Réforme des Retraites : En finir avec les mensonges
Le forum de l’ALEPS révèle ce que tous les Français devraient savoir
Le système actuel de réforme par répartition va exploser dans moins de cinq ans
Classe politique et partenaires sociaux ont tenté dix réformes vides de tout sens
La seule réforme qui s’impose est le passage à la capitalisation
La capitalisation assure en 15 ans ce que la répartition coûte en 40 ans
La plupart des pays de l’OCDE ont réduit la répartition et développé une libre capitalisation
La transition progressive de la répartition à la capitalisation est réaliste et juste
Voilà six évidences qui ont été rappelées au cours du forum organisé par l’ALEPS samedi matin 7 octobre à Marseille. Il s’est dit et a été démontré des vérités inconnues de l’opinion publique.
Les communications et des débats du forum ont été enregistrés, le texte transcrit vous sera proposé très bientôt.
Pourquoi ouvrir à nouveau l’impossible et éternel débat sur la réforme des retraites ?
Parce que la semaine dernière Madame Borne a tenté de s’emparer des 20 milliards de réserves constituées pour les retraites complémentaires constituées (en capitalisation) par l’Agirc-Arrco. Après avoir fait main basse sur l’Unedic l’Etat veut récupérer l’argent des cotisations et des épargnes intelligemment géré. Syndicats de salariés et d’employeurs ont unanimement refusé cette spoliation.
Se pose aussi sur cette affaire la présentation du projet de loi de finances de la Sécurité Sociale, de sorte que Madame Borne pourrait utiliser le 49/3 pour obtenir les milliards qu’elle convoite. Or, ce projet ne retient qu’un déficit de 20 milliards, somme sans doute déduite des bienfaits de la réforme des retraites votée en avril dernier (dont les effets sont attendus sur 30 ans) mais le véritable déficit est 70 milliards.
Qui va présenter le forum sur la réforme ?
Jacques Garello, Président de l’ALEPS, dont les premiers écrits contre la répartition datent de 1974, qui a publié un traité sur « Futur des retraites et retraites du futur » en trois tomes et un ouvrage de vulgarisation « Comment Sauver vos retraites » en 2020.
Frédéric Agenet, ancien Directeur des Relations Humaines d’Airbus industrie, représentant du MEDEF puis Président d’AGIRC-ARRCO jusqu’en 2016.
Pierre Dussol, professeur émérite d’économie et de finances à l’Université Aix Marseille, ancien conseiller municipal d’Aix et consultant en placements financiers.
Explosion de la répartition (banalité)
L’échec de la réforme Borne est de même nature que les neuf autres échecs depuis 1974 : « sauver la répartition » Or, la répartition est doublement condamnée : vieillissement de la population et gaspillage de l’épargne.
Comment les réformes sont réalisées (Frédéric Agenet)
- Elles sont préparées par des gens incompétents, notamment les membres du COR (Conseil d’Organisation des Retraites), assemblée disparate de politiciens (parlementaires, élus locaux) de syndicalistes, de journalistes et d’experts auto-proclamés. Cette assemblée est tellement nulle que les partenaires sociaux l’ont finalement désertée. Les rapports su COR sont cependant ceux qui inspirent le gouvernement. Ainsi le Président Macron a-t-il annoncé en 2020 qu’il n’y avait aucune urgence à une réforme, fût-elle simplement paramétrique, puisque le système était en voie de rééquilibre (dans sa profession de foi en 2017 il avait promis de réformer).
On comprend l‘attitude des gouvernements en place, de Chirac à Macron : ils n’ont cessé de mettre les retraites sous la coupe directe de l’Etat, tout en souhaitant que les partenaires sociaux y aient une participation active ; les partenaires sociaux doivent collaborer. Lorsque Madame Touraine a présenté sous Hollande la dernière réforme avant celle de Madame Borne, elle en a donné le contenu détaillé aux journalistes avant même que les partenaires sociaux en soient informés, ils l’ont lu dans la presse le lendemain.
Le problème fondamental est celui de savoir si l’Etat peut confisquer et s’attribuer un dialogue social entre représentants des salariés et de leurs employeurs. - Bien qu’ils se soient finalement résignés au dirigisme étatiste, les « partenaires sociaux » n’ont pas été exemplaires. Les syndicats sont en grande partie politisés, rares sont les personnalités comme Nicole Notat (CFDT) à vouloir que les choses changent, parce qu’avec 34 régimes différents de retraites, une réforme du seul régime général risque de bouleverser le sort des futurs retraités des 33 autres. En revanche plusieurs grands leaders syndicaux, comme Blondel, ont été poursuivis pour conflits d’intérêt : l’argent de la Sécu c’est parfois celui de leaders syndicaux.
