Qui nous gardera de nos gardiens ? Cette interrogation prêtée à Juvénal est d’une logique imparable. Le pouvoir politique en place ne peut utiliser le monopole de la contrainte dont il dispose s’il n’a pas les hommes qui exercent la contrainte. L’histoire est pleine d’exemples édifiants : un pouvoir affaibli perd la confiance de ses policiers et s’expose à une révolution plus ou moins immédiate. C’est l’histoire du Potemkine (1905) voire de la Garde Nationale (1789) : les forces de l’ordre se retournent contre l’ordre établi.
La question se pose évidemment à propos de la mise en détention d’un policier marseillais. Trois autres policiers ont été mis en examen pour « violences en réunion » : tous ensemble ils avaient commis une grosse « bavure », puisqu’ils ont passé à tabac un jeune homme qui est resté 24 heures dans le coma. A la suite de la décision prise par le parquet de Marseille, les policiers marseillais ont marqué leur révolte de deux façons : les uns ont pris un congé de maladie et ne se sont pas présentés à leurs postes, les autres ont fait jouer le mystérieux « code 562 » qui les autorise à limiter leur activité aux interventions urgentes.
L’affaire a pris un tour très inattendu à cause de la réaction de Monsieur François Veaux, DGPN (Directeur Général de la Police Nationale depuis 2020) “De façon générale, je considère qu’avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail“. Ces propos ont été approuvés par Laurent Nunez, préfet de police ex-bras droit de Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur. Mais ils ont été l’objet d’une question posée à Emmanuel Macron, qui n’a pas voulu y répondre. Il a évidemment rendu hommage au courage et aux sacrifices des gendarmes et policiers français, qui ont passé de mauvais quarts d’heures depuis quelques semaines. « Ils protègent le peuple, mais nul dans la République n’est au-dessus de la loi ». Par solidarité des policiers de la région Ile de France ont également abandonné leurs missions. Et le mouvement tend à se généraliser.
En réalité derrière cette affaire il y a un grave conflit entre la police et les magistrats. Lesdits magistrats ont tendance à se montrer compréhensifs pour des délinquants dangereux, et sévères pour ce qui concerne les forces de l’ordre. Ce maque total de coordination entre police et justice est un des vices fondamentaux de l’organisation de notre pays. Cela durera tant que les magistrats seront endoctrinés à l’Ecole Nationale de la Magistrature de Bordeaux, et tant que la justice ne sera pas indépendante de l’exécutif. Accroître le nombre de prisons, créer des centres de rééducation pour les jeunes, supprimer l’ENM et recruter des magistrats indépendants, supprimer le Conseil National de la Magistrature : voilà les réformes libérales qui peuvent mettre fin à l’arbitraire et au désordre.