« Je n’ai pas à demander pardon ». Pardon à qui ? Pardon pour quoi ? La phrase clé de l’interview donnée mercredi dernier au Point est pour moi un infâme baratin (un mot que le Larousse définit comme « un discours abondant, destiné à convaincre, à tromper, à séduire, boniment »).
Infâme parce qu’il est mensonge : le candidat Macron en 2017 a bien qualifié la colonisation française en Algérie de « crime contre l’humanité » et le président Macron, au cours de sa visite dite « amicale » à Alger (25-28 août 2022) a déposé des fleurs devant le Monument des Martyrs, ces valeureux Algériens sauvagement tués par les Français[1].
Mais pourquoi le Président de la République Française veut-il convaincre les Français dans cette interview donnée à son ami journaliste algérien Kamel Daoud ? Qui veut-il séduire ?
Sans aucun doute le bon Président Tebboune, dont la visite d’Etat est attendue en France, sans doute le 19 mars (Jour du cessez-le-feu en 1962). Une visite d’Etat est très protocolaire : visite du Parlement, de la mairie de Paris, voyage dans les régions (PACA ?). Donc, le mot « pardon », dit le bon Président français « ce n’est pas le sujet, il romprait tous les liens ». Mais, pour autant, faut-il oublier l’histoire, se demande-t-il ? Certainement pas : « Le pire serait de conclure, et chacun reprend son chemin ». Conclure à l’oubli de l’histoire et au divorce de l’Algérie et de la France car si on ne discute pas avec les Algériens d’autres le feront, a prévenu Benjamin Stora, l’historien officiel désigné par l’Elysée. Donc, pas question de revenir sur l’essentiel, et garder en mémoire les crimes de la France contre l’humanité. Dans l’interview Macron est très clair : « Le travail de mémoire et d’histoire n’est pas un solde de tout compte […] C’est bien au contraire soutenir que dedans il y a de l’inqualifiable, de l’incompris, de l’indécidable peut-être, de l’impardonnable ». A mon avis, cette phrase s’applique tout à fait au baratin présidentiel. Cependant la clarté est toute relative, car qui Macron veut-il encore séduire, en dehors de Tebboune ? « Les Algériens vivant en France, les Français de l’immigration ayant un parent algérien, les harkis, leurs enfants, les rapatriés et leurs familles, ceux qui se sont battus sur le sol algérien. On dépasse les 10 millions de personnes ». Voilà bien de la grandeur, voilà dix millions de personnes à tromper.
Car je reviens à ma première question : A qui le Président français devrait-il demander pardon ? Aux Martyrs Algériens, ces assassins dans le bled, ces poseurs de bombes à Alger, ces barbares qui ont massacré à Oran ? Il devrait plutôt demander pardon à ces 900.000 pieds-noirs qui ont été chassés de leur pays par les accords d’Evian, qui ont tout perdu de leur patrimoine, de leurs souvenirs, de leurs projets. Il devrait demander pardon aux 250.000 harkis qui ont été volontairement abandonnés et laissés aux mains des fellaghas qui les ont tous tués. Il devrait demander pardon aux familles de tous les soldats français tués entre 1954 et 1962, à tous les officiers et patriotes emprisonnés entre 1962 et 1968.
Cette interview n’est que boniment, le genre préféré des discours du Président[2].
[1] Cf mon article sur le site du 11 septembre 2022 Crimes contre l’humanité ou crimes contre la France ?
[2] Je signale que dans un article paru dans le Figaro le 8 janvier Xavier Driancourt, ancien ambassadeur de France à Alger, fait le procès de « l’Algérie nouvelle » qui entraîne la France dans sa chute.