Se sont-ils endormis pendant un discours trop long, trop abstrait, trop incohérent ? Toujours est-il que je trouve les commentateurs très indulgents pour le Président Macron. Peut-être la solennité de l’amphithéâtre de la Sorbonne les a-t-elle impressionnés ?
J’ai fait consciencieusement mon travail d’exégète et j’ai relevé au moins trois grandes erreurs ; en choisissant l’Europe de la puissance Macron écarte définitivement l’Europe de l’espace, en imaginant une prospérité à base de souveraineté, Macron verse dans le souverainisme protectionniste, en faisant référence à l’humanisme Macron est un grand menteur.
L’Europe de la puissance : persévérer dans l’erreur
Il n’y a aucun changement à ce qu’il disait il y a sept ans dans un discours qualifié alors d’historique : on allait voir ce qu’on allait voir avec ce jeune Président qui avait choisi le Louvre pour ouvrir son quinquennat, aux sons de l’hymne européen de la Joie de Beethoven.
Emmanuel Macron veut d’abord démontrer que l’Europe a évolué, grâce aux pulsions de la France bien sûr. Ce qui fait la différence depuis sept ans est que maintenant l’Europe sait engager des politiques européennes. Alors que l’Europe avait été divisée et peu souveraine (c‘est à dire tributaire des Etats Unis) à l’occasion de la crise financière de 2008, la voici maintenant unie et souveraine. Voilà qui explique d’une part la gestion extraordinaire du Covid avec un vaccin européen, des masques européens, d’autre part le blocage des hydrocarbures russes pour faire entendre raison au Kremlin.
Il est grand temps de viser l’horizon 2030, et de donner à l’Europe les politiques de sa puissance. L’Europe doit se donner une défense efficace et élargie à l’espace. La France dispose de l’arme nucléaire et on doit amorcer la création d’une armée européenne. Il faut former des cadres, on créera une académie militaire européenne. Il faut des armes et des munitions, donc développer une économie de guerre en veillant à ce que tout soit normalisé alors que c’est le désordre le plus complet. L’Europe est aussi appelée à rétablir l’ordre dans les pays : l’Etat est responsable des libertés individuelles. Europe supranationale ? Non pas, des relations de coopération entre Etats, comme peuvent se comporter les copropriétaires d’un immeuble.
La cohérence de ces diverses propositions est assez relative. On comprend que finalement la véritable Europe repose sur le couple franco-allemand, et la dynamique est à Paris plutôt qu’à Berlin. Emmanuel Macron fait comme si les 27 pays membres de l’Union étaient d’accord pour s’unir autour de politiques communes, y compris de politiques budgétaires et monétaires communes.
La prospérité fondée sur la souveraineté
Pour l’économie les choses sont bien plus simples : c’est le retour au protectionnisme qui porte désormais le joli nom de souveraineté et qui assure la “prospérité “. Car aujourd’hui l’Europe est encerclée. D’un côté les Américains, de l’autre les Chinois : ce sont des concurrents déloyaux, et dans ce système l’Europe ne peut assurer sa survie. On peut prendre l’exemple de la souveraineté alimentaire : pourquoi importer des produits alors que l’Europe offre la quantité et la qualité nécessaires ? Les concurrents jouent sur le niveau des prix, et attirent ainsi les consommateurs européens. Mais les prix dont bas parce que les normes sont plus laxistes qu’en Europe : normes d’hygiène et santé mais de plus en plus normes écologiques. La politique de décarbonation qu’a lancée l’Europe n’est pas respectée à l’étranger.
Il faut renforcer le contrôle des importations aux frontières de l’Europe ; Mais quelles sont les vraies frontières ? Elles ne sont pas géographiques, bien que la Moldavie et l’Ukraine soient européennes. Elles sont politiques : l’Europe est là où s’applique le principe de la « communauté politique européenne » fondée à Versailles en mars 2022. Reste à convaincre des pays de l’Union qui ne sont membres de l’euroland, ni disposés à suivre les innovations de Paris. Emmanuel Macron soutient que l’Europe ne peut survivre si elle n’organise pas ses accès aux métaux rares, aux techniques de pointe, à l’intelligence artificielle, s’il n’y a pas circulation des électrons décarbonés. Cela implique des relations nouvelles avec l’Afrique et l’Amérique Latine. La prospérité ne peut être réservée à une minorité. La justice exige l’égalité. Voilà pourquoi la France va accompagner le Brésil qui préside le G 20 cette année pour taxer les millionnaires du monde entier. La fiscalité redistributive soit être installée en Europe, et les taux d’impôts sur les sociétés doivent respecter un minimum européen. Enfin, et c’est la fierté de l’Europe, nous sommes le seul continent à planifier le green deal, la transition écologique qui permet de sauver la nature, les arbres, la diversité biologique. La nature a plus de droits que l’homme. Il va de soi que l’Europe de la planification écologique est le monopôle de la France, mais l’intérêt de l’Europe n’est-il pas le même que celui de la France ? Source de prospérité l’Europe va permettre d’éliminer le chômage, il n’y a aucune opposition entre croissance et écologie.
