Il est difficile de trouver une cohérence dans les positions prises par Emmanuel Macron au cours des trois jours de son périple. Je crois cependant nécessaire d’y voir clair, car c’est non seulement la diplomatie française qu’engage le Président, mais aussi la paix civile dans notre pays, qui n’avait pas besoin d’un nouvel regain de haine et de violence.
A Jérusalem : solidarité avec Israël contre le Hamas terroriste
Dans les premières heures, l’insignifiance du voyage d’Emmanuel Macron en Israël a été généralement reconnue : c’est trop tard, et pour ne rien changer. Certes notre Président a voulu rencontrer d’abord les deux otages libérées (mais dont les maris sont toujours entre les mains du Hamas), ainsi que quelques familles franco-israéliennes. Certes il a été accueilli comme le protocole l’exigeait par le Président Herzog qu’il a assuré de la solidarité de la France, et de son engament contre toute offensive antisémite, puisque la France est le pays européen à la plus forte proportion de population juive. Mais dans sa brève allocution Emanuel Macron n’avait fait aucune allusion directe ou indirecte à la dimension politique et militaire du confit actuel. Tout va changer lors de la rencontre avec Benjamin Netanyahou. La France condamne les massacres du Hamas, horde de terroristes. Le premier ministre israélien fait un rapprochement saisissant entre la situation à Jérusalem et à Paris : les terroristes sont à 10 kilomètres. Ainsi la France fait-elle front commun avec Israël contre les terroristes du Hamas.
A Ramallah et Amman : Coalition internationale et deux Etats
De façon inattendue, Emmanuel Macron sort de son chapeau le principe d’une « coalition internationale » comme celle qui en 2014 a uni 80 pays pour condamner Daesh. Les pays arabes de bonne volonté devraient donc s’organiser pour lutter contre le Hamas. Voilà le ton de la rencontre avec Mahmoud Abbas, à Ramallah. L’interlocuteur est officiellement le Président de l’Autorité Palestinienne. Il est toujours à la tête du Fatah, et ne vit même pas en Cisjordanie. Corrompu et discrédité, il n’est pas suivi par la « rue arabe » qui brûle le portrait de Macrin et n’a en réalité qu’un seul objectif : reprendre aux Israéliens les terres qu’ils ont occupées avec les kibboutz depuis des années. A Aman le lendemain le roi de Jordanie Abdallah II entend aussi le discours sur les deux Etats, mais la Jordanie n’a cessé de revendiquer la Cisjordanie palestinienne comme partie du royaume, de la sorte que l’Etat palestinien ne lui est guère sympathique. Pourtant Emmanuel Macron déclame : « il ‘n’y a pas de perspective de paix sans la reconnaissance de deux Etats ».
Au Caire : Otages, aide humanitaire et projet politique
Emmanuel Macron termine son périple au Proche Orient en visitant le Président Sissi. Les Egyptiens ont su se libérer de l’emprise des Frères Musulmans depuis des années, et ils ne tiennent certainement pas à soutenir ni le Hamas ni l’Iran. Pendant les derniers jours les Egyptiens ont accepté d’ouvrir un cordon sanitaire pour acheminer l’aide humanitaire pour les Palestiniens fuyant Gaza, mais ils ne veulent pas accueillir les Palestiniens eux-mêmes : les frontières resteront fermées. L’aide humanitaire a été aussi l’une des priorités de Joe Biden (mais le Président Sissi ne l’a pas reçu). En réalité la liberté de manœuvre est très restreinte puisque les convois remontant du Sud et d’Egypte vers la bande de Gaza ont été souvent contrôlés par le Hamas, qui s’est en particulier emparé de toutes les réserves de carburant prévues pour les convois humanitaires. Alors que peut proposer de neuf Emmanuel Macron ?
Les discours à la fin de la rencontre cet après-midi sont assez explicites, peu importe leur réalisme. Le Président Sissi exclut toute solution qui impliquerait des mouvements de population palestinienne : pas question d’accueillir des Palestiniens dans le Sinaï et a fortiori en Egypte, mais les Palestiniens doivent avoir un territoire. Cette position implique à coup sûr un territoire palestinien en Cisjordanie – ce qu’Israël ne peut accepter et ce que la Jordanie ne voit pas non plus d’un bon œil.
