Je partage la paternité de cet article avec François de Saint Victor, qui a été l’un de mes assistants les plus remarquables à l’université avant d’entamer une brillante carrière d’entrepreneur dans l’industrie automobile européenne. Nous appartenons tous deux à l’Association des Economistes Catholiques, mais notre analyse n’engage en rien cette association.
Avons-nous perdu l’espoir ? Nos propres forces nous semblent parfois bien insuffisantes pour susciter un réveil de l’esprit de liberté en France. Peut-être cela vient-il de ce que certains de nos concepts d’analyse politique ou économique ne sont plus pertinents.
Droite-gauche : la continuité dans l’alternance !
Nous pensons d’abord au pseudo clivage droite-gauche, totalement stérile pour l’analyse de la politique actuelle. Les pseudos alternances des dernières décennies n’ont jamais été qu’une poursuite régulière d’un étatisme croissant, par les dépenses publiques délibérément hors de contrôle, la législation et la réglementation foisonnantes, l’interventionnisme systématique de l’administration, l’idéologie normative de la pensée unique écolo-collectiviste. L’alternance politique n’en a jamais été une !
Changeons de grille d’analyse: Toute société pourrait se définir par la façon dont elle situe la personne par rapport au groupe. Une société personnaliste (par exemple de culture chrétienne) s’efforcera de respecter la personne, y compris si elle est faible et dépendante, face aux intérêts, préjugés et ambitions du groupe dont elle est membre. Ainsi, dans une terminologie rigoureuse, mériterait seule le qualificatif de droite une force politique s’engageant d’abord au service de la dignité, de la liberté, de la responsabilité et du droit de propriété de la personne humaine, et donc s’engageant à ramener fermement à sa mission essentielle un Etat qui ne se définirait que comme purement supplétif et subsidiaire aux affaires privées, puis locales puis régionales. Selon ce critère, il n’y a plus de d’offre politique de droite en France depuis…avant la guerre de 1914 !
Inversement, toute profession de foi politique qui restreint les droits de la personne pour privilégier les intérêts du groupe ou de l’institution étatique (y compris européenne), qui préfère la collectivité à l’individu, et l’État à la société civile, est intrinsèquement de gauche. Délibérément ou pragmatiquement, la gauche méprise le citoyen et ne le considère que comme un incapable majeur à conditionner et une ressource fiscale à maintenir sous tutelle pour privilégier son “projet de société”, celui d’une “élite éclairée” autoproclamée. Ces rêves constructivistes autoritaires ont engendré toutes les barbaries totalitaires et ruineuses, de la Terreur révolutionnaires à Pol-Pot, du Vénézuela à la Corée du Nord. Malheureusement l’idée d’un grand « projet de société » habite aussi les partis de droite qui prétendent travailler à une alternance plus performante que celle de la gauche, mais dont la politique sera à peu près la même que celle de la gauche. Eux aussi étatistes convaincus, ces partis constituent ce qu’on pourrait appeler la « drauche », une pseudo-droite menant de fait une politique tout aussi étatiste que la gauche. Ainsi, d’une élection à l’autre, on ne nous propose qu’une alternance entre des étatistes collectivistes technocrates de gauche ou drauche, nous faisant marcher depuis plus de cinquante ans au pas cadencé “gauche-drauche ».
En France, le jeu électoral pousse à l’étatisme
Le jeu politique français actuel est donc bloqué autour d’un menu unique : davantage d’Etat avec la gauche ou davantage d’Etat avec la drauche. Dans les deux cas, les fruits seront les mêmes: plus de dépenses publiques, de redistribution, de déficit budgétaire, taxation, réglementation, intervention, conditionnement des gens et de la pensée, etc.
Car tous ceux qui se lancent sur le marché électoral pour accéder au pouvoir politique se divisent en deux catégories. Les idéalistes et des sincères croient que l’interventionnisme étatique reste toujours le meilleur levier pour faire évoluer les choses et “libérer” la société. Les réalistes et les cyniques savent que le contrôle de l’Etat est leur seul vrai but car il leur permettra de faire bénéficier d’avantages catégoriels la clientèle électorale qui les aura portés au pouvoir, et pour longtemps.
