Les propos guerriers du Président Macron ont surpris vendredi dernier à Munich, au cours de la réunion consacrée aux « problèmes de sécurité ».
« La Russie ne peut ni ne doit gagner cette guerre, l’agression russe doit échouer ».
Le président français s’est dit « prêt à un conflit prolongé ».
Voilà des propos qui changent avec la diplomatie alambiquée, voire ambiguë, menée depuis un an. Volodymyr Zelenski serait enfin rassuré, il a réellement douté du soutien de la France, et s’est alarmé des liens étroits entre Paris et Moscou, qui impliquaient davantage une négociation à tout prix plutôt qu’une guerre sans merci.
Mais les paroles volent…
Plusieurs commentaires ont été faits à propos de ce revirement. L’un est qu’il est inspiré par la baisse de popularité du gouvernement, et la possibilité d’un échec complet de la réforme des retraites, qui fait la une de l’opinion depuis plusieurs semaines : donc des paroles à usage interne. Un autre commentaire voit des paroles à usage européen. Depuis sa première victoire en 2017 Emmanuel Macron s’incarne comme chef de l’Europe. Le départ d’Angela Merkel ferait de lui le seul vrai leader européen, de plus il a la sympathie et d’Ursula von der Leyen, Commissaire de l’Union, écologiste bien typée. Emmanuel Macron a pour concurrent le chancelier allemand Olaf Scholtz, qui est passé d’une réserve prudente à l’égard de l’Ukraine à un engagement d’autant plus spectaculaire, l’Allemagne accueillant beaucoup de réfugiés et livrant enfin les fameux chars lourds Leopard.
Il n’en demeure pas moins qu’il y a loin des paroles aux actes. Au cours de la semaine précédent Munich, lors de la présentation de la Loi de Planiication Militaire (LPM) Emmanuel Macron avait indiqué que la France ne pouvait pas se priver d’armes pour les mettre à la disposition immédiate de l’Ukraine. Parallèlement l’aide financière de la France à l’Ukraine est faible par rapport à celle des Allemands et des Anglais, et surtout à celle des Etats Unis.
Car Joe Biden lui-même rend visite à la Pologne : ce qui signifie que la coordination entre l’Union Européenne (que Macron voudrait engager militairement) et l’OTAN, toujours sous domination américaine, est loin d’être réalisée.
Les tensions entre pays européens, les faucons contre les colombes, les frugaux contre les mendiants, ne cessent donc de s’exprimer. Mais depuis quelques jours il semblerait bien que la tension se précise entre les Occidentaux et le reste du monde, et que les Chinois ne soient pas aussi neutres que l’on a cru jusqu’à présent.
D’une part les pays dits « du Sud » ne sont pas prêts à soutenir l’Ukraine, certains sont même plutôt du côté de la Russie. C’est le cas des pays africains, de l’Inde, du Brésil, voire de l’Arabie Saoudite. Tous ces pays (ce n’est pas nouveau) ne supportent pas l’impérialisme américain, et entretiennent de bonnes relations commerciales et politiques avec Pékin. Comme nous l’avons déjà indiqué dès le début de la guerre en Ukraine, la Chine est capable de soutenir Poutine si Poutine soutient les visées de Pékin sur Taïwan. Xi Jing Pin a gardé officiellement ses distances à l’égard de Poutine, c’est vrai. Mais la volonté de conquérir Taîwan se manifeste par de nombreux signes, de sorte que les Américains, mais aussi les Australiens, Néo-Zélandais, Singapour et la Corée du Sud se sentent mobilisés actuellement.
Notre analyse se ramène une fois de plus à une évidence : le temps presse. Si les Occidentaux veulent gagner la guerre contre la Russie ; il est temps de montrer un front commun face à la Russie, et ce front commun ne peut exister que dans le cadre de l’OTAN. La visite de Joe Biden à Kiev et Varsovie démontre qu’il y a au moins deux pays européens qui n’hésitent pas à se mettre sous protection américaine, et n’attendent pas que l’Union Européenne devienne une puissance militaire en quelques semaines. Tchèques, Baltes et Finlandais sont également « prêts pour un conflit prolongé ». Tous les Occidentaux devraient partager un impératif commun : ne plus craindre d’apparaître pour des belligérants (comme les définit le droit public international), car il est difficile de faire la guerre sans être belligérant. Etre belligérant, c’est en effet fournir au plus tôt à l’Ukraine les armes et les munitions indispensables pour contenir l’offensive russe actuelle. Tant pis si l’on puise dans les réserves stratégiques de la France ou de l’Allemagne : les voisins de la Russie et de la Biélorussie se sont déjà mobilisés et peuvent se battre avec la même énergie que les Ukrainiens.
La belligérance a pour elle l’avantage de satisfaire aux exigences de la liberté : c’est bien contre la dictature et les crimes de guerre commis par Poutine et les armées russes qu’il s’agit de se battre, et de faire réellement la guerre pour sauver la liberté des peuples agressés ou promis à l’être.