Consciencieusement gouvernants, stratèges et journalistes du monde entier se sont crus obligés d’écouter ce discours tant attendu sur « l’état de la nation », pour faire le parallèle avec les mœurs politiques américaines. Ce type de discours est habituel dans les pays démocratiques, et on sait que la Russie est exemplaire sur ce point.
Poutine s’est bien exprimé sur l’état de la nation russe, il l’a fait avec les accents du petit père du peuple : il mérite bien cet hommage jusque là réservé à Staline. Le peuple russe est un exemple pour l’Occident, l’économie russe se porte rien et la planification est à l’œuvre, et l’économie de marché n’est pas celle de la rentabilité à court terme. Mais voilà : in coda venenum : dans sa péroraison Poutine se libère des engagements pris dans le traité New star et la Russie fera ce qu’elle voudra de l’arme nucléaire.
Le peuple russe : un exemple pour l’Occident
Poutine a d’abord tenu à dire toute sa fierté d’être ce père du peuple. En effet que dire des Occidentaux ? « Ce sont eux qui ont lancé la guerre, et c’est nous qui allons l’arrêter (applaudissements) ». Le peuple russe s’est engagé non pas dans une guerre, mais dans la défense courageuse des Russes des provinces de Donetsk et Lougansk, annexées injustement par les brigades terroristes et néo-nazies armées par les Occidentaux ; Le peuple russe a soutenu ces gens agressés, il a libéré des otages, il a protégé les enfants, il a rétabli le bonheur et la paix (applaudissements) . Les Occidentaux, à travers l’OTAN, ne rêvent que de dominer le monde entier, ils dépensent des milliards de dollars pour armer les ennemis de la civilisation. Car la civilisation n’est pas la propriété des Occidentaux : « Nous défendons tous les pays civilisés, et ils ne sont pas en Occident : ils sont dans le monde entier ».
C’est le peuple russe qui se sacrifie pour tenir tête à un Occident qui menace les frontières historiques de la Russie. Mais mieux encore : le peuple russe donne des leçons de morale aux Occidentaux. Le peuple russe est fidèle à sa religion orthodoxe, la famille est honorée, les hommes épousent des femmes, il n’y a pas d’abus sur les enfants. L’Occident est « à deux pas de la catastrophe spirituelle »[1]– Il est engagé dans un processus de dégradation et d’extension, alors que le peuple russe n’est pas aveuglé par le désir de gagner davantage, il a été assez courageux pour être à la hauteur de son histoire. Le peuple doit être remercié : les soldats, leurs familles qui les ont soutenus, mais aussi les chauffeurs, les paysans, les ingénieurs, les instituteurs, les journalistes, les prêtres, les entrepreneurs. « Non la Russie n’a pas changé. Non : nous allons commencer » (applaudissements et standing ovation) Il faut aussi rendre hommage à tous ces militaires tombés au champ d’honneur (minute de silence)
[1] Nous avions publié sur ce thème un article pour remarquer que les critiques adressées à l’Occident par poutine ne sont pas toujours infondées. Poutine s’adresse aussi aux Occidentaux (actualité) Reste à savoir évidemment si les Russes sont tous (y compris les gens au pouvoir) des modèles de vertus morales
Par comparaison, on peut dire un grand merci au peuple russe, à tous ceux qui sont sur le front mais aussi à tous les paysans, ingénieurs.