Quant à l‘électeur lambda, gavé à chaque échéance de promesses et de « droits sociaux », s’il ne fuit pas dans l’abstention, son projet politique personnel sera de mieux vivre aux dépens de tous les autres, en cautionnant une surenchère de mesures favorisant le parasitisme socia. La dérive vers le socialisme étatiste est une dynamique endogène à la démocratie représentative. Car qui donc aura le courage de dire en France que « l’État n’est pas la solution mais le problème »? Ce courageux entrepreneur politique aura bien peu de chances de réunir une majorité de voix, tant est numériquement dominante la coalition des profiteurs de l’Etat chez nous : fonctionnaires, syndicats, secteur public, grand capitalisme étatique de connivence, bénéficiaires de toutes les subventions, médias, syndicats, retraités, collectivités locales, assistés sociaux, immigrés, etc.
Du point de vue de la science politique, on peut prévoir que la course à l’asphyxie par étatisme et gabegie financière sera irréversible, jusqu’à la faillite ultime par insolvabilité de l’Agence France-Trésor un mardi. On dira alors; “ La France a fait défaut ”; l’Europe et le FMI mettront notre pays sous tutelle, comme la Grèce et tant d’autres pays faillis.
Cette faillite ultime se produira en dépit de l’asservissement préalable des contribuables, pressurés jusqu’à la moelle : hausses de la fiscalité directe et indirecte, immobilière et foncière, réduction des “niches fiscales” qualifiées de “manque à gagner” (en vrai “manque à voler” !) pour l’Etat, lois Sapin II autorisant la spoliation pure et simple de l’épargne liquide détenue en assurances-vie ou sur les comptes courants des ménages, etc. Cramponnés au pouvoir tel le gui sur l’arbre mort, notre technostructure énarchique, véritable nomenklatura soviétique, entendra bien ne mourir que la dernière, elle suivra les funérailles alors d’une nation qui leur avait tout accordé, tout consenti.
Peut-on, conjurer cette funeste projection grâce aux bienfaits d’une complète révision constitutionnelle ? Il s’agirait de mettre fin à une Vème république qui aura été une monarchie républicaine absolue, soutenue par ses bataillons de “godillots” parlementaires, administratifs, médiatiques et syndicaux, tous intéressés et solidaires, et de mettre enfin en place une démocratie décentralisée où le peuple aurait le dernier mot par ses initiatives référendaires directes. La Suisse en est le plus bel exemple : des groupes de citoyens organisent des « votations » pour contrer ou proposer des mesures concernant les législations communales, cantonales ou fédérales. Les membres du Conseil fédéral en exercent la présidence à tour de rôle dans l’anonymat, sans glorification médiatique, et ont pour belle et humble devise : “Servir et disparaître” ! Car en Suisse, seul le peuple est souverain et décideur ultime. L’essentiel du travail politique et démocratique se joue au niveau des communes et des cantons. C’est l’exact opposé des ego elyséens successifs, centralisateurs et autoritaires, de ces dernières décennies.
Mais les Français ne sont pas les Suisses, ils n’acceptent pas les majorités mais ils ne protègent pas davantage les minorités : ils n’ont pas les qualités morales qu’exige la démocratie. Ils tolèrent la prise de pouvoir d’une minorité violente et insurrectionnelle comme celle des syndicats, des gilets jaunes, des écologistes radicaux. Et les “pseudo-élites” qui ont confisqué la vie politique n’ont aucun respect pour le verdict populaire, comme l’ont montré le refus des procédures consultatives ou référendaires exprimant les souhaits de la majorité silencieuse (sur l’école, la famille ou le traité de Maastricht). Factions totalitaires ou dirigeants cyniques, incapables de remettre en cause leur propre ambitions, ne peuvent faire preuve d’une intégrité morale disparue depuis longtemps. Quelle en est la cause ?
Les privilèges corporatifs : à chacun ses droits acquis
L’Etat Providence dresse les Français les uns contre les autres : chaque catégorie veut davantage et s’estime spoliée par rapport aux autres. La vie politique est devenue une entreprise de corruption légale généralisée, chacun entendant profiter de sa position, de son statut, de ses informations privilégiées ou de son pouvoir de nuire, pour imposer aux autres de bénéficier à leurs dépens d’avantages exorbitants, qui ne seraient pas accessibles en situation de concurrence ouverte sur le marché. Ainsi la France est-elle le paradis de la corruption corporative institutionnalisée: chaque catégorie a bétonné son statut pour jouir de conditions de travail, de rémunération, de retraite ou de protection, contraires à la justice commutative : statut de la fonction publique, des syndicats, de la presse, des entreprises publiques, du contrôle aérien, du CNRS, de l’Assemblée nationale, des intermittents du spectacle ou de la Banque de France, retraite par répartition, retraite non provisionnée des fonctionnaires – seuls autorisés à une forme de capitalisation (Préfon) – , quasi-monopole de l’enseignement scolaire public ou sous-contrat, etc.
