Surprise au matin de ce 1er novembre :
Le Monde, Le Figaro, Libération, TF1, France 24, Radio France, BFM TV, Médiapart, Agence France Presse font leur une sur le communiqué de l’Elysée à l’occasion du 70ème anniversaire du drame du 1ernovembre 1954 vécu en Algérie.
La surprise est double : d’une part le communiqué reprend un message adressé par l’Elysée au gouvernement algérien le 7 octobre dernier, d’autre part le contenu du communiqué est en soi une surprise. Pourquoi ces surprises ? il y a deux réponses possibles.
La première est que l’Elysée avait adressé le même communiqué au gouvernement algérien en prévision du voyage présidentiel de la semaine dernière. Emmanuel Macron savait que les Algériens ne seraient pas heureux de la décision française de considérer le Sahara Occidental comme un territoire marocain, il fallait donc persuader les Algériens que cette décision ne devait pas alterner la bonne entente franco-algérienne, et la « reconnaissance de l’assassinat de Larbi Ben M’hedi » était un genre de cadeau amical. C’était en quelque sorte demander à Alger un passeport pour Rabat. Le génie diplomatique d’Emmanuel Macron est bien connu, mais il aurait fait tout de même fait preuve de beaucoup de naïveté en spéculant sur la réaction d’Alger.
La deuxième réponse est malheureusement moins rassurante. Elle consiste à demander aux Algériens le pardon pour les crimes commis par la France durant la « guerre d’Algérie ». Le contenu du communiqué ne laisse aucun doute :
Depuis 2017, le Président de la République, a entendu regarder l’Histoire de la colonisation et de la Guerre d’Algérie en sa vérité, dans le but d’aboutir à la constitution d’une mémoire apaisée et partagée. Cette ambition, dont l’acte fondateur est la Déclaration commune d’Alger, est aussi celle du Président TEBBOUNE.
Le président de la République considère que le travail de vérité et de reconnaissance doit se poursuivre.
Il reconnait ce jour que Larbi BEN M’HIDI, héros national pour l’Algérie et l’un des six dirigeants du FLN qui lancèrent l’insurrection du 1er novembre 1954, a été assassiné par des militaires français placés sous le commandement du général AUSSARESSES. […] Au début des années 2000, le Général AUSSARESSES avoua enfin qu’il l’avait assassiné (sic !)
Scandales de la démarche
Le premier scandale est, une fois de plus, de considérer que l’armée française aurait commis des « crimes contre l’humanité » dont le Président de la République fait pénitence et demande pardon. En réalité les crimes contre l’humanité ont été le fait du FLN qui, à partir du 1er novembre 1954, n’ont cessé de tuer, d’égorger, de martyriser des milliers de personnes. Et multiplié les exactions[1] . Avant le 5 juillet 1962 on a estimé à 26.000 soldats et 5.000 civils les victimes du FLN (dont les deux tiers de musulmans)[2]. Après 1962 le FLN a massacré 120.000 harkis et personnes demeurées fidèles à l’Algérie Française.
Le deuxième scandale est l’hommage rendu à Larbi Ben Midi. En 1956 il préside en compagnie de Yacef Saadi la ZAA, Zone Autonome d’Alger. Le FLN a en effet mis en place une nouvelle méthode de combat : le terrorisme urbain. Jusqu’à la fin de l’année, les bombes se multiplient : Milk Bar, Cafeteria, Otomatic, Bar des Facs, Casino de la Corniche. Guy Molet président du Conseil charge le général Massu d’engager la bataille d’Alger : Les chefs de la ZAA organisent leurs expéditions à partir de la Casbah où ils font régner un pouvoir sans merci[3] . Mais qu’importe à l’Elysée actuel ? Un troisième scandale est de faire l’éloge du terroriste, un homme remarquable : « Les images prises de lui lors de son interpellation en février 1957 le montrent menotté mais souriant, le regard fier. Les militaires français qui le connaissaient de réputation furent impressionnés par son charisme et son courage. Ainsi, les hommes du 3e Régiment de parachutistes coloniaux du colonel BIGEARD se mirent au garde-à-vous et lui présentèrent les armes. »[4].
Le quatrième et dernier scandale, qui sert de cadre à tous les autres, est celui des accords d’Evian. En dépit de ses discours trompeurs ( « Je vous ai compris ») il avait préparé dès avant le 13 mai 1958 la fin de l’Empire français, au prétexte de décolonisation, mais aussi pour restaurer la grandeur de la France, c’est-à-dire la grandeur de De Gaulle, à la tête de la troisième voie et des non-alignés. Ainsi a-t-il « négocié » dès le début 1961 les accords d’Evian qui permettait aux « interlocuteurs valables », c’est-à-dire les chefs historiques du FLN emprisonnés à Paris[5] de s’emparer des trois départements français. Ainsi les barbares allaient-ils pendant 62 ans tenir un peuple en dictature et en misère (nomenklatura exclue bien sûr), et priver la France des richesses extraordinaires d’un pays doté d’énergies (gaz, pétrole, charbon) de mines (fer et sidérurgie) de tourisme, de pêche, d’agriculture (vignes légumes), et d’une population éduquée et laborieuse.
Démence présidentielle
On peut se demander si Emmanuel Macron n’a pas été victime de la constitution de la 5ème république, taillée par De Gaulle pour ses propres ambitions, et donnant tous pouvoirs au Président de la République. Quant au fond, il doit avoir les mêmes inclinaisons que son prédécesseur : despotisme absolu, communication et éloquence, diplomatie grandiose permettant des hisser au niveau des plus grands, mépris pour la société civile et les corps intermédiaires.
Je me permets d’avancer une autre hypothèse : notre Président aurait perdu la raison. Ce ne serait pas le premier : de Robespierre à Jules Ferry en passant par Emile Loubet certains leaders de notre République ont dû disparaître plus tôt que prévu. Mais Emmanuel Macron ferait plutôt penser à Paul Deschanel. Ce politicien était reconnu pour son éloquence, il avait toujours occupé des positions élevées, il était homme politique mais aussi écrivain et journaliste. C’était un homme qui savait plaire. Cela l’a conduit à être élu en 1920 Président de la République avec une majorité inégalée, car il a été candidat unique puisque Clémenceau, Président depuis dix ans, n’a pas voulu se représenter, la cote du « père la Victoire » avait bien baissé. Malheureusement Deschanel n’a régné que 9 mois car il a perdu la raison, et on l’a retrouvé descendant en pyjama d’un train à l’arrêt et discutant avec la garde barrière. Il serait temps que Macron descende du train…
[1] Le 5 juillet est la « fête de l’indépendance » à Oran : 5.000 personnes, y compris des enfants massacrés sous les yeux des forces de l’ordre françaises auxquelles le général Katz avait interdit de s’interposer.
[2] Dès 1952 Jacques Soustelle avait publié un rapport sur les crimes du FLN, destiné à l’ONU qui devait se prononcer sur la situation en Algérie, pour blâmer la France évidemment (Les Etats unis nous accusaient)
[3] Messali Hadj, chef du MNA (Mouvement National Algérien) rejette le terrorisme : ses amis seront décimés par le FLN et la ZAA
[4] Cet éloge n’a rien à voir avec le commentaire dithyrambique que vous pouvez trouver sur YouTube de France 24 : notre héros est comparé à Jean Moulin de la résistance algérienne. Il est de bon ton de rapprocher la résistance algérienne de la résistance française des années 1940
[5] A la suite de leur capture à la verticale d’Oran au cours du vol Tunis-Rabat en novembre 1956