Performances et plans de l’Etat russe
N’en déplaise aux Occidentaux les qualités du peuple russe ont permis au pays d’avoir une économie prospère, et l’Etat est là pour entretenir et développer cette prospérité. D’après la désinformation occidentale le PIB aurait dû chuter de 20 à25 %, en réalité il n’a baissé que de 2,1% Le taux de chômage est passé de 4 à 3,7 % l’inflation ne réduit pas la valeur et l’attrait du rouble, elle est de 4% en Russie contre 17 % ailleurs. Tout cela est largement dû aux initiatives de l’Etat, et le plan à venir va encore accentuer cette dynamique. Par exemple les jeunes combattants engagés dans l’Opération Militaire Spéciale auront droit à un congé de 14 mois (applaudissements), leurs familles auront droit à un emploi. La Russie va investir dans les académies militaires, mais aussi dans les activités civiles : en « jouant sur tous les fronts » : les nouvelles technologies, les cabinets d’ingénieurs (applaudissements), il faut mobiliser les PME, encourager l’épargne avec des taux d’intérêt supérieurs à ceux du marché (applaudissements), aider les régions avec l’aide de l’Etat, continuer à honorer les paysans et tous ceux qui contribuent au développement actuel. Quel contraste avec l’Occident qui choisit entre « le beurre et les canons » : des milliards de dollars pour l’armement et le soutien d’une guerre qu’ils ont déclarée à la Russie, au lieu de lutter contre la pauvreté chez eux et dans les pays moins développés. La Russie prépare aussi l’avenir : il se trouve dans le développement du commerce avec l’Asie, notamment à travers la Sibérie et le Moyen Orient à travers la Méditerranée, ce qui implique la mise en valeur de la mer d’Azov : des routes, des pipelines sont programmés. Voilà donc une série de victoires que la Russie va remporter dans le domaine de l’économie (applaudissements).
Cette ode à la planification, à la centralisation et à l’Etat Providence aura sans doute un écho favorable dans l’esprit de beaucoup de Français qui bénéficient aujourd’hui du meilleur système social du monde, et ont un Haut Commissariat au Plan etune Banque Publique d’Investissement.
Le vrai sens de l’économie de marché
Eminent économiste Vladimir Poutine peut donner une leçon intéressante sur l’économie de marché. Les Occidentaux n’y ont rien compris, ils sont d’ailleurs à l’origine des déboires économiques connus avant la Présidence actuelle, après la scandaleuse disparition de l’URSS, victime du complot américain.
En Occident on comprend l’économie de marché comme la recherche du profit et de la rentabilité à court terme. Avec la disparition de l’URSS il y a eu une curée sur les ressources naturelles de la Russie, et notamment sur les hydrocarbures. C’est alors que sont apparus les milliardaires pilleurs de ressources. Ils ont investi à l’étranger et l’on a eu une économie « off shore ».La politique a été inversée, désormais on sait que la croissance vient des entreprises nationales privées, avec l’aide de l’Etat. Oui au droit de propriété privée mais « il ne faut pas copier son modèle occidental ». L’Etat « subventionne » les entreprises authentiquement russes (applaudissements). Le patriotisme doit être également économique. Tandis que les Occidentaux sont « essoufflés par la course aux profits » (applaudissements) l’Etat russe travaille pour les citoyens, qui fournissent des fonds à l’Etat : leur l’épargne est valorisée par le bon usage que les planificateurs en font. Au lieu d’exporter les richesses nationales, la Russie doit gagner de l’argent avec les étrangers, notamment à travers le tourisme : il faut être « résilients »
Conclusion : souveraineté et indépendance nucléaire
Pour conclure, le Président Poutine propose une nouvelle définition de la souveraineté et de la sécurité : « il faut soutenir le droit ultime : le droit de la Russie d’être forte » (Vifs applaudissements).
La Russie a ses propres droits à se servir des armes nucléaires, et le traité New Start passé entre Obama et Metvedef, alors Président de la Russie, n’a aucune raison d’être. On sait que ce traité oblige chacune des deux puissances nucléaires à contrôler les installations nucléaires dans l’autre pays. Poutine a été très clair : « Les Etats Unis et l’OTAN disent que leur objectif est d’infliger une défaite stratégique à la Russie. Et, après cela, ils veulent faire le tour de nos installations de défense comme si de rien n’était » ? Poutine demande aussi que la France et l’Angleterre soient soumises au contrôle des armes nucléaires.
Voilà donc la menace nucléaire brandie par Poutine. Biden lui répondra ensuite à Varsovie : la dissuasion nucléaire existe toujours, la peur ne peut ralentir la défense de la liberté.