La démocratie libérale permet de sauver l’humanisme
C’est la partie la plus surprenante du discours d’Emmanuel Macron, et les libéraux ont dû s’étonner en entendant le Président donner à l’Europe une vocation humaniste. Voilà que l’humanisme prend le pas sur les « valeurs de la République » qui sont de mise dans tous les discours français.
Emmanuel Macron estime que ce qui est le plus important pour l’Europe du futur c’est le capital humain (de quoi satisfaire Gary Becker), et que les règles du jeu social doivent être respectées de tous (de quoi faire plaisir à Hayek). Or, la jeunesse est actuellement gaspillée, il faut l’arracher à l’addiction de l’écran.
Même si l’Europe a récemment gagné dans le combat pour la culture (« victoire gramcienne » dit Macron) les enfants se gaspillent en passant des heures sur leurs smartphones et devant la télévision. Les messages anonymes sur les réseaux sociaux sont véhicules de la haine, de la violence, de l’irresponsabilité. Ils vont jusqu’au harcèlement pornographique et atteignent les fondements de la vie privée. La publicité et les modérateurs s’expriment en un mauvais anglais. Tout cela travaille contre l’humanisme. Il serait donc nécessaire de mettre en place une « minorité numérique » fixée à l’âge de 15 ans.
A la différence des pays anglo-saxons qui laissent les individus former leur propre personnalité l’Europe a choisi l’Etat pour veiller à l’éducation de la jeunesse. L’école assure ainsi l’unité de la nation. L’humanisme c’est aussi la prise en compte de trois générations car les erreurs et les dégâts causés actuellement par des politiques sans respect de la nature, qui épuisent des ressources naturelles non renouvelables, vont être portés par les petits enfants.
Ces dernières considérations permettent à Emmanuel Macron de reprendre quelques thèmes chers à la gauche et aux écologistes radicaux. Fort heureusement Emmanuel Macron termine son allocution en rappelant que la France donne l’exemple à l’Europe en inscrivant l’IVG dans sa constitution, pour garantir les droits de la femme. En effet l’avortement est une pièce maîtresse de l’humanisme. Nous avons aussi appris au passage que nous vivions actuellement, notamment en France, dans un régime de démocratie libérale – ce qui est un cadeau qui nous est offert rarement par la classe politique qui a plutôt tendance à mettre en cause le néo-libéralisme ou l’ultra-libéralisme. Mais la communication mise en œuvre à l’Elysée et dans la majorité a une préférence pour les mensonges.
Une idée chère à Emmanuel Macron est que pour se préparer à un futur inconnu, à un monde en mutation, pour « changer de paradigme », la bonne méthode consiste à multiplier les promesses, quitte à ne pas les respecter ensuite. Ici enfin Emmanuel Macron dit la vérité.
Conclusion : rien à voir avec les élections
Je ne sais pas pourquoi j’ai poussé le goût de l’analyse et le devoir scientifique jusqu’à vous ennuyer avec le contenu de ce discours, car il est évident que le propos du président de la république n’était pas destiné à rêver debout sur l’Europe, sa puissance, sa prospérité et son humanisme, mais à donner un coup de pouce à la liste de sa majorité qui a beaucoup de mal à trouver des électeurs. Les jours et les mois prochains offriront d’autres occasions pour des millions de Français d’écouter le Président, le premier ministre, les ministres. Tous les anniversaires, tous les décès, routes les manifestations sportives seront prétextes à attaquer le Rassemblement National – qui n’en demandait pas tant. Jordan Bardella a fait volontairement des élections du 4 juin une consultation nationale, Emmanuel Macron a élevé le débat au niveau de l’Europe. Au passage on aura vérifié que ce que nous disent les membres du gouvernement et les candidats de la majorité reprend au détail près ce que dit le Président de tous les Français. C’est bien de la démocratie libérale et humaniste.
Merci Monsieur GARELLO, mais pourquoi passer tant de temps à écouter des phrases creuses et des idées farfelues pour un Président. Je regrette que le mandat soirt de 5 ans renouvelable. Une seule fois était suffisante pour constater l’incompétence à répondre aux préoccupations du peuple. Mais le peuple a -t-il droit à l’expression? Peut-être, mais rien n’est plus sourd que celui qui se croit supérieur aux veaux que nous sommes. Vivement 2027 et le vrai changement. Merci pour le temps passé à faiire cette analyse… mais je n’écoute plus le président depuis longtemps, mieux vaut un bon livre.