- Quant au patronat, il a toujours hésité à avoir une position nette et claire dans les négociations sociales, quelles qu’elles soient. Les réformes globales masquent la diversité des entreprises. Quant au MEDEF il a été depuis assez longtemps entre les mains des « banco-financiers » plutôt que des industriels (UIMM).
- Les négociations sociales souffrent en France d’un vice fondamental : au lieu de définir une position ferme tout en sachant ce que l’on peut concéder au cours de la négociation (définir une ligne rouge) on annonce les concessions possibles avant de négocier. Le « dialogue » penche souvent au détriment des entreprises, certaines d’entre elles ou certaines branches d’activité chercheront une compensation à travers le lobbying.
Au cours du débat une question a été posée : pourquoi les sociétés financières et en particulier les compagnies d’assurance n’ont-elles pas pris part aux différents projets de réforme ? La réponse donnée par JG est qu’elles préfèrent que la répartition demeure parce que cela représente une clientèle croissante désireuse d’acheter des assurance-vie et autres produits de capitalisation.
Performances de la capitalisation (Pierre Dussol)
Il faut d’abord se rendre compte qu’un tiers des Français est déjà impliqué dans la capitalisation et en profite : les fonctionnaires eux-mêmes ont une retraite complémentaire en capitalisation (Prefon devenu PER obligatoire en 2019/2020).
Mais en quoi la capitalisation est-elle profitable ? C’est que l’on arrive en 15 ans à constituer une source de pensions équivalente à ce que l’on peut avoir (au mieux) après 40 ans de répartition. Il n’y a pas de miracle, c’est le résultat d’un double calcul, financier et économique.
Le calcul financier est celui des intérêts composés, jadis enseigné en CM1 : un placement sur une longue période avec un taux même faible débouche sur une somme considérable : avec 5% on double la mise initiale en 15 ans. Mais quels sont les placements autres que ceux qu’on nous impose avec la Sécurité Sociale ? Les placements boursiers : la moyenne des indices mondiaux (en valeur réelle, c’est-à-dire en tenant compte du fait qu’iils sont calculés en un dollar déprécié) aura évolué entre 7 et 10 % sur les vingt dernières années, même après les « crises » de 2008 (subprimes) et de 2020 (Covid). Plus le placement est long, plus la certitude d’un rapport donné (promesse d’un capital disponible quand on prend la retraite) augmente, elle est totale après 40 ans. S’il y a eu des faillites de comptes de capitalisation elles ont été dues à des malversations (Enron) et se produisent dans les comptes d’épargne d’entreprises. Voilà pourquoi la capitalisation est encore aujourd’hui en France une initiative personnelle, sous formes d’accession à la propriété, d’investissement immobilier, d’investissement en capital humain (études pour les enfants, formation permanente, santé des parents). Contrairement à ce qu’on dit cette capitalisation personnelle ne manque pas de solidarité (que l’on prête systématiquement à la capitalisation collective) car elle ne fonctionne que s’il y a accord voire contrat entre investisseurs et bénéficiaires. Mais le concept de patrimoine passe aujourd’hui pour une rente constituée sans effort, et réservée aux riches).
Au niveau de la macro-économie, les retombées de la capitalisation sont évidentes. Car les fonds de pension, les compagnies d’assurance et les banques (parfois en liaison) ont la compétence voulue pour orienter les épargnes reçues vers des emplois rentables. Oui, la rentabilité est fondamentale, parce qu’elle est responsabilité et innovation en même temps.
Dans le débat il est fait allusion aux multiples attaques fiscales et juridiques contre la propriété, par exemple à propos de l’immobilier ou des successions.
La transition de la répartition à la capitalisation (Jacques Garello)
Des sondages font apparaître que 84 % des Français seraient en faveur de la capitalisation. Mais quelle place la capitalisation peut-elle occuper en France tant que la répartition est le système dominant ?
En réalité, ceux qui sont de sincères partisans de la capitalisation sont persuadés qu’elle permet de se prémunir contre l’explosion de la répartition. Jacques Garello trouve cette attitude injuste et injustifiée. Elle est injuste parce que ce sont les Français les plus dotés en informations et en revenus qui peuvent investir en capitalisation (ce sont les « vernis » dit Marquès) ou les Français dont le statut prévoit explicitement la capitalisation (ce sont les « privilégiés », comme les fonctionnaires). Les personnes et les ménages les plus modestes n’ont donc pas les moyens de capitaliser, bien qu’on leur fasse croire que le livret de Caisse d’Epargne soit de la capitalisation (alors que les revenus des placements de la Caisse des Dépôts et Consignations ne leur reviendront jamais).
