Il s’est dit et écrit tellement de stupidités à propos de la future politique de Donald Trump que je me suis cru autorisé à proposer les miennes. Mais je le fais en libéral, c’est-à-dire en spéculant sur le règne de la liberté et de la paix dans le monde entier.
Cette spéculation concerne les relations que le futur Président entretiendra avec l’Europe, avec la Chine, avec la Russie, avec le monde entier. Cette spéculation m’est parue lucide compte tenu des contacts visibles que Donald Trump a multipliés depuis trois jours – mais je ne sais rien des contacts secrets, peut-être les plus importants.
Trump et l’Europe
Voilà bien longtemps que l’Europe n’intéresse plus guère les dirigeants américains, ils regardent du côté du Pacifique, de l’Asie pour des raisons tant économiques que politiques.
Il y a cependant deux liens qui continuent à unir Etats Unis et Union Européenne.
Le premier est l’OTAN, il y a une solidarité militaire indiscutable car la poussée ou l’invasion de l’Europe et de sa mer Méditerranée par la Russie ou la Turquie constituerait un danger pour les Etats Unis, même si nous ne sommes plus en 1942. Evidemment il y a le fort contentieux du financement de l’OTAN, à juste titre les Américains (et pas seulement Trump) reprochent aux Européens de ne pas participer aux coûts de l’OTAN. L’Union Européenne n’est visiblement pas prête à payer pour sa dépense, le budget de la dépense est ridicule dans la plupart des pays membres de cette organisation qui en revanche investit beaucoup pour se prémunir de l’oxyde de carbone…D’autre part l’Union Européenne est-elle celle d’Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen ou celle de Viktor Orban ? Il y a les partisans de plutôt la guerre et ceux de plutôt la paix. Il y a aussi les pays voisins de la Russie, comme les Baltes et les Slaves, et les autres. Toujours est-il que l’OTAN avec sa composante américaine gêne Moscou et peut protéger l’Ukraine, si Trump obtient des concessions réelles de Poutine.
Le deuxième lien est celui de l’économie. Globalement l’Europe est un partenaire et un concurrent important pour les Etats Unis. Le protectionnisme annoncé par Trump ne fait pas l’affaire des Européens, mais la situation est, là encore, variable. L’Allemagne est en difficulté parce que son industrie (automobile et chimique) est déjà moins compétitive par rapport à l’industrie américaine (dont les salariés ont voté pour Trump). La France va souffrir pour ses vins et liqueurs et ses fromages – mais pas pour ses paysans, enfants chéris qui se nourrissent de la PAC – mais notre tourisme, nos produits de luxe sont à l’abri de toute concurrence. Quant à nos industries certains secteurs sont exportateurs, comme la construction maritime ou aéronautique, voire même l’armement. Pour autant je n’approuve pas le protectionnisme Trump.
Trump et la Chine
Sans doute le duo le plus compliqué, car la Chine a deux dimensions : la Chine capitaliste et la Chine communiste. La Chine capitaliste acceptera le protectionnisme de Trump, même avec des droits de douane relevés spectaculairement. D’une part la productivité chinoise a quelque chose de frelaté, puisque les Chinois ignorent ce qu’est la propriété intellectuelle et copient sans complexe et sans sanction les techniques étrangères. Quant au coût de la main d’œuvre il est celui de la dictature. Se protéger contre les Chinois c’est compenser la concurrence déloyale des Chinois. D’autre part la Chine capitaliste a besoin des débouchés américains, les Etats Unis sont leurs premiers acheteurs et de loin, d’autant plus que la croissance chinoise est très essoufflée depuis quelques mois et le succès économique est ce qui soutient la popularité de Xi Ji Ping. , il a d’ailleurs adressé à Trump les souhaits d’une « coopération » quelques minutes après les résultats.
La Chine communiste existe cependant. Au sein même du PCC la reconquête de Taïwan passe pour l’objectif majeur ; la République « populaire » de Pékin n’a jamais accepté que cette immense île riche non seulement de ressources naturelles considérables (le jade) soit aussi à la tête d’un centre mondial de cellules électroniques,et puisse offrir le spectacle de la réussite et de la liberté (depuis 1943 le temps de Tchang Kaï-chekest bien révolu). Il est vrai que le couloir entre Chine et Taïwan est un passage obligé de tout le commerce maritime asiatique les Japonais comme les Indiens ou les Indonésiens ne peuvent imaginer ce qui est arrivé à la Mer Rouge.
Il semblerait donc qu’on puisse miser sur la Chine « capitaliste » et la « coopération ».
