Mercredi, par 267 voix contre 50 les sénateurs ont accepté que l’IVG soit désormais inscrite dans la Constitution. Cette large majorité était inattendue, mais de toutes façons la procédure pour déboucher sur cette « révision constitutionnelle » n’est pas arrivée à son terme.
J’ai écrit trois articles sur le sujet et je tiens à reproduire le dessin de Konk. C’est une démarche personnelle, elle ne prétend pas donner « le » point de vue libéral sur le sujet, mais je me fais un devoir de rappeler les arguments de ceux qui, comme moi et des millions de Français, sont révoltés par ce qui veut passer pour une grande réforme sociétale alors qu’il ne s’agit que d’une basse manœuvre politique.
Les arguments se situent dans trois domaines : institutionnel, juridique, éthique.
Domaine institutionnel : l’Etat ne respecte pas la vie privée
Une ligne rouge doit séparer le pouvoir politique et la société civile. Le pouvoir ne peut exercer sa contrainte que pour défendre les droits individuels C’est ce que l’article premier de la loi Veil exprime : La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. « Je le dis avec toute ma conviction : l’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue. Mais comment le tolérer sans qu’il perde ce caractère d’exception, sans que la société paraisse l’encourager ? » Belles paroles et bonne question de Simone Veil, mais le texte de la loi prévoit aussi que l’IVG est un droit absolu si elle intervient avant 10 semaines de grossesse, délai qui sera porté ensuite à 13 semaines, puis à 14 semaines. C’est dire que la vie de l’embryon est de moins en moins pris en considération, alors même que l’on affirme que la loi respecte l’embryon « dès le commencement de la vie ».
De mon point de vue, comme le disait Bastiat, notre pays fait trop de place à l’Etat et à la politique. La réforme libérale est de réduire la sphère de l’Etat et de respecter la liberté et la dignité de l’être humain. La vie privée d’une personne est de sa responsabilité.
Domaine juridique : la Constitution actuelle garantit le droit à l’IVG
Les avocats de la constitutionnalisation (ils appartiennent à LFI) ont voulu alerter l’opinion publique parce que l’avortement était menacé aux Etats Unis. C’est un mensonge : la Cour Fédérale a simplement rappelé que la question relève de la législation de chaque Etat, et ne pouvait pas imposer l’avortement dans les Etats qui l’interdisent ou voudraient l’interdire.
En France, la Constitution et les lois existantes reconnaissent le droit à l’IVG, aucun procès n’a été intenté aux acteurs des avortements réalisés à ce jour, qu’il s’agisse des mères porteuses ou de ceux qui les ont accompagnées. La dépénalisation des peines est effective depuis des années – mais on peut s’en réjouir ou s’en désoler suivant la réponse à la question centrale : est-ce un attentat à la vie d ’un être vivant ou non ?
Il faudrait aussi comprendre ce qu’est une Constitution, ce n’est pas un Code Pénal ; elle n’a pas pour but de consigner les textes votés par le Parlement, il est d’ailleurs curieux que le Parlement ait été saisi. Seul le Conseil Constitutionnel est en droit d’interpréter la Constitution, il a montré à ce jour qu’il s’occupe davantage des incidences politiques de ses décisions que de la philosophie du droit.
Domaine éthique : dignité des êtres humains
Que les partisans du tout IVG le veuillent ou non, il n’est pas possible de débattre de l’IVG sans se référer à l’éthique.
Il est vrai que l’IVG est maintenant banalisée, au point d’être considérée comme un moyen habituel de contrôle des naissances. C’est bien pour cela que ledit « planning familial » monte au créneau. Mais les témoins de l’IVG, médecins, psychologues et psychiatres sont formels : l’IVG, accidentelle ou fréquente, est dans la plupart des cas une souffrance immédiate et durable pour la femme concernée.
Bien au-delà de la morale (qui n’est que recensement des mœurs en pratique dans un espace et en un moment donnés) l’éthique est la recherche du bien, et le bien est ce qui épanouit et transcende la vie personnelle. Elle commande le respect de la vie, mais aussi la beauté de la maternité.
La vie de l’embryon est celle d’un enfant à naître, et dès la première minute de la conception. Evidemment le droit positif s’est mis en peine de déterminer une période de « viabilité ». Elle est évidemment arbitraire : elle a augmenté au fil des années, avec l’OMS nous en sommes maintenant à 20 semaines de grossesse. Mais les limites sont dépassées puisqu’il est déjà prévu des avortements au moment de la naissance, au cas où la mère connaîtrait de vraies difficultés « psychologiques ou sociales ». Il est à remarquer que ceux et celles qui acceptent de supprimer un enfant à naître sont les mêmes que ceux qui se battent pour protéger la vie des animaux !
Un autre aspect de l’éthique est l’interdiction de refuser le droit à l’IVG, et l’obligation pour tout le monde de ne mettre aucun obstacle à sa pratique, y compris pour les médecins. A juste titre nombreux ont été les contribuables à refuser de payer un impôt sur le revenu au prétexte qu’il va financer une IVG obligatoirement remboursée par la Sécurité Sociale parce que ramenée à un simple acte médical. Le fisc y a mis bon ordre !
Je crois enfin que la beauté de la naissance est oubliée, et par là-même la dignité de l’être humain. A la différence de toutes les autres espèces animales, l’homme et la femme ne s’unissent pas pour se reproduire, parce qu’il y un amour dans leur rencontre. C’est pourquoi le viol est à juste titre tenu comme indigne, inhumain, et l’Etat doit en effet assurer la sécurité de toutes les personnes. La naissance est le fruit de cette dignité humaine, et il me semble criminel de la ramener à une variable démographique, sociale, voire même familiale.
Conclusion : une propagande politique
Il y a pire encore dans le débat actuel : c’est faire du soi-disant droit absolu à l’IVG l’instrument d’une propagande idéologique en organisant et multipliant défilés, pétitions, images et discours dont les vrais objectifs sont politiques, et plus précisément électoraux. Derrière le vote du Parlement se profilent d’une part le vote du Congrès (à la majorité des trois cinquièmes des votants) et d’autre part l’hypothèse d’un referendum.
Emmanuel Macron a accéléré le processus de constitutionnalisation5 la date du 5 mars a déjà été arrêtée pour la réunion du Congrès à Versailles. . Peut-être voit-il dans le débat actuel deux avantages. Le premier est de faire oublier le discrédit et la perte de popularité qu’ont engendrés la révolte paysanne, l’annonce d’une possible intervention de soldats français en Ukraine, la demande de cessez- le- feu en Israël. Le deuxième est de distraire l’opinion publique jusqu’à l’ouverture des Jeux Olympiques, les élections européennes seront passées.
C’est au contraire la quête d’un referendum qui hante l’esprit des oppositions, pour confirmer leur pouvoir (Rassemblement National) ou pour démontrer qu’ils ont encore du pouvoir (NUPES). Mais, à supposer que le referendum soit en l’espèce conforme à la Constitution, le referendum est un véritable défi à la démocratie : la majorité d’un peuple ne peut décider de la vie ou de la mort de centaines de milliers d’enfants à naître.
Personnellement, ce qui s’est amorcé avec le vote des sénateurs m’inspire dégoût et révolte : la voie du totalitarisme est ouverte.