Elle est injustifiée dans la mesure où nombre de pays ont réussi à éliminer presque complètement la répartition, et ont développé les capitalisations collectives obligatoires ou volontaires, et les capitalisations individuelles, réellement libres. Un graphique montre clairement où en est la France dans ce classement : presque tout en premier pilier (un simple filet social comme un revenu minimum financé par solidarité nationale à travers l’impôt) un petit 15% en deuxième pilier (retraites complémentaires obligatoires ou volontaires, participations, etc.) et moins de 8 % en troisième pilier, l’un des taux les plus faibles de tous les pays.
Pour l’instant, nous sommes bloqués sur la répartition, c’est le choix des politiciens bien plus que des assurés. Mais le plus important est de savoir comment parvenir à faire disparaître la répartition du paysage. Les techniques de transition sont rendues difficiles parce qu’on ne peut pas effacer d’un seul coup les droits acquis en répartition par des millions de personnes qui ont cotisé depuis des années, voire des décennies.
Il y a eu sans doute l’exception de Piñera au Chili : tous ces droits ont été rachetés instantanément. Mais le niveau de ces retraites était très faible et le ministre du travail Piñera a vendu « les bijoux de famille », c’est-à-dire le patrimoine industriel et commercial possédé par l’Etat chilien : mines de cuivre, transports ont été privatisés, entre autres. Une telle opération coûterait en France actuellement l’équivalent de 4 PIB.
Dans des conditions « normales » ou même graves (comme la nôtre) la technique la plus crédible est celle de Martin Feldstein, dont les travaux sont connus dans le monde entier mais ignoré en France. Elle consiste à étaler la transition sur une cinquantaine d’années. On augmente le taux des cotisations payées en répartition de 1% la première année, ce 1% ira à la constitution d’une première esquisse de capitalisation. Puis ce taux va monter progressivement chaque année, de sorte que non seulement la capitalisation sera alimentée et grossie et produira ses effets en investissements productifs, mais aussi que la répartition échappera à la faillite grâce à la croissance induite, et à la volonté de milliers d’épargnants de capitaliser pour compenser la perte inéluctable de pouvoir d’achat des futurs retraités. Jacques Garello propose une solution plus « individualiste », parce que dans le système Feldstein le poids de la répartition hypothèque l’ensemble, allonge la transition (il faudra peut-être plus de 50 ans pour éponger totalement la répartition).
On peut proposer que les retraites se constituent en fonction de l’âge, et conformément à ce qu’on appelle le « cycle de vie », un concept imaginé par Modigliani et Baumol : les jeunes n’épargnent pas, ils ont peu de revenus et beaucoup de charges, premiers loyers, premiers enfants, ensuite ils ont la possibilité de commencer à épargner (entre 40 et 50 ans) enfin ils constituent un patrimoine. A chacune de ces tranches d’âge va correspondre un effort différent : ceux qui entrent dans la vie active paient les cotisations nécessaires pour les retraités de l’époque, ils n’obtiennent aucun droit à la retraite, mais cette perte sera compensée. En effet au fur et à mesure que la capacité d’épargner s’affirme, et à un rythme librement choisi par le cotisant, il pourra commencer à amorcer une capitalisation en toute liberté, il aura déjà payé sa « rançon » à la répartition, et la part de son revenu en capitalisation ne cessera d’augmenter. A l’autre extrême ceux qui sont à la retraite ou sur le point de la prendre n’ont rien de changé, leurs pensions sont garanties par les sacrifices des plus jeunes. Quant aux classes d’âge intermédiaire ils peuvent choisir de rester en répartition, avec les risques que cela suppose, ou de passer à la seule capitalisation sachant qu’en moins de 15 ans ils peuvent reconstituer un capital-retraite au moins équivalent à celui qu’ils auraient eu en répartition.
Evidemment tout cela mérite d’être affiné, le calcul actuariel, la prise en compte des cohortes démographiques, et autres paramètres doivent être pris en compte. Mais le fait est que la France se classe 22ème dans le classement des retraites fait pour 44 pays, et sa bonne notation se déprime, et elle est seulement due au fait que les retraites sont payées avec régularité, mais elles ne sont ni garanties pour le futur, ni spécialement transparentes (les coûts de gestion sont inconnus et sans doute très élevés).
Donc la transition est possible, bien des pays l’ont étalée sur deux décennies ou davantage, c’est un calcul à long terme comme toute réforme des retraites devraient l’être, alors qu’en France elle est soumise aux impétueuses initiatives de gouvernements et de partenaires sociaux sans compétence ni autorité.
Pour conclure Jacques Garello cite un jugement porté par Gary Becker (et transcrit dans son livre Comment sauver vos retraites ? » : la capitalisation, c’est l’encouragement au travail, à l’épargne, à la réussite, c’est un choix de société.