Le tissu social français est fait d’exceptions, de « régimes spéciaux » qui permettent de justifier des rémunérations présentes ou futures, des conditions de travail dérogatoires, des avantages divers au détriment de tous les autres. Pour preuve, qui de ces bénéficiaires accepterait de s’aligner sur le régime de droit commun du salariat, sur son régime général du contrat, de la rémunération, de la retraite ? Quand la réforme des retraites a fait semblant de s’attaquer aux régimes spéciaux, il était prévisible qu’elle ne serait jamais réalisée : la révolte aurait été immédiate, elle l’a été d’ailleurs. Pire, ce sont les syndicalistes du secteur public qui siègent dans toutes les entités en charge de la gestion des retraites du privé et préservent le financement et le maintien des régimes spéciaux.
Or les secteurs protégés par ces régimes « spéciaux » sont tous improductifs et déficitaires, car à l’abri de la concurrence : ils constituent une charge exorbitante pour le contribuable (financement par l’impôt) ou pour le client (financement par le prix) pris en otage. Ainsi tous les Français financent-ils par l’impôt les retraites non provisionnées des fonctionnaires et assimilés, le statut des contrôleurs aériens ou les subventions versées aux riches possesseurs de voitures électriques. Il ne s’agit en fait que d’une forme très sophistiquée de distribution à rebours, au bénéfice des “clients” et profiteurs de l’Etat, à la charge de tous, et des plus pauvres en particulier.
Une nouvelle morale égoïste et matérialiste
Une nouvelle éthique – ou contre-éthique voudrait-on dire – repose sur quelques aphorismes qui sont devenus la nouvelle morale dominante :
- La paresse : Mieux vaut vivre sans travailler, ou le moins possible, en bénéficiant d’un statut protecteur laissant du “temps libre”.
- L’arrivisme : le pouvoir, même imposé par la violence, est le plus sûr moyen de s’enrichir. A la Rastignac: moi d’abord et les autres ensuite, nos avantages acquis d’abord et le bien commun après.
- La jalousie et le vol : Par principe, la richesse des autres n’a été obtenue que par abus (du travailleur) ou détournement (du client). Ainsi taxer ou voler qui est plus riche que soi n’est que juste compensation.
- Le cynisme : Pas vu, pas pris. Tous les moyens sont bons pour arriver au but qu’on vise, du moment qu’on l’atteint. La fin justifie les moyens.
- Le mensonge : Les promesses n’engagent que ceux qui les croient.
- Le mépris : Malheur aux naïfs, aux faibles, aux petits, aux perdants, aux marginaux. Sauf si leur mise sous assistance garantit la fidélité de leurs votes ! La loi majoritaire interdit les opinions divergentes et s’impose à la majorité silencieuse sans exception.
- “Tout est politique”. La sphère privée n’existe plus, les droits naturels non plus : n’importe quelle assemblée peut légalement taxer, spolier, restreindre la liberté d’opinion, d’expression, de pensée, exclure ou consentir un avantage indu, voire promouvoir l’avortement, l’euthanasie, etc. Pour le droit positif, n’est juste que ce qui est légal, sans s’encombrer de principes ni de valeurs !
Tout ramener au bon vouloir du souverain ou de son représentant, considérer le travail comme réservé aux esclaves, privilégier “l’opinion” des dirigeants, utiliser le pouvoir pour asseoir son confort en s’appuyant sur une clientèle armée fidélisée par des gratifications, manipuler l’opinion pour la soumettre : tous ces traits ont été caractéristiques des sociétés antiques, “stationnaires” durant des millénaires. L’étouffement des initiatives individuelles et la confiscation par le Prince ou par les pillards de toute accumulation du capital ont empêché les innovations, les investissements privés, l’enrichissement par la technologie. De même, aujourd’hui un certain nombre de pays sont menacés d’implosion parce que la primauté écrasante de l’Etat sur l’individu, du politique sur l’économique, du collectif sur l’individuel, la suppression de la propriété privée ont fait disparaître les comportements normaux de l’être humain : faire confiance, échanger, partager. Implosion en Russie et dans certaines des « républiques fédérées », implosion en Corée du Nord, et demain en Chine. Mais l’implosion menace aussi plusieurs pays encore réputés « libres », comme le nôtre, dans lesquels les rapports sociaux sont dominés par l’individualisme aveugle (le « Me-first »), le poids des superstructures publiques corporatistes, par un matérialisme égocentrique généralisé fondés sur cette nouvelle morale collective.
