Emmanuel Macron veut marquer la République de son empreinte. En même temps qu’il crée la Cité Internationale de la Langue Française[1]il annonce la réunion du Congrès pour inscrire l’IVG dans la Constitution Française. Le Président partage la crainte des mouvements féministes : l’avortement est remis en question aux Etats Unis. Cette crainte est injustifiée puisque le Congrès américain s’est prononcé sur les droits des Etats membres de l’Union et non sur le principe de la légalité de l’IVG. Mais quand on veut s’attaquer aux « Fondamentaux de la République » on n’en est pas à un détail près.
De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer une initiative qui porte non seulement atteinte à la vie privée mais aussi aux libertés personnelles. Je me fais un devoir de rappeler le point de vue libéral sur la question.
La subsidiarité verticale signifie qu’une ligne rouge doit séparer le pouvoir politique et la société civile. Le pouvoir ne peut exercer sa contrainte que pour défendre les droits individuels C’est ce que l’article premier de la loi Veil exprime : La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. « Je le dis avec toute ma conviction : l’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue. Mais comment le tolérer sans qu’il perde ce caractère d’exception, sans que la société paraisse l’encourager ? » Belles paroles et bonne question de Simone Veil, mais le texte de la loi prévoit aussi que l’IVG est un droit absolu si elle intervient avant 10 semaines de grossesse, délai qui sera porté ensuite à 13 semaines, puis à 14 semaines. C’est dire que la vie de l’embryon est de moins en moins pris en considération, alors même que l’on affirme que la loi respecte l’embryon « dès le commencement de la vie ».
Donc, depuis 1975, c’est l’Etat qui détermine le droit à la vie et à la mort. Cette intrusion dans la vie d’un être humain, et dans le comportement des personnes concernées (et la femme enceinte par priorité) est inadmissible. Bien que le chiffre ne soit pas un argument décisif, puisqu’un seul enfant non né est déjà un drame, il n’y a rien d’étonnant à voir le nombre des avortements augmenter sans cesse. En 2022 ce nombre a atteint plus de 240.000 – dont deux tiers d’avortements chirurgicaux. C’est l’Etat qui dicte le comportement « normal » des individus dans le choix entre vie et mort d’un enfant.
Mais il y a un autre aspect dramatique, une autre atteinte à la liberté personnelle. C’est en effet que les termes dans lesquels l’IVG serait introduite dans la Constitution sont très extrêmes. Ces termes prolongent le discours tenu par Emmanuel Macron lors de l’hommage qu’il a rendu à Gisèle Halimi, grande prêtresse du féminisme : il s’agit de reconnaître « l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse.” Le Président s’en est clairement expliqué : nul ne peut faire obstacle à la liberté de la femme d’avorter. Sont ainsi concernés :
- Les médecins et personnel de santé qui refuseraient de procéder à l’IVG en faisant appel à leur « clause de conscience » : tous les médecins et a fortiori tous les établissements médicaux seront donc fichés sur leur comportement
- Les pharmaciens qui ne délivreraient pas de médicaments abortifs (un tiers des IVG se pratique ainsi : IVG « médicamenteux » dit-on)
- Les cotisants de la Sécurité Sociale et les contribuables qui doivent payer tous les coûts de l’IVG évidemment pris en charge à 100% par la Sécurité Sociale (les formulaires papier ou numérique de demande d’IVG renvoient immédiatement à la caisse d’assurance maladie).
« En 2024, la liberté des femmes de recourir à l’IVG sera irréversible » : telle est le projet d’Emmanuel Macron. Il entend ainsi inscrire une nouvelle et belle page de l’histoire de cette République qu’il aime tant. Avec les philosophes humanistes, avec les juristes soucieux de justice et de droit naturel et, je crois, avec tous les libéraux[2], je dénonce le nouveau pas vers le totalitarisme. La reconquête des libertés se fera assurément par la disparition de la Constitution de la Vème république : plus les ennemis de la liberté la chargent, plus elle s’écroule.
[1] Cf l’article l’article publié le 31 octobre de la Cité Internationale de la langue Française.
[2] Les premiers à réagir ont été Chantal Delsol (Figaro) et les juristes amenés par Guillaume Drago signataires d’un texte texte