Les déboires de notre Président en matière de réforme des retraites ne m’autorisent pas à le croire incapable de réformer. D’abord il n’a pas dit son dernier mot, et à ce jour il a toujours eu le dernier mot, comme l’exige la démocratie bien comprise. Ensuite parce son bilan en matière de réformes est remarquable, et conforme à son programme électoral de2017, reconduit en 2022. Il est vrai que ses principales réussites ont été dans le domaine que l’on appelle « sociétal » , domaine qui consiste pour le pouvoir politique de régenter la vie privée des gens. Qu’il s’agisse de la condition de la femme, de l’adoption des enfants par les couples de même genre, de l’avortement, du remboursement des FIV pour la PMA, de « l’école de la confiance » destinée à lutter contre les inégalités, et enfin et non le moindre, de la loi «donnant et garantissant le droit à une fin de vie libre et choisie » les réformes ont pu se faire sans difficulté : Emmanuel Macron, bien conseillé par ses proches (et en particulier Marlène Schiappa), a rempli son contrat, il a tenu ses promesses électorales.
Toutefois, quelques ajustements demeuraient nécessaires pour certaines réformes. La loi sur la fin de vie avait déjà représenté une avancée par rapport à la loi dite Claeyes-Léonetti, dont toutes les personnes directement concernées s’accommodaient à peu près. L’euthanasie active n’était pas admise. Dans cette avancée il y avait déjà des dispositions choquantes pour le corps médical et les soignants, comme le fait d’avoir à se déclarer publiquement opposé à l’euthanasie et le devoir d’indiquer au malade un praticien susceptible d’assister cette « fin de vie ».
Mais actuellement il est question d’aller plus loin et d’obliger purement et simplement les médecins à satisfaire toute demande de malades pour abréger leurs souffrances « physiques et psychologiques » quand ils les jugent « insupportables ». C’est donc ouvrir un vrai droit à l’assistance médicale à mourir. Mais le problème est le suivant : les médecins sont-ils obligés de respecter ce droit ? Nombreux sont ceux qui estiment qu’ils ont vocation à soigner, et pas à aider à mourir. Le serment d’Hippocrate conserve à leurs yeux tout son sens. C’est alors que se profile une réforme punitive : ceux qui refusent le droit positif et la loi peuvent être poursuivis.
Dans cette affaire , je trouve scandaleux la démarche présidentielle, et je me révolte à plusieurs titres :
- D’abord il s’agit une fois de plus d’une incursion dans la vie privée, et dans une profession libérale
- Ensuite punir des médecins c’est ignorer la clause de conscience que l’on admet dans beaucoup d’autres activités (comme par exemple le journalisme)
- Enfin et surtout c’est le procédé retenu par Emmanuel Macron : venez déjeuner à la maison, on en parlera.
A qui s’adresse l’invitation ? Qui ces invités représentent-ils ? Quelle onction démocratique ou scientifique ont-ils reçue ? Le Parlement actuel serait-il qualifié pour voter une telle loi ?
Je ne me fais guère d’illusion : comme nous l’avons constaté pour le covid il ne manque pas en France d’instances et de personnalités dont la réputation est un gage de clarté et de sagesse. Nous avons vu les résultats. Les alliés objectifs du Président et du laisser-aller évoqueront l’’évolution des mœurs (alors que ce sont les gouvernants qui changent les mœurs par décret.
Que des problèmes aussi fondamentaux que le passage de la vie à la mort soient réglés par une infime minorité à l’issue d’un repas sous les ors de la République me semble inadmissible, liberticide, arbitraire et despotique. Il est vrai que le jour est bien choisi, c’est le mercredi des Cendres. Il n’y a réellement plus de respect pour les valeurs morales et spirituelles, et on oublie que la liberté n’est pas un objectif, mais un chemin qui mène à la dignité de l’homme. La dignité de la mort de quelque être humain que ce soit dépend de lui seul, accompagné de ceux qu’il aime, de sa culture et de sa foi, l’Etat, le droit positif et la démocratie n‘ont rien à y voir.
Législation sur les transsexuels
La première a de quoi surprendre, elle concerne le rejet par le Parlement écossais d’un projet de loi concernant les transsexuels. Les Ecossais sont en très légère avance sur la France dans le domaine des « réformes sociétales » (Emmanuel Macron et Marlène Schiappa et les wokes s’y emploient cependant). A Edimbourg on a réfléchi aux conséquences peut être néfastes de la transsexualité, parce qu’un transsexuel, naguère de genre masculin et condamné
pour viol (de plusieurs femmes) prétend maintenant bénéficier de tous les droits dont jouissent les femmes, en particulier les emplois, subventions et privilèges reconnus par la législation écossaise actuelle. Nicola Sturgeon avait présenté un texte allant dans ce sens, mais les parlementaires l’ont rejeté. Elle aurait donc été contrariée par cet échec, puisque jusqu’à présent elle semblait assurée d’une large majorité dans la classe politique écossaise.