L’altruisme base de tout progrès économique et social
En revanche, comment l’Occident a-t-il pu se développer, suscitant des gens qui ont pu entreprendre, innover, épargner et accumuler un capital, échanger, coopérer, tout en faisant leur place à la gratuité et à la charité ? C’est qu’avant le “Me-first inside” décrit ci-dessus, a dominé « un autre logiciel » puisé dans la tradition judéo-chrétienne, et qui a instillé des rapports sociaux fondés sur la coopération bienveillante:
- Le travail a une valeur fondatrice : il est la base de tout progrès parce qu’il est à la fois rédemption et renaissance, il enrichit la personnalité en même temps qu’il sert la communauté. Pendant le Haut Moyen Age la transformation de l’Europe doit beaucoup aux moines qui déforestent et permettent de cultiver de nouvelles étendues fertiles.
- Il y a une communication permanente entre le temporel et le spirituel : le bon service des autres sur cette terre est preuve d’un amour des autres, c’est-à-dire de l’amour de Dieu. Chacun devra rendre compte de ses actes, récompensé pour ses bienfaits ou puni pour ses méfaits. La conscience de la transcendance oriente la vie quotidienne, familiale, économique et sociale
- Les commandements divins imposent le respect d’autrui : “tu ne voleras pas, ne mentiras pas, ne médiras pas, tu respecteras tes parents, ton épouse,…” Autant de piliers de la stabilité sociale et de la coopération par le contrat et le libre échange.
- Le respect d’autrui s’accompagne nécessairement du respect de la vérité, la duplicité est inacceptable. “Que ton oui soit oui, que ton non soit non ». Les économistes diront que la fiabilité des informations et engagements est un très important réducteur des risques et donc des coûts de l’échange.
- Le respect d’autrui doit concerner les plus faibles. « Ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le ferez » : cette loi a inspiré à l’Eglise Catholique la « préférence pour les pauvres », elle stimule la solidarité volontaire et personnelle qui a été rudement touchée par la solidarité obligatoire et publique sous forme de redistribution anonyme et catégorielle : l’Etat a le monopole du cœur.
Ces principes sont les fondements de toute coopération pérenne dans l’échange économique, si bien que ce n’est pas un hasard si le décollage économique est survenu par priorité en Europe, enracinée dans la tradition judéo-chrétienne. Ce progrès se communiquera ensuite au reste du monde par effet d’imitation, mais plus par mimétisme des comportements que par la dynamique intrinsèque de leur valeurs culturelles autochtones (Islam, Boudhisme, Shintoïsme, etc.).
Ainsi, c’est dans sa période de plus grande liberté, avec un Etat relativement faible et restreint et une culture collective encore fondée sur les valeurs morales, que la France a connu son plus grand rayonnement de 1850 à 1940. S’y sont multipliées les inventions, innovations, nouvelles structures associatives ou entrepreneuriales, initiatives missionnaires ou coloniales qui ont fait son rayonnement. La France a alors été pionnière dans tous les domaines : automobile, avion, cinéma, machine-outil, pneumatique, électricité, énergie nucléaire, etc. Le logiciel qui s’était diffusé dans toute la société a alors favorisé toutes les coopérations… Malheureusement les stupidités étatiques ont plongé coup sur coup la France et l’Europe dans deux guerres épouvantables qui la ruineront physiquement, mais surtout moralement et spirituellement. Le poisson pourrit par la tête et les pays par leurs dirigeants…
Une reconstruction d’inspiration libérale
“L’Etat n’est pas la solution mais la source de nos problèmes”. Il est donc inutile de chercher à sortir de la crise en faisant des réformes paramétriques, en recherchant des économies ponctuelles, en faisant la chasse aux gaspillages (pourtant bien réels) en spéculant sur la croissance future, etc. Seule une réforme systémique est réaliste, avec des mesures dont la simple lecture rebuterait a priori la plupart de nos concitoyens :
- Revenir aux principes de base du droit naturel pour qui la personne est première et le collectif n’est que supplétif. Eradication du droit positif comme moyen de légaliser tout abus et d’imposer n’importe quel schéma constructiviste. En finir avec la « présomption fatale » qui prétend imposer construire une société scientifiquement organisée par une élite éclairée
- Réduire l’Etat national à ses fonctions essentielles : sécurité des personnes et des biens, défense des droits naturels et du droit de propriété, défense de la libre entreprise comme unique vecteur du progrès économique et social, confiant dans le fait que la personne s’intègre et s’épanouit plus par sa capacité personnelle à coopérer et contribuer grâce aux “droits de”, que dans l’assistanat collectif par l’attribution de “droits à” de médiocre qualité et financés au détriment de tous.
