Non, on ne peut pas se contenter de savoir qui a gagné. Il nous semble qu’à travers leurs commentaires beaucoup de médias et de politiciens se sont conduits comme les supporters d’une équipe de foot : ils croient à tout moment à la victoire de leur équipe jusqu’au coup de sifflet final, prolongations comprises : lorsque l’équipe a été battue.
Il y a donc en France une équipe championne, celle de Kamala Harris. Elle aurait gagné, les sondages du New York Times et Washington Post, l’équivalent du Monde et de Libération, sont pertinents. Il est vrai que les démocrates avaient tellement peur qu’elle s’effondre qu’une prestation même moyenne les a satisfaits : elle n’a pas perdu, donc elle a gagné. L’ équipe Harris est championne chez nous parce qu’elle est à gauche, féministe. En face l’équipe Trump n’est pas très vaillante : il est riche, il a été despote, il est mal élevé et vulgaire, il aurait des tas de délits voire de crimes à se reprocher. Il représente l’Amérique qu’on aime pas, insolente, impérialiste, capitaliste, et le reste. Il est vrai que le très sérieux et très crédible (à notre sens) Wall Street Journal a trouvé déplaisant et déplacé le couplet sur les immigrés qui mangent les chats à Springfield, banlieue de Chicago.
L’issue du match est d’autant plus imprévisible que l’électorat américain n’est pas un fanatique de football. Les abstentionnistes sont souvent majoritaires. Anthony Downs économiste américain avait dès 1957 expliqué le phénomène : il s’agit d’une « ignorance rationnelle » : les électeurs ne croient pas que les élections nationales changent quelque chose pour eux, ils devraient investir beaucoup pour savoir si les programmes et les candidats sont sérieux.
Il y a pourtant des leçons à retenir de ce débat, nous pouvons y voir les trois thèmes qui pourraient sortir les électeurs de leur passivité, et ils ont été évoqués par les deux candidats, même si le débat n’a pas été poussé sur ces points.
Le premier thème ouvertement abordé, celui-ci, est celui de l’avortement. En France on ne comprend pas toujours que la Constitution américaine de 1776 ne se prononce pas pour ou contre l’avortement parce que ladite Constitution ne donne aucun pouvoir à la Fédération, c’est à dire à Washington, de légiférer en la matière : c’est à chaque Etat membre de la Fédération de statuer, et il y a des Etats pour et des Etats contre. La revendication de la gauche américaine (dans sa plus grande partie) et de ses intellectuels (on les appelle « liberal » ce qui peut également tromper les Français) est d’inscrire dans la Constitution la liberté d’avorter dans tous les Etats – ce qui est contraire à l’esprit d’une fédération. Il n’est pas douteux que beaucoup d’Américains sont conservateurs (leur religion les y incite souvent) et peuvent sortir de leur absentéisme viscérale pour défendre le choix de leur vie privée – ce qui serait favorable à Trump (dont leur conservatisme devrait pourtant les éloigner).
Le deuxième thème est la gestion économique. Même si la croissance américaine est aujourd’hui globalement et statistiquement satisfaisante, et souvent supérieure à la croissance européenne, elle s’accompagne d’une inflation qui inquiète tout le monde et qui est due sans doute au déficit public, et elle s’accompagne surtout de chômage et reculs importants dans certains secteurs, comme la sidérurgie et l’automobile. Ce n’est pas nouveau : la « ceinture de rouille » date d’une vingtaine d’années, mais la situation s’est aggravée depuis l’arrivée au pouvoir des démocrates. Ici le peu de programme économique évoqué par Kamala Harris est le blocage des prix à la consommation, ce qui est évidemment pure hérésie. Donald Trump évoque plus justement les dépenses publiques inconsidérées et la concurrence déloyale de la Chine en particulier.
Le troisième thème est la souveraineté nationale. C’est ici que Trump fait le plus fort, parce qu’il met en cause l’immigration massive et irrégulière de millions de personnes venues d’Amérique Centrale et du Sud, par la mer (comme les Haïtiens au cœur du débat) ou par la route en dépit du mur (qui n’est pas totalement complet). Ce n’est pas un secret : Trump est isolationniste, comme beaucoup de Présidents américains acquis à la doctrine de Monroe, mais en même temps il essaie de remettre les Etats Unis à la place qu’ils occupaient jadis : arbitres et garants de la paix mondiale et de la liberté. par comparaison les démocrates, et Kamala en particulier voient dans cette politique une haine raciste et culturelle, et elle en rajoute beaucoup dan cette voie. Il est vrai que le vice-président Tim Waltz qu’a choisi Kamala Harris sait rassurer les conservateurs, et fera peut-être le contrepoids de l’aile la plus extrême des démocrates, celle des woks et de la « Nouvelle Amérique »[1]. Les relations internationales opposent totalement Trump et Harris sur les deux conflits du Moyen Orient et de l’Ukraine. Tout en demandant aux Européens de contribuer à leur propre défense, Donald Trump a conscience du péril que l’Iran fait courir à l’Occident (et à Israël), mais la position de Kamala Jarrois est ambiguë : dans le prolongement de Biden elle soutient l’Ukraine, mais elle est en faveur de la Palestine, même si elle ignore que Biden a mis la sixième flotte à quelques encablures de Beyrouth.
Comme cela a été dit souvent dans nos colonnes[2], il est démesuré que le sort du monde entier tienne à quelques minutes d’une émission de télévision aux
[1] Voir l’article de Jacques Garello Actualité du 22 Août 2024 Les Français ne voteront pas Trump Mais ils ne connaissent pas Kamala Harris et la Nouvelle Amérique
[2] « Il est donc dramatique, en fin de compte, que ce soit les élections américaines qui pèsent à ce point dans les chances de la paix ou de la guerr » dans l’article de J.Garello Actualité du 17 avril 2024 Escalade ou apaisement ? Ca se passe entre Washington et Téhéran.