Quant à Emmanuel Macron, il veut faire face à trois urgences :
La première est d’anéantir le Hamas, organisation terroriste. C’est le rôle de la coalition anti Daesh.
La deuxième est d’organiser l’aide humanitaire, à commencer par la libération des otages et les secours à la population civile palestinienne en fermée dans la bande de Gaza. La France va envoyer dès aujourd’hui un navire pour alimenter les hôpitaux de Gaza.
La troisième « la plus difficile » est la politique : c’est d’imposer la création des deux Etats, tout en assurant la sécurité d’Israël. « Les Palestiniens ont droit à un Etat » conclut le Président français.
C’est dire que la dernière visite se termine sur une évidence (sauver des vies quand il est temps) et sur une utopie, celle de la « coalition ».
Que faire ?
Pour juger des projets de notre Président je crois devoir rappeler les points majeurs de la guerre entre Israël et les pays voisins impliqués[1] :
1.L’opération du 7 octobre a été organisée par l’Iran, quelques jours plus tôt les détails en avaient été arrêtés à Beyrouth, en présence du ministre des Affaires Etrangères d’Iran et du chef du Hezbollah[2].
2.Le Hamas agresse Israël pour mettre fin à la doctrine « Abraham », c’est à dire la paix entre Israël et les pays arables. Les accords de Camp David, d’Oslo, ont été prolongés et actualisés par « Abraham ». A l’initiative des Américains la paix s’instaure entre l’Arabie Saoudite et Israël, confirmée par MBS, Mohamed Ben Salmane prince héritier d’Arabie Saoudite . Abraham n’est en rien la reconnaissance d’un Etat Palestinien. Abraham s’inspire de la perspective de retombées économiques entre pays grâce au libre-échange. Du point de vue religieux, Abraham concerne les pays arabes hostiles aux chiites iraniens, comme les Egyptiens, les Marocains et les Soudanais.
- La thèse des deux Etats a été longtemps celle qu’ont privilégiée l’ONU et Obama. Mais elle s’est toujours heurtée à deux obstacles : les pays arabes ne veulent pas d’un Etat Israélien, et aucun pays arabe ne peut imposer son pouvoir à la tête d’un Etat palestinien.
- Les maîtres de la situation demeurent, quoi qu’on en dise, les Iraniens. Ils ont créé trois fronts pour réduire Israël à se soumettre : Hezbollah au Nord, Hamas au Sud et Palestiniens de Cisjordanie à l’Est. Ils ont armé, formé, coordonné ces trois forces. L‘objectif de l’Iran est clair et net : supprimer tous les Juifs présents sur le sol de la Palestine. Ils ont préparé avec minutie les opérations à lancer, qu’il s’agisse de franchissements de frontières ou de destructions des kibboutz et villes juives. Ils ont corrompu et fanatisé la jeunesse arabe. Le terrorisme est leur arme naturelle. Les Iraniens peuvent remporter une victoire sans qu’aucun Perse ne soit engagé.
- L’Iran sait pouvoir compter maintenant sur le soutien de la Russie et de la Chine. La déclaration d’Erdogan est également nette et inquiétante : « Le Hamas n’est pas une organisation terroriste, mais un groupe de libérateurs qui protègent leur terre». Voilà reconstituée l’alliance russo-turque qui a apporté la dictature islamiste en Syrie et au Liban, alliance suspendue depuis quelques mois à cause de la Mer Noire.
- Comme je ne cesse de le rappeler, le danger pour l’Occident et la liberté est la coalition entre le communisme et l’islamisme. L’extrémisme chiite et le terrorisme mondial permettent au communisme d’en finir avec les Etats Unis, l’impérialisme et le capitalisme. Le Proche Orient, l’Europe et l’Afrique sont des proies à se partager.
Dans ces conditions je pense qu’on ne peut ignorer que c’est au cœur du terrorisme qu’il faut frapper. Ce cœur est en Iran, il est militairement vulnérable. Qui frappera ?
Il est difficile d’imaginer, comme le croit notre Président, que la paix puisse venir d’une coalition et d’un cessez-le feu : pures utopies.
[1] Cf mon article du 12 octobre Guerre de religion, guerre de trafic, guerre mondiale ?
Plusieurs lectures sont possibles, il faut se rappeler l’histoire vraie
[2] La photo de présentation de mon article avec les trois participants est révélatrice