- Interdire le cumul d’un mandat de représentation des citoyens contribuables et de fonctionnaire dépensier (car il y a conflit d’intérêt quand un fonctionnaire en détachement pour un mandat politique approuve au nom des citoyens contribuables des dépenses au bénéfice de sa caste d’origine et de destination. C’est la base même du parlementarisme, en vigueur en Suisse comme au Royaume-Uni ).
- Interdire la rétribution des mandats politiques de représentation (pour écarter les politiciens de métier) et donc réduire et raccourcir les sessions parlementaires et la surproduction législative. Supprimer la pratique des décrets d’application rédigés (ou pas du tout) par l’administration… La loi doit être claire, simple et générique, et non pas réglementaire.
- Interdire le déficit budgétaire de fonctionnement comme d’investissement (stop à l’endettement cumulatif. Obligation de rembourser systématiquement la dette accumulée).
- Mettre en place d’un grand emprunt d’amortissement de la dette nationale et procéder à la vente systématique de la plupart des biens d’Etat qui deviendrait locataire de ses locaux, avec obligation de se rationaliser.
- Supprimer le statut de la fonction publique, tous les statuts particuliers (y compris intermittents du spectacles !) pour n’avoir qu’un seul code du travail (de 130 pages), comme en Suisse. Ouvrir à la concurrence tous les domaines aujourd’hui gérés par l’Etat: instruction, formation, santé, retraites, services publics (emploi), énergie nucléaire, transports, etc. et même la justice civile transactionnelle ou pénale délictuelle, ainsi que la sécurité de proximité (police, pompiers,..).
- Supprimer toutes les structures para-étatiques qui se superposent : agences, commissariats, hautes autorités, et autres “machins” qui ne servent qu’à recycler les copains-coquins aux frais des contribuables, et dont les initiatives se contredisent.
- Instaurer, sans agrément gouvernemental préalable, les référendums d’initiative populaire sur le modèle suisse (au niveau des communes, région, ou pays): les citoyens apprendront vite à être vigilants face aux projets pervers et à se mobiliser pour les contrer.
- S’affranchir du transfert automatique dans la loi française de toute la créativité juridique et parlementaire européenne, parfois attentatoire – au nom d’une idéologie ou l’autre – aux droits naturels de la personne.
- Supprimer toute forme de subvention à toutes les associations ou syndicats : afin qu’elles vivent des cotisations de leurs adhérents et cessent d’être des canaux de détournement de fonds publics, voire de rémunération d’une main d’oeuvre insurrectionnelle..
- Réduire toutes les entraves à la création et au développement d’entreprises : démarches, embauches, licenciements, investissements, taxation, imposition, réglementation, autorisations, etc.
Ces mesures objectivement vertueuses – et tant d’autres qui pourraient s’ajouter – seraient génératrices d’un véritable “choc créatif”. Mais elles ne peuvent se déployer que dans un climat général de compréhension, de coopération et d’estime réciproque : respect des personnes, des clients, des collaborateurs, des partenaires (fournisseurs, financiers), des actionnaires investisseurs, des collectivités locales, de la création et de l’environnement naturel, etc. Car il n’y a pas de liberté sans mise en responsabilité, sans souci de la dignité des personnes, de leur propriété, de leur liberté d’entreprendre, de la parole donnée, etc. Tout le contraire du “Me-first inside” actuellement dominant.
