La guerre globale est en cours, les ennemis de la civilisation veulent abattre l’Occident. Il y a deux théâtres majeurs d’opération : Gaza et l’Ukraine. Sans doute les Israéliens ont-ils les ressources militaires, humaines et morales pour se défendre. En dernière solution ils peuvent détruire la dictature iranienne. Mais l’Ukraine mène un combat qui nécessite le soutien suffisant de l’Occident. Le président Zelenski et son peuple défendent nos libertés. Mais ils manquent maintenant de moyens, ils sont sous la dépendance de l’Europe, de l’OTAN et des Américains.
L’Europe impuissante
Certes l’Union Européenne affiche officiellement son hostilité à la Russie, mais les divisions internes sont évidentes et les moyens financiers sont maigres. La rencontre entre Victor Orban et Emmanuel Macron à l’Elysée vendredi dernier a tourné au dialogue de sourds. Tandis que l’un songe à la guerre en Ukraine et veut la faire cesser même au prix d’une capitulation, l’autre ne souhaite que l’union de l’Europe grâce à un parlement et une commission capables de la réaliser. Quant aux moyens financiers, il est prévu de décider d’une aide de 50 milliards d’euros à l’Ukraine lors du prochain Conseil Européen (la semaine prochaine) mais il y aura sans doute un veto hongrois et l’enveloppe est en concurrence avec d’autres grands projets concernant l’énergie et l’écologie. L’Union manque de trésorerie…
Tout se joue à Washington
Comme l’OTAN dépend essentiellement des moyens et des décisions des Etats Unis, c’est dire que le sort de l’Ukraine se joue à Washington.
Evidemment ce n’est pas nouveau. Les Américains ont permis aux Alliés de remporter les deux guerres mondiales du 20ème siècle, au prix de sacrifices humains et financiers considérables. Les Américains ont tenu bon durant la guerre froide, se sont engagés en Corée, et Reagan est venu à bout de l’URSS. Certes Washington a commis des erreurs majeures, en Indochine et au Maghreb : Foster Dulles et Henry Kissinger ont permis l’expansion du communisme en Asie du Sud Est et en Afrique. Enfin la réponse américaine à l’attentat islamiste du 11 septembre 2001 a été catastrophique, et aggravé par l’administration Obama.
Le comportement de Washington a donc toujours été au cœur de la diplomatie mondiale, et les Etats Unis ont été, volontairement ou non, responsables de la sécurité occidentale.
Seraient-ils devenus irresponsables ?
Depuis le début de la guerre les Etats Unis ont investi 106 milliards de dollars et ont bien approvisionné les Ukrainiens en armes et munitions. Mais Joe Biden demandait au Sénat de continuer sur la lancée, 14 milliards étaient théoriquement programmés. Mais les Républicains qui contrôlent le Sénat ont rejeté les nouveaux crédits. Ils ont eu le soutien du démocrate Bernie Sanders, socialiste gauchiste[1] et le résultat a été 49 pour les crédits et 51 contre. L’opposition des Républicains provient de ce qu’ils ont conditionné le soutien de l’Ukraine à une totale révision de la politique migratoire, qui aurait besoin de 15 milliards de dollars pour stopper les entrées illégales par la frontière Sud. Les Etats Unis avant le reste du monde : la tradition isolationniste avait déjà fait le succès de Donald Trump, à cela près que Trump avait demandé le blocus économique de l’Iran que plusieurs pays européens (dont la France) n’ont pas voulu. L’isolationnisme se marque aussi par la crainte d’accroître encore la dette américaine, si l’on en croit la directrice du Budget de la Maison Blanche Shalanda Young, dans un courrier adressé à Mike Johnson, patron de la Chambre des représentants, à majorité républicaine. Tout ce que les finances américaines ont pu débloquer pour l’Ukraine c’est une aide de 170 millions de dollars pris sur la réserve de l’exécutif pour assurer les livraisons déjà préparées.
