L’article est du 5 juin, il est signé par Johan Rivalland, auteur de nombreuses et stimulantes réflexions sur le libéralisme[1]. Voici son introduction :
« La réalisatrice Justine Triet s’est faite récemment remarquer à l’occasion de son discours de remerciements lors du Festival de Cannes 2023, alors qu’elle venait d’être récompensée par la Palme d’Or. Elle a jugé bon de s’en prendre – à la surprise de la Ministre de la Culture qui s’est dite estomaquée – au gouvernement « néolibéral » et à « la marchandisation de la culture- […] Il y aurait « un glissement lent vers l’idée qu’on doit penser à la rentabilité des films ».
Il y a bien de quoi être estomaqué, car s’il est un pays qui attribue à l’Etat la mission de gérer et financer la culture, c’est bien la France. Et Johan Rivalland de souligner « l’exception culturelle » que l’on croit chez nous « enviée dans le monde entier ». D’ailleurs la Ministre de la culture a reproché à Justine Triet son ingratitude, puisque l’Etat fait beaucoup pour le cinéma, et notre pays est un des rares à honorer la culture au point d’en faire une mission ministérielle et régalienne. Pas assez, suggère madame Triet quand elle déplore le manque de soutien financier aux « petites productions », ce qui suggèrerait que les subventions de l’Etat n’iraient qu’aux grands films. Mais que sont les grands films ?
C’est ici que le dialogue actrice-ministre prend un tour particulier : toutes deux ne veulent pas du marché des films. Et Johan Rivalland de poser la question : « en quoi la culture en particulier justifierait une telle exception en amoindrissant le pouvoir du marché en la matière ? » Obéissant à la loi de l’offre et de la demande le cinéma, et la culture de façon plus générale, associe la rentabilité d’un film, ou d’un tableau, ou d’une symphonie, ou d’un artiste à la satisfaction du public. Certes, le public peut avoir mauvais goût, mais les goûts ne se discutent pas. Toujours est-il qu’il y a une forte corrélation entre la culture subventionnée et le mauvais goût, parce que les subventions du « gouvernement néolibéral » sont accordées davantage en fonction du contenu politique voire idéologique du produit et du producteur. Johan Rivalland nous rappelle que toute intervention publique se mue en affaire politique. L’alibi des politiciens est le « bien mystérieux intérêt général ». La subvention des intermittents du spectacle, fruit d’un chantage éhonté, est une preuve parmi tant d’autres de la connivence entre classe politique et monde culturel.
Entre les mains de l’Etat la culture se dégrade. Or, l’importance de la culture pour une nation est déterminante, on l’a souligné à juste titre à propos de l’immigration : l’assimilation n’est pas possible quand les immigrés ne respectent pas les institutions et la culture du pays d’accueil. La culture ce n’est pas seulement l’art, c’est aussi la langue, les mœurs, les fêtes, le travail en commun. Conservateurs et libéraux sont bien d’accord sur cette conclusion.
[1] Voir en particulier sa série d’articles présentée dans Contrepoints le 24 avril 2014 L’enfer est pavé de bonnes intentions, dont le dernier épisode date du 8 juin dernier L’homme déconstruit. L’article de 2014 donne la liste de tous les articles publiés par Johan Rivalland, au demeurant lecteur fidèle de la nouvelle-lettre.com