La question de fond est donc bien celle d’un “software comportemental” accepté et respecté par tous les acteurs dans leurs interactions. Cette découverte de la compréhension, du partage et de la charité (au sens du service et de l’amour d’autrui) doit nécessairement accompagner tout dispositif institutionnel ou concurrentiel. Sans cela, toute réforme purement institutionnelle et législative mettant un terme aux abus et dérives actuels ne mènera qu’au même chaos serait implosif auquel nous conduit la passivité actuelle.
Du collectivisme athée au personnalisme chrétien, une révolution culturelle
Une conclusion s’impose : nous avons à mener une révolution culturelle, à rompre avec trois siècles d’absolutisme étatique illibéral, interventionniste et spoliateur. Il nous faut miser sur les capacités et les sentiments naturels de tout être humain.
Contrairement à ce que prétendent les défaitistes, les sceptiques, les empiristes, dûment formatés par la philosophie postmoderne et le système éducatif actuel, nous devons cultiver l’espérance, aujourd’hui détruite par l’Etat-Providence porteur de servitude mais aussi d’égoïsme ou, pire encore, de communautarisme. Il faut éradiquer cet esprit égoïste, cynique, matérialiste et profiteur qui s’est particulièrement répandu dans toutes les couches de la société française et qui mine toutes les relations entre les personnes dans leur sphère privée comme dans les entreprises et les institutions. C’est aujourd’hui la victoire du “Me-first inside” sur la loi naturelle de l’amour des autres. Elle est collectivement suicidaire.
La question de fond est de savoir si et combien de temps une société « post-moderne », infiniment complexe et interdépendante, pourra survivre à l’étiolement puis la disparitions des valeurs altruistes qui ont été à l’origine de son émergence et de son développement ? Comment une société peut-elle prendre conscience que son déficit spirituel est collectivement suicidaire, et à brève échéance ? Car chacun se pose aujourd’hui en passager clandestin d’un Titanic devenu incontrôlable. A vue humaine, selon la seule raison, on pourrait conclure à l’apocalypse, et les prophètes de malheur ont aujourd’hui beaucoup d’adeptes. Mais il y a aussi une vue spirituelle, il y a la foi dans l’être humain. Une prophétie de Marthe Robin[1] peut exprimer cette foi. Alors qu’on lui demandait son avis sur la dégradation sociale et morale de la France, elle a répondu : « Ce n’est rien à côté de ce qui va arriver. Vous n’imaginez pas jusqu’où l’on descendra ! Mais le renouveau sera extraordinaire, comme une balle qui rebondit ! Non, cela rebondira beaucoup plus vite et beaucoup plus haut qu’une balle ! » Quelle que soit la valeur de la prophétie, on ne peut nier que son auteur a mis en œuvre l’espérance d’une conversion morale en proposant en 1936 la création des Foyers de Charité, d’abord dans le diocèse de Valence, pour la formation chrétienne des retraitants? Ces foyers qui ont fait miracles.
Nous pouvons espérer que nos enfants et petits-enfants n’auront pas pour unique perspective de devoir assumer toute leur vie les conséquences de l’égoïsme collectif suicidaire des générations qui les auront précédés. Un renouveau spirituel serait donc proche, ouvrant toutes les espérances : la Pologne s’est relevée en une génération et demi de 70 ans de totalitarisme allemand puis russe puis de communisme “maison”. La Corée du Sud, agricole et ruinée en 1955 par les Japonais puis par la guerre avec les communistes du nord soutenus par la Chine, s’est aussi reconstruite en une génération et demi. Certes, le seul critère du développement humain n’est pas économique, et la course au PNB n’est pas la seule marque du bonheur, mais les vrais économistes le savent: il n’y a aucun progrès sans un certain ordre social respectueux des personnes, où les domaines de l’Etat et la politique restent strictement encadrés, et où la créativité personnelle et l’initiative entrepreneuriale peuvent librement s’exprimer et servir la communauté, grâce aux libres échanges marchands et aux bienfaits de la concurrence, en laissant toute leur place à l’altruisme et à la gratuité.
La mission des libéraux est de convaincre nos concitoyens des raisons et des possibilités d’une totale rupture politique, sociale et morale. D’autres pays qui s’étaient effondrés ont retrouvé le chemin de la liberté et de la dignité en secouant le joug du collectivisme étatique. La France le fera aussi !