Le Journal des Libertés jalonne nos années. Voici la toute nouvelle édition, celle d’Automne. La tenue de l’Université d’Eté fin juillet à Aix en Provence avait été un succès aussi complet qu’inattendu : les plus anciens se croyaient revenus aux belles années du début de ce siècle, avec l‘afflux de professeurs et d’étudiants venus du monde entier. Emmanuel Martin, président d’IES Europe et Jean Philippe Delsol, président de l’IREF ont parfaitement répondu aux attentes tant intellectuelles qu’amicales des participants. Le Journal d’Octobre rend compte de façon très précise de ces journées de libéralisme sans frontières.
Voilà une première raison pour parler, comme le fait Pierre Garello, rédacteur en chef du Journal, d’un optimisme « raisonnable ». Pourquoi raisonnable ? Parce que nous sommes sous fond de crise mondiale économique, politique, sociale et culturelle. Le défi est stimulant : il nous faut prendre davantage d’initiatives, et essayer de « transmettre ». Pour ce faire, continuons à donner le meilleur visage possible du libéralisme.
La culture occidentale n’est pas en crise profonde
Parmi les textes présentés lors des débats de l’été dernier à l’Université d’Eté nous publions ici celui de Philippe Nemo. De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer une crise profonde de la culture en Occident, le philosophe se veut rassurant et délivre un message optimiste : notre culture est plus résiliente que nous le pensons ! Certes la violence observée lors des émeutes de juin dernier a de quoi déconcerter[1], certes de nombreuses formes de progressisme disruptif font recette. Mais la culture n’est pas un « supplément d’âme », c’est quelque chose de profondément ancrée dans nos comportements, dans nos valeurs, nos institutions, et celles-ci ne semblent pas ébranlées dans leurs grandes lignes.
Notre culture a traversé bien des crises au cours des siècles passés, explique-t-il, et elle saura résister, tout en évoluant, aux défis qui se présentent aujourd’hui à elle, pour peu que nous prenions la peine de la transmettre aux jeunes générations.
Les auteurs libéraux sont créatifs
Pour enrichir le débat nous avons ouvert un nouveau dossier qui entend présenter des auteurs contemporains qui se sont intéressés de près au libéralisme et, à des degrés divers, ont nourri notre réflexion.
Nous commençons la série avec un prix Nobel d’économie 2006, Edmund Phelps, et c’est Jean-Philippe Delsol qui nous fait découvrir cet universitaire original qui, bien qu’ayant été un temps proche des théories keynésiennes, n’a eu de cesse plus récemment de montrer le caractère contre-productif des politiques de relance et des subventions. Il a clairement démontré que le salaire minimum n’avait que des effets négatifs sur les emplois et le pouvoir d’achat. Plus récemment encore, il souligne dans ses derniers ouvrages la nécessité de cultiver un esprit d’entreprise, véritable moteur de la dynamique du progrès économique et social.
Le second auteur dont nous présentons les travaux n’est pas du style à laisser indifférent : il compte de nombreux admirateurs et tout autant sinon plus d’ennemis. Il faut dire, ainsi que nous l’explique Jean-Philippe Feldman, que Hans-Hermann Hoppe ne fait rien pour que la version qu’il propose de l’anarcho-capitalisme attire le consensus. Le libéralisme, qui est à la base un projet politique permettant à des personnes de confessions et d’aspirations diverses de vivre et interagir sur un même territoire dans le respect mutuel (voir les lettres sur la Tolérance de John Locke) devient sous la plume du disciple de Rothbard l’appel à un regroupement des personnes partageant une même confession et une même sensibilité ; et à l’exclusion, cela va sans dire, de tous les autres. On tente de résoudre les difficultés de la Société ouverte en la refermant.
Caricatures du libéralisme
Promouvoir nos idées n’est pas toujours chose facile car de nombreux « intellectuels », rarement brillants mais bien médiatisés, ne se privent pas de troubler les pistes et de déformer la pensée libérale (que, par ailleurs, ils ne connaissent pas vraiment). Pour ce faire, rien de tel pour eux que de s’appuyer sur une expression passe-partout : le néolibéralisme. Une technique consiste alors à mettre dans le même panier « néolibéral » des personnages très variés parfois totalement étrangers au libéralisme : des économistes (Friedman, Hayek…) mais aussi des politiques (Thatcher, Pinochet, Trump et, pourquoi pas, Macron).
C’est ainsi que Friedrich Hayek est fréquemment présenté comme l’un des inspirateurs de la dictature Pinochet. Il n’en suffit pas plus pour décourager le citoyen honnête d’aller voir plus loin dans les écrits de ce grand penseur libéral. C’est pourquoi il était important de clarifier l’opinion de Hayek sur les prétendues dictatures libérales. C’est ce qu’a fait François Facchini qui établit clairement que les préférences de l’économiste-philosophe autrichien allaient, sans ambiguïté possible, vers la démocratie constitutionnelle libérale.
Toutes ces rubriques témoignent de notre désir de poursuivre, en innovant, notre « effort de transmission » afin de donner toutes ses chances à l’optimisme raisonnable qui, ainsi que l’explique Philippe Nemo, a encore sa raison d’être. Nos libertés sont trop précieuses – pour chacun de nous individuellement mais aussi pour vivre ensemble correctement – pour que nous les laissions filer entre nos doigts.
[1] Le Journal a été mis sous presse avant l’agression barbare du Hamas et l’attentat d’Arras.