuxième aspect, et le plus inquiétant à notre avis, est le fait que les étudiants qui veulent s’intéresser à l’économie ne vont plus dans les universités, qui n’accueillent plus, en économie comme dans la plupart des sciences sociales, que de futurs chômeurs – faute de sélection à l’entrée et de laxisme dans les examens (réforme Bayrou, comme par hasard, on peut finir trois années en n’ayant pas encore réussi à certains examens de première ou deuxième année). Désormais l’économie s’enseigne dans de grandes écoles : de commerce, comme HEC ou ESSEC, ou de la nouvelle génération TSE et PSE. Toulouse School of Economics, et Paris School of Economics. Cette génération a deux aspects sympathiques. D’une part elle est dirigée par la gauche politiquement engagée. Certes Jean Tirole (TSE) a reçu le prix Nobel, mais son savoir économique se mesure à ses talents de mathématicien, et il est très lié à son équivalent de la PSE, un certain Piketty – dont on peut certifier qu’il n’a aucun talent ni aucun savoir. D’autre part dans tous les cas évoqués il s’agit d’ «écoles » et non pas d’«universités » et nous touchons là au vice su système d’enseignement supérieur français : pas d’ouverture d’esprit, pas de concurrence véritable dans la recherche et l’enseignement. D’ailleurs la recherche est elle aussi devenue monopole d’Etat avec le CNRS. Quant aux « écoles », leur concurrence est réduite par le jeu des subventions, les écoles bien pensantes sont largement subventionnées, et les élèves qui en sont issus se placent avec facilité dans les hauts rangs de l’administration et des grandes sociétés.
Le résultat de cette aventure est que les jeunes Français, de tous âges, sont maintenus dans l’ignorance de ce que sont les lois élémentaires de la science économique, qui existent pourtant. Mais il est inutile que les Français de base sachent quelque chose de l’économie : c’est l’Etat qui s’en occupe. Ce qu’ils savent de l’économie c’est le bénéfice des droits sociaux qui leur sont offerts, l’égalitarisme et, surtout maintenant, la défense de la planète. Parmi les espèces en voie de disparition, voilà donc les professeurs agrégés ès science économique.