Pour l’instant Il n’y a aucun compromis possible, de sorte que le Président Zelenski a annulé une conférence en viséo qu’il devait avoir mardi avec le Congrès. Mais il s’est exprimé ouvertement devant le G7 réuni le lendemain : « La Russie n’espère qu’une chose : que l’unité du monde libre s’effondre l’année prochaine. La Russie pense que l’Amérique et l’Europe feront preuve de faiblesse et ne maintiendront pas leur soutien à l’Ukraine au niveau approprié ».
Sur fond de campagne électorale
La position des Républicains se comprend dans un pays où la campagne électorale est ouverte. Beaucoup d’électeurs américains veulent qu’on s’occupe de leurs affaires plutôt que de celles du monde entier. C’est un fait bien connu : les élections favorisent les souverainistes.
Il faut dire que la classe politique américaine est dans une impasse actuellement. Les Américains qui votent démocrates sont de plus en plus divisés en sectes féministes, écologistes, socialistes et bien sûr wokistes. Faute d’un leader capable de rassembler, le seul candidat démocrate assuré de représenter le parti n’est autre que Joe Biden, 81 ans et très fragile. Sa seule chance est de recevoir les voix d’électeurs qui ne veulent de Trump à aucun prix (un vote négatif comme nous en avons l’habitude en France avec le « pacte républicain » uni contre Marine Le Pen). Quant aux Républicains, Trump a fait tellement de progrès dans les sondages qu’on voit mal d’autres candidats choisis, même s’ils sont nombreux et de qualité. Les progrès de Trump sont dus à son art de sauter sur tous les sujets pour dénoncer les stupidités et les excès des Démocrates.
La démocratie en cause
Depuis des années, avec l’apport des théoriciens du public choice[2] nous savons que les élections ne peuvent traduire la volonté du peuple, contrairement à ce que disait Lincoln[3] : dans les pays réputés libres les Présidents ou le parti majoritaire représentent assurément moins de la moitié du corps électoral.
Cela nous interroge sur ce qu’est la démocratie : se limite-t-elle à organiser des élections réellement libres, comme en Russie ? Benjamin Constant a donné la réponse : il y a « la démocratie à l’ancienne », celle de la République d’Athènes : l’assemblée des citoyens se prononce à la majorité et ses décisions s’imposent à tous. Mais ne votent que les citoyens, qui ne sont que très peu nombreux par rapport aux esclaves ou aux immigrés (métèques). Par comparaison il y a « la démocratie moderne », celle qui respecte les droits de toutes les minorités, et de la plus minoritaire des minorités : l’individu.
C’est dire que la démocratie n’existe que dans un espace où les droits individuels sont reconnus et protégés. On retrouve alors la recommandation d’Hayek : la loi ne peut être faite par une assemblée issue du suffrage universel et jouissant d’un pouvoir absolu, la loi implique le respect des règles institutionnelles protégeant les droits personnels. De la sorte une assemblée composée de membres choisis par leurs pairs pour leur personnalité et pendant une longue période doit contrôler le pouvoir qui fait la loi. Hayek parle à ce propos d’une diarchie[4] .
Il est dramatique de constater que les Etats Unis ne vivent plus comme une démocratie nouvelle, et que le sort de l ’Occident est réglé par des considérations électorales médiocres.
[1] Comme une partie des fonds demandés par Joe Biden concernait Israël, Sanders a voté avec les Républicains parce qu’il ne voulait pas apporter une aide à un gouvernement d’extrême droite, celui de Netanyahu…
[2] James Buchanan, prix Nobel et Gordon Tullock. « Public choice » ne signifie pas choix public, mais logique des décisions politiques
[3] Cf mon article La démocratie en péril, mais quelle démocratie ? Désordre dans les esprits : chacun envoie sa démocratie à la figure de l’autre 17 avril 2023 Catégorie Fondamentaux
[4] F. von Hayek Droit Législation, et Liberté volume 3 L’ordre politique d’un ordre libre p.46
PUF, Coll.Libre échange éd. Paris 1983.
Il est évident que cette organisation était celle que prévoyaient à l’origine les textes de la IIIème République : à côté d’une Assemblée élue par le peuple le Sénat devenait l’émanation des « communes de France » et contrôlait l’activité de l’assemblée législative. Le bicaméralisme n’est cependant qu’une lointaine approximation de la diarchie.