Lassée d’une carrière politique qu’elle avait commencée dès l’âge de 17 ans, elle serait donc désireuse de s’occuper enfin d’elle-même et de sa famille.
Cette première raison pourrait en France inspirer de très nombreuses démissions :
il vaudrait mieux avoir certaines personnalités à la retraite à la maison plutôt qu’à l’Elysée, à Matignon, ou au Parlement.
Les Ecossais ne sont pas Anglais
La deuxième raison nous paraît plus lourde de conséquences, parce qu’elle pose le problème de l’organisation du pouvoir politique, et le choix entre jacobinisme et subsidiarité.
Ce problème concerne au plus haut point ce que l’on appelle la « Grande Bretagne ». En effet les Ecossais ont été historiquement désireux de ne pas être gouvernés depuis Londres. Ils sont catholiques, les Anglais sont anglicans (un catholicisme dont le Pape serait le roi ou la reine). Au 17ème siècle la dynastie des Stuart a occupé le trône du Royaume Uni. Les Ecossais
sont en fait indépendantistes depuis l’origine (bretonne). Cela s’est traduit dans les votes intervenus au cours des dernières années, bien que les chiffres soient plutôt du 55 contre 45. Mais le Brexit, et ses conséquences à ce jour, ont renforcé le désir de rupture et les sondages actuels sont réellement en faveur des indépendantistes. Il semblerait qu’à quelques mois du succès de tous ses efforts Nicola Sturgeon ne se soit pas sentie en état de mener les négociations pour gérer la transition, mais aussi d’assurer la prospérité et
l’harmonie au sein d’un pays lui-même divisé.
Le Royaume désuni
C’est qu’en fait le Royaume Uni n’a jamais été durablement uni. Certes les « Britanniques »
se sont retrouvés côte à côte dans les moments difficiles de l’histoire, çà a été en particulier le cas au cours des deux guerres mondiales, et (un peu moins) dans le processus de décolonisation. De remarquables Premiers ministres
comme les Pitt, les Peel, Disraeli, Gladstone, Baldwin, Churchill, Thatcher ont
pu mener la « Grande Gretagne » au rang des premières puissances du monde. Mais les nations constitutives du Royaume Uni n’ont jamais rien perdu de leurs cultures. Ce qui se passe actuellement pour l’Ecosse s’est aussi passé (et avec le Brexit à nouveau) avec l’Irlande du Nord (ou du Sud). Il y aussi des indépendantistes chez les Gallois. Le tournoi de rugby a été à l’origine (1910) celui des cinq nations (avec la France).
En fait, et à la différence de la France qui s’est créée et développée par centralisation
du pouvoir, et dont le jacobinisme a été accentué par la Révolution, la « Grande Bretagne » n’a jamais fait le choix. Son évolution sera-t-elle comme celle de l’Europe, passée de l’Europe des nations à l’Europe de Bruxelles ?
Le choix libéral : subsidiarité verticale
C’est le moment de rappeler que la liberté des peuples est menacée par un Etat jacobin,
et que la liberté suppose un Etat minimal, dans tous les sens. Nous pensons d’abord à la la subsidiarité horizontale : l’Etat ne doit pas faire ce que la société civile peut réaliser sans recourir à la coercition, il n’est appelé qu’à titre subsidiaire.
Si l’usage de la coercition est nécessaire, l’Etat central n’intervient que si les pouvoirs locaux, aux différents échelons, n’a pu régler le problème : c’est la subsidiarité verticale.
La balance de la liberté penche du côté du fédéralisme : le pouvoir fédéral réduit au
minimum. Il est peut-être trompeur de parler de « domaine régalien » à propos de la police, de la justice et de la défense. Car le pouvoir nécessaire à l’exercice de ces trois missions peut être confié avec plus d’efficacité
au niveau local (police par exemple) ou au niveau interétatique (la défense).
Le « souverainisme » est donc une expression trompeuse, et peut légitimer le jacobinisme.
Ces concepts et ces choix sont plus actuels que jamais, car le pouvoir central s’est
renforcé dans la plupart des pays libres, à commence par les Etats Unis, où Washington a voulu imposer sa politique contre celle des Etats membres : sécurité sociale (échec d’Obama), avortement, drogue, éducation. L’Allemagne fédérale
a longtemps donné le bon exemple, mais seule la Suisse a su échapper à la
tendance de ces dernières années. En France la subsidiarité a connu ses derniers instants avec la Présidence actuelle. La monarchie présidentielle a atteint un sommet. Les libéraux s’emploient à la supprimer, ils y réussiront sans doute, et la servitude volontaire prendra fin.