L’urgence n’est niée par personne. Même ceux qui croient ou font croire que la dette publique ne se rembourse jamais savent que nous sommes ces jours-ci dans le viseur de l’Europe et du Fonds Monétaire International parce que nous sommes maintenant hors limites
Ceux qui croient à la politique et à la diplomatie laissent penser que la seule habileté de Michel Barnier (et elle est bien prouvée) suffira à nous éviter quelque mesure spectaculaire. Cela me semble trop optimiste, d’autant que la durée de vie du gouvernement Barnier est à l’heure présente incertaine. Donc notre Premier Ministre lui-même a conscience de l’urgence de mesures crédibles par nos partenaires étrangers : la souveraineté nationale se mérite.
Pour l’instant on cherche, comme le fait un ménage endetté, à « faire des économies », c’est-à-dire à diminuer les dépenses de l’Etat. Les économistes de l’IFRAP excellent dans ce domaine et nou assurent que l’on pourrait « gratter » 30 milliards[1] . Encore faut-il que l’Assemblée vote ces économies, ce qui paraît réellement optimiste dans le contexte partisan actuel.
Eviter les impôts et choisir la politique de l’offre ?
Notre Premier ministre pourrait plaider à Bruxelles et Washington la perspective d’une politique d’austérité. C’est un argument opportun au moment où la France vient d’échapper au programme économique de Madame Castets. Mais l’austérité signifie un alignement des dépenses sur les recettes. Côté dépenses, c’est rejeter la politique de la demande et du « pouvoir d’achat ». Côté recettes, c’est rejeter la politique de l’offre, et imposer des impôts nouveaux.
J’ai quelque hésitation à choisir entre offre et demande. Certes l’économie de la demande est chère aux socialistes et aux sociaux-démocrates. Elle suppose naïvement qu’il faut dépenser pour relancer la croissance qui arrangera tout. Malheureusement voilà plus d’un siècle que les gouvernants, les banques centrales, le Fonds Monétaire International, sont acquis au keynésianisme. Cette surprenante conversion globale s’explique par l’électoralisme (prêcher l’austérité éloigne les électeurs) et le despotisme (c’est l’Etat qui gère la croissance).Elle n‘a abouti qu’à des échecs partout et toujours. Mais faut-il pour autant mettre en place une « politique de l’offre », c’est-à-dire, « faire des cadeaux aux riches » ? Dans certains milieux patronaux et syndicaux et pour nombre d’économistes français[2] l’Etat n’aurait cessé de pratiquer une politique de l’offre depuis dix ans : il aurait baissé les « impôts de production », supprimé l’impôt sur la fortune, exempté les actionnaires, et créé une nouvelle génération de milliardaires. Finalement ce débat me semble hors sujet, inspiré par l’idéologie de la lutte des classes ou de la justice sociale : ceux qui exploitent s’enrichissent, ceux qui subissent s’appauvrissent
Réduire le périmètre de l’Etat
Je ne crois pas à une réduction significative des dépenses publiques à l’occasion du vote d’un budget. Car, même si l’on a abandonné en 2001 la technique des services votés (une dépense votée dans le budget précédent est a priori reconduite sans amendement), les dépenses ne sont pas là par hasard, elles ont une origine « politicienne », concernant particulièrement certains sujets, certaines activités, certains territoires. Peut-on remettre en question des arbitrages naguère acceptés, surtout quand changent les majorités ? Milton Friedman, à l’esprit très pratique, avait imaginé que l’on réduise toutes les dépenses du même pourcentage : voilà de quoi mettre tous les parlementaires d’accord
changent les majorités ? Milton Friedman, à l’esprit très pratique, avait imaginé que l’on réduise toutes les dépenses du même pourcentage : voilà de quoi mettre tous les parlementaires d’accord !
Ce qui est nécessaire et efficace n’est pas une réforme du montant de diverses dépenses, mais une rupture définitive avec certaines dépenses. C’est la taille de l’Etat qu’il faut réduire, c’est la sphère de l’Etat qu’il faut diminuer. J’indique quelques pistes à explorer :
1° L’objectif est un Etat minimum, qui assure ses missions régaliennes : police, justice, défense. Pour les rendre moins coûteuses on fait appel au partenariat avec des entreprises privées quand c’est possible. En 1970 Jacques Rueff m’avait demandé quel serait montant global de ces dépenses, j’avais répondu 12 % du PIB de l’époque, c’est l’ordre de grandeur aujourd’hui.
2° Des réductions importantes de dépenses peuvent provenir d’une réforme de la Sécurité Sociale. Cette année le déficit du régime général des retraites par répartition se monte à 80 milliards. Le passage de la répartition à la capitalisation réduit le déficit de moitié, et en fin de transition (deux générations) il n’y a plus de déficit parce qu’il n’y a plus de Sécurité Sociale[3]
3° Des ministères et secrétariats d’Etat dont les missions ne sont pas régaliennes doivent être supprimés. Il y a les danseuses de l’Etat français, comme la transition énergétique (30 milliards) ou la culture (5 milliards). Les activités qui sont fondamentalement de nature marchande n’ont pas à se transformer en services publics, elles doivent être privatisées comme elles l’ont été à l’étranger (transport, télécommunications, numérique, recherche scientifique, etc.).
4° Enfin un tiers des dépenses publiques globales est fait de pure redistribution. Le budget de l’Etat en assume environ la moitié. Il est incontestable que l’attribution et le contrôle de ces « droits sociaux » laissent à désirer, la fraude sociale est importante.
Je m’en suis tenu à ces quelques pistes, et je sais qu’il faudra plus longtemps pour réaliser ces ruptures, mais précisément la classe politique a dix mois devant elle pour y réfléchir, et le gouvernement actuel ou futur ne pourra convaincre partenaires et créanciers étrangers qu’en prenant quelques initiatives qui vont dans le sens de la « frugalité ». Certains pays ont été frugaux par tradition, comme la Suisse, l’Irlande, les jeunes pays baltiques ou d’Europe centrale. La frugalité est affaire de moralité[2] : ne pas dépenser un argent qu’on n’a pas et vivre aux crochets des autres n’est pas digne pour une famille, ce n’est pas digne pour les hommes de l’Etat.
1 30 milliards d’Economie en 2025 Le plan à adopter Revue Société Civile IFRAP 10 septembre 2024
2 Article d’Alain TRANNOY, AMES (Aix Marseille Economic School) dans Les Echos 11 septembre 2024
3 Cf. mon article Actualité du 8 novembre 2024 Guide pour une vraie réforme des retraites Comprendre comment les expériences étrangères ont réussi
4 Cf. l’article de Jean Yves NAUDET Pourquoi le contrôle de la dette publique est une obligation morale ALITEIA,11 septembre 2024[i]