Les Marseillais sont à nouveau honorés par le nouveau séjour de trois jours que le Président va passer à Marseille. Il était venu l’an dernier pour lancer une opération innovante et exemplaire : « le Grand Marseille ». Il était temps en effet de réduire Marseille à la Bonne Mère, au Vieux Port, à la pétanque et à Marius : la cité phocéenne vaut mieux que çà. Il était donc nécessaire de constater un an plus tard les progrès réalisés. L’expérience lancée à Marseille pourra sans doute inspirer les édiles de toutes les cités de France, de Lyon à Bordeaux en passant par Nantes ou Grenoble. Un maire comme Monsieur Payan n’est pas tombé dans les excès des municipalités écologistes radicales, c’est un socialiste bien tranquille, d’une gauche bien présentable.
Les progrès sont incontestables, mais comme je me méfie de la discrétion qui par décence pourrait inspirer les élus locaux, j’indique à mon révérend Président ce qu’on n’oserait peut-être pas lui dire.
1° Les poubelles : Le spectacle est vivant (notamment grâce à nos amis les rats). Depuis 12 jours les services municipaux de la mairie sont en grève pour des motifs très légitimes, et conformes aux conseils de Madame Borne : hausse des salaires et garanties de stabilité de l’emploi (plus de CDD sans doute) . Le spectacle de la gare Saint Charles, où les rails sont recouverts de déchets et le hall impraticable est sans doute un signe d’accueil des touristes qui continuent à voyager avec la SNCF. Les Marseillais qui prennent le métro sont également sensibles au nouveau charme des stations et des escalators, évidemment les commerçants sont ravis de voir leurs devantures enrichies pour attirer le chaland.
2° Les travaux : impressionnants, grâce sans doute aux subventions reçues de l’Etat et de la région. Ils sont surtout destinés à ôter toute possibilité de trafic aux automobilistes. C’est déjà fait aujourd’hui puisqu’on ne peut plus circuler, le Pharo et le Vieux Port sont inaccessibles, et la Corniche est interdite (on appelle çà « La voie est libre ») mais ce sera encore mieux demain puisque grâce aux travaux d’aujourd’hui on ne pourra plus rouler en auto demain : seuls les vélos et les trottinettes pourront s’éclater, les piétons n’auront qu’à bien se tenir. Marseille n’a donc rien à envier à Paris : conformément aux directives européennes, plus de voitures polluantes.
3° Les Crit’Air : ici les écologistes marseillais ont pu s’aligner sur leurs camarades des grandes villes vertes. Il faut sans doute incriminer la loi d’août 2021 promulguée en application des directives européennes : interdiction aux vieux véhicules de circuler dans les ZFE, zones à faible émission. Les voitures récentes ont des vignettes1, leurs propriétaires sont tranquilles jusqu’en 2025, les véhicules les plus vieux ont des vignettes 5. Les vignettes doivent être apposées sur les pare-brise. Mais à Marseille on va déjà être le 23 septembre en 4, puis ensuite en 3 : l’air marin et le mistral sont plus pollueurs. D’ailleurs des exp’airs (sic) se réservent le droit de changer la règlementation en cas de perturbations climatiques (comme en ce moment). Qu’on se rassure : la ZFE pour l’instant ne concerne que le centre ville, où aucun automobiliste lucide ne se risque dans la journée.
4° Le Château de la Buzine : ce château était celui que côtoyaient Marcel Pagnol et sa famille pour se rendre à La Treille. C’était « le château de ma mère ». Il a été construit et amélioré par différentes familles depuis des siècles. Mais comme toujours, une décision administrative l’a mis sous tutelle de l’Etat. Sous l’influence de « l’école du service public », dite encore école de Bordeaux, la France s’enorgueillit depuis les années 1930 de transformer en service public des instances, activités, entreprises et bâtiments qui n’ont rien à voir avec les missions de l’Etat. Le droit administratif français est contraire à l’état de droit et nous avons dans notre pays des juridictions d’exception, le Conseil d’Etat et les tribunaux administratifs, qui soustraient l’administration au droit commun.
Ainsi en 1997 on voit apparaître dans la « liste des immeubles protégés au titre de la législation sur les monuments historiques » le château de La Buzine , inscrit par arrêté du 13 janvier 1997. Voilà pourquoi Monsieur votre femme est malade : La Buzine est passée sous la coupe de la municipalité de Marseille, afin de la mieux protéger et de lui permettre d’offrir un service public. En l’occurrence puisque Pagnol était en jeu naturellement- le service consiste à diffuser les techniques et les productions du cinématographe. D’après le droit des concessions de service public, une offre publique doit désigner le titulaire de la délégation pour une durée donnée, le mieux offrant (financièrement et qualitativement) doit être désigné par la mairie.
Depuis 1997 plusieurs titulaires se sont succédés, jusqu’à ce que Nicolas Pagnol soit élu. Par son art d’entreprendre, par son amour du cinéma, il a transformé la Buzine en un haut lieu culturel. Des manifestations ont sans cesse attiré des centaines d’écoliers, de collégiens et de lycéens, mais aussi des Marseillais qui ont pris l’habitude de fréquenter des soirées de musique, de danse, de jazz, Nicolas crée un restaurant dont la clientèle ne cesse d’augmenter et en 5 ans le nombre de visiteurs de la Buzine a augmenté de 80.000 personnes.
Le bâtiment a été embelli, mieux équipé sans cesse : bref un succès total. Mais voilà : Monsieur Payan a besoin de satisfaire les exigences de quelques-uns de ses alliés politiques et lorsque l’appel d’offre public est lancé, il reproche d’abord à Nicolas Pagnol d’avoir mal préparé son dossier, de prévoir des résultats financiers insuffisants et surtout de ne pas offrir aux enfants une image du cinéma qui puisse convenir à leur milieu social : trop de Hollywood sans doute. Et, ô miracle, c’est une offre bien plus belle « la seule acceptable » dit le maire qui supplante l’offre de Nicolas : l’offre du Centre de Culture Ouvrière. Voilà qui fleure bon Zola, et qui conviendra au Président car il faut des ouvriers cultivés pour réindustrialiser la France.
Bref, un quadruple scandale : Economique : malheur à ceux qui réussissent, vivent les déficits et les subventions, à bas les profits.
Juridique : l’emprise arbitraire de l’administration sur les principes du droit commun de la propriété et des contrats.
Culturel : il y a une culture réservée à certains citoyens, la culture française n’existe pas (Emmanuel Macron) et a fortiori la culture provençale.
Idéologique : le progrès de la société passe par la classe des travailleurs, aujourd’hui opprimée par la classe des bourgeois partisans de l’impérialisme américain et capitaliste.