D’après la doctrine libérale il y a de quoi applaudir à la comparution de Donald Trump devant la justice de l’Etat de New York, il y a aussi de quoi se scandaliser.
Si les Français s’intéressent à ce point à l’affaire Trump, c’est peut-être parce qu’elle a un rapport avec une affaire de sexe, mais c’est surtout parce que faire juger un Président est une chose qui ne se produit que rarement en France.
En réalité, ce n’est pas pour avoir trompé sa femme que Donald Trump est poursuivi, c’est pour avoir acheté le silence de la dame avec l’argent de sa campagne électorale, et les comptes de la campagne doivent être rigoureusement vérifiés, jusqu’à provoquer l’annulation d’une élection. C’est en quoi on peut dire que les Etats Unis sont un pays libre, puisque l’état de droit est respecté. La signification de l’état de droit ne signifie pas qu’on doive respecter la loi – il a existé et il existe des millions de lois scélérates et liberticides dans l’histoire du monde. L’état de droit dignifie que toutes les personnes sont égales devant une loi légitime et devant un juge : il n’y a pas de loi particulière, de loi privée, de privilège. Nul ne peut être au-dessus des lois, et pas même le Président des Etats Unis. D’ailleurs Trump n’est pas le premier à comparaître. Après le Watergate Nixon, pourtant très bien réélu, a dû démissionner, et Andrew Johnson (1868) Bill Clinton (1998, pour le Monicagate) et déjà Donald Trump en 2019 ont eu maille à partir avec la justice.
Voilà une jurisprudence qui tranche avec une sorte d’immunité présidentielle voire ministérielle assez pratiquée en France. Héroïquement François Bayrou avait fait adopter une loi sur la moralisation de la vie politique (qui avait au passage le mérite de blanchir toutes les affaires antérieures) mais il a été l’une des rares victimes de sa loi, obligé de démissionner quelques semaines plus tard. Il semblerait cependant qu’on soit plus indulgent en France pour les fautes commises par les hommes politiques, y compris les Présidents de toutes les Républiques, que dans d’autres pays (en général anglo-saxons) où une seule rumeur conduit un ministre ou un parlementaire à démissionner. Donc, dans l’affaire Trump, l’état de droit est respecté, c’est un signe de liberté publique.
Il y a un deuxième point à souligner, mais il est plus difficile de le traiter : c’est l’indépendance des magistrats. Ici l’écart avec les mœurs françaises, et en particulier avec les dispositions de la Constitution de la 5ème République. Chez nous les magistrats non seulement sont des fonctionnaires (ce qui est rarement le cas ailleurs) mais surtout des fonctionnaires sous l’autorité directe du pouvoir exécutif, et du Président lui-même. Aux Etats Unis comme dans la plupart des pays les magistrats jouissent d’une grande indépendance. Les crimes sont en général jugés par des jurys et les juges sont choisis par élection ou par nomination d’autorités locales (aux USA cela dépend des Etats), ou exercent une profession libérale (comme en Angleterre).
Mais c’est aussi une arme à double tranchant parce que pour avoir une meilleure carrière (à l’intérieur de ce qu’on appelle un « circuit » aux Etats Unis) il va y avoir rapprochement des magistrats et de la classe politique. C’est évidemment ce qui est très choquant avec le brave juge Brugg, celui qui a instruit l’accusation contre Trump. Il s’agit d’un gauchiste raciste, qui en sa qualité de premier juge noir de Manhattan se fait un devoir moral de libérer les prisonniers qui lui conviennent et de faire une chasse particulière aux coupables d’infractions financières. Il est dans la lignée du Syndicat de la Magistrature en France, même s’il n’a pas étudié à l’Ecole Nationale de la Magistrature à Bordeaux. Le juge Brugg est une pièce maitresse du parti Démocrate pour faire exploser le parti Républicain. Il est d’une violence et d’une mauvaise foi ahurissantes.
Un autre aspect de la société américaine contemporaine est l’excès de judiciarisation » Les juristes (lawyers) américains, sont autorisés à démarcher une clientèle – ce qui est heureusement interdit en France pour des affaires pénales. Ils font donc assaut auprès de gens assez peu compétents pour les persuader qu’ils peuvent demander réparation pour tel ou tel dommage, à l’occasion d’un accident ou, plus fréquemment encore, d’une opération de santé. Cela va de l’extraction d’une dent jusqu’à une chirurgie cardiaque. Toujours est-il que cela explique le coût prohibitif de certaines interventions médicales, car les médecins sont obligés de s’assurer contre le risque judiciaire qu’ils encourent. Voilà une tare assez lourde dans le système américain.
La conclusion, c’est que dans une société de liberté, le personnage du juge est central. Il est là pour permettre le respect des personnes et des biens. Il est vrai que beaucoup de litiges entre particuliers, notamment dans le monde des affaires, se règlent par arbitrage, l’arbitre est souvent choisi dès la conclusion d’un contrat. Et il est surtout vrai que la liberté ne peut fonctionner sans honnêteté et sans dignité. La liberté exige la civilisation. Affaire d’éducation et de mœurs.