Trump et la Russie
Par contraste Poutine n’est pas gêné par l’économie, et ne prend en compte que la politique. L’économie ne lui pose pas de problème, non que le peuple soviétique soit repu, les soviétiques lui avaient appris à se contenter de peu de choses, sinon de la vodka, mais parce que le peuple n’a rien à dire, le Président a toute puissance et pour toute sa vie (qu’il protège par une pratique du sport très intense). Poutine et Trump se rencontrent donc sur le champ politique. Incontestablement Poutine n’a jamais renoncé à conserver les provinces d’Ukraine qu’il a envahies, au prix de nombreux crimes de guerre. Il n’a jamais renoncé à reconstituer la grande URSS, avec tous les pays du pacte de Varsovie. Il a échoué récemment en Moldavie, mais il a réussi en Géorgie. L’Ukraine est évidemment son objectif prioritaire. Après avoir colonisé l’Ukraine dès 1992 il a profité de la pusillanimité européenne et américaine pour envahir la Crimée ukrainienne en 2014 et il répète l’opération sur le Donbass en 2022, espérant que ses troupes aillent conquérir Kiev. La réaction inattendue et remarquable de Volodymyr Zelensky et du peuple ukrainien, héroïque durant le siège de Marioupol en 2023, empêchera Poutine d’aller conquérir Kiev comme prévu.
Aujourd’hui il ne fait pas de doute que le jeu est équilibré entre Poutine et Trump, du moins pour l’instant. Poutine n’avait jamais mené la moindre offensive durant la première présidence Trump. Succédant à Obama qui a délaissé toute responsabilité dans les affaires étrangères (et on doit aussi évoquer la catastrophe Hillary Clinton ès qualité de Secrétaire d’Etat) Trump avait déjà rappelé que les Etats Unis ne laisseraient pas les pays totalitaires se multiplier et il avait déjà demandé aux Occidentaux de s’unir contre l’Iran – mais Angleterre et France n’ont pas suivi. On retrouve le même équilibre aujourd’hui : les deux hommes se respectent mutuellement car tous deux ont la capacité d’aller au plus loin, c’est-à-dire de recourir à des frappes nucléaires, au moins très ciblées.
Mais à l’heure actuelle le jeu de Poutine a évolué : désormais il a fait alliance avec les islamistes d’Iran et il diffuse le terrorisme dans le monde entier. Le terrorisme est une force plus effrayante encore que le nucléaire, dont l’effet est rapide et définitif. Le terrorisme asservit les peuples par l’insécurité permanente, la peur, la résignation on accepte la violence, même sous ses formes les plus odieuses (Paty, Bernard, Philippine). Poutine entend de plus donner une leçon de morale aux Occidentaux : ne respectent plus rien, société de consommation et de dépravation, lui bénéficie du soutien des orthodoxes de Moscou.
Trump et le monde
Trump a insisté plusieurs fois, y compris dans son discours de victoire, sur la mission qu’il a reçue du Dieu qui lui a sauvé la vie. Ce n’est pas du théâtre, je crois que c’est l’expression naturelle du Président d’un peuple religieux, l’un des plus religieux du monde. La religion, complétée par le « rêve américain » d’une réussite rapide, donne aux immigrés une énergie et un patriotisme exceptionnels. Voilà pourquoi Trump a condamné l’immigration clandestine, toujours incapable de s’assimiler à la culture de la nation américaine. En ce sens il est incontestable que Trump tient tête à Poutine dont la lutte contre l’Occident s’accompagne toujours d’une leçon de morale – alors même qu’il fait alliance avec les Gardiens de la révolution de Téhéran.
Malheureusement Trump ne se présente pas seulement comme le Pape Jean Paul II et le réveil de la foi et de l’espoir, il est aussi l’organisateur de l’économie mondiale et l’apôtre du protectionnisme. On nous rebat les oreilles de « guerre économique » ou de « guerre commerciale », alors même que par nature l’économie et le commerce reposent sur la recherche des autres, sur l’échange qui apporte des gains à ceux qui le pratiquent. L’Occident a forgé la civilisation en respectant la diversité, les droits individuels, le respect de la parole donnée, la solidarité volontaire. Voilà l’inverse du protectionnisme.
Bastiat avait comme toujours dit les choses essentielles sur les beautés du libre échange et il n’a cessé de lutter contre le protectionnisme. Il en avait retiré une maxime : « Protéger tout le monde, ou ne protéger personne ». L’Europe aurait pu être celle du traité de Rome : simplement le marché unique, le libre-échange entre personnes et entreprises de tous les pays membres. Mais l’Europe que nous subissons est celle de Maastricht : la centralisation, la réglementation, les privilèges et finalement l’échec économique total, et la perte de l’effort et de la morale liés au libre-échange. Donald Trump a quatre ans pour instaurer le libre-échange : dure échéance pour un nationaliste protectionniste. Au lieu de protéger l’économie Trump a pour mission de sauver la civilisation contre les barbares islamo-communistes : n’est-ce pas plus noble ?