Voilà que la guerre est ouverte contre les trafiquants de drogue. Une opération de vide XXL a démarré depuis quelques heures, et le Président s’est fait un devoir non seulement d’aller à Marseille, réputée Narcoville[1]mais aussi d’aller rencontrer les habitants de la Cité Castellane, haut lieu du commerce de la drogue, un lieu qu’habituellement la police ne peut pénétrer : zone de non droit.
Incontestablement le pouvoir en place prend conscience de la nouvelle dimension prise par les trafiquants marseillais : de grands chefs d’entreprise en liaison avec les réseaux mondiaux et organisant la diffusion de leur poison dans de nombreuses villes françaises loin de Marseille : Dijon, Nantes, Rennes, etc. Cette découverte est due à la déposition de magistrats marseillais devant une Commission du Sénat, qui ont décrit non seulement l’étendue des dégâts mais aussi l’impossibilité pour la justice et la police de faire quoi que ce soit d’efficace.
Il faut que çà cesse : tel est le premier message de la visite, qui s’est enrichie de personnalités de poids : le Garde des Sceaux et le Ministre de l’Intérieur. Comment cela peut-il cesser ? Question déjà plus gênante, en dépit de l’arrestation d’un des grands leaders du commerce marseillais arrêté au Maroc. Reste à savoir si la disparition d’un chef ou d’un réseau ne fait pas l’affaire d’un autre chef (nouveau ou pas) et d’un autre réseau (Jacques Garello soutient à juste titre que la solution n’est pas du côté de l’offre, mais de la demande, c’est-à-dire des drogués : pourquoi le besoin de drogue ? Les faits confirment cette approche : le commerce de la drogue a désormais pour main d’œuvre des enfants de plus en plus nombreux et de plus en plus jeunes, ce sont donc bien les éducateurs, à l’école ou à la maison, qui ont abandonné la partie.
La rencontre avec les habitants de la Castellane a malgré tout surpris le Président lui-même parce qu’il a été questionné et sermonné sans arrêt sur les questions internationales. De véritables discours ont fait la leçon au Président : pourquoi les crimes israéliens dans la bande de Gaza, pourquoi aller se battre en Ukraine ? Emmanuel Macron a répondu sans convaincre. Il avait du mal à parler de Gaza puisqu’il avait rencontré le CRIF la veille à l’occasion du 80ème anniversaire de l’organisation juive. Quant à la guerre en Ukraine il a dénoncé les crimes de Poutine et son agressivité croissante, mais les dames de la Castellane, fort éloquentes et sans doute bien entraînées, ne semblent pas se sentir menacées par la Russie. Voilà un message inattendu, indécent, mais à prendre en compte.
Le troisième message est celui qu’Emmanuel macron portait lui-même. A quelques semaines des élections européennes, il tenait à affirmer que son gouvernement faisait tout pour régler ce qui ne va pas bien en France aujourd’hui. Il a été d’ailleurs interpellé sur la débâcle et l’abandon des services publics. Mais les priorités sont celles de la sécurité, de l’immigration, du logement social : les cités de Marseille ne sont-elles pas les plus concernées, avec celles de la région parisienne ? Que la république soit présente dans ces zones chaudes permet de rassurer tous les Français sans exception : il n’y aura pas de guerre civile. Il n’est pas sûr que ce message ait été bien reçu : reste un doute.
Enfin et non le moindre, la majorité actuelle doit occuper le terrain médiatique. Il faut communiquer pour démontrer qu’on existe toujours, et qu’on attend avec sérénité le vote du 9 juin, à mi-mandat. On occupera le terrain avec d’autres visites, d’autres rencontres, d’autres discours, sur d’autres sujets.
[1] Cf. l’article de Jacques Garello 9 mars 2024 Analyse économique de la drogue la solution n’est pas du côté de l’offre mais de la demande