Le site Contrepoints est sans doute l’un des plus libéraux qu’on puisse consulter en France. Ce quotidien s’appelle lui-même « Journal libéral ». Le journal du 20 mars contient entre autres quatre articles sur la réforme des retraites.
A la une est l’article de Jacques Garello, il est repris à quelques détails près dans La Nouvelle Lettre parue hier. Mais le plus remarquable est que trois autres articles s’ajoutent ensuite, tous complémentaires et cohérents, créant ainsi un véritable et remarquable dossier. Cela signifie qu’il existe bien une approche libérale. Désormais on sait pourquoi la réforme Macron a échoué mais, ce qui est plus important, on sait comment il faudra réformer tôt ou tard, quand la raison aura repris sa revanche sur les ignorances et les mensonges entretenus par la classe politique, syndicale et médiatique. Certes il y a bien d’autres réformes structurelles en rade, comme la santé publique, l’immigration, le logement social, la justice et la police, et tant d’autres2. Mais la réforme des retraites est d’autant plus facile à concevoir que sa technique a été éprouvée avec succès dans la quasi-totalité des pays dits libres3. Mais entre la conception et le courage des élus du peuple, il y a un vide abyssal.
Michel de Rougement : Une classe politique ignorante
L’article a pour titre « Retraites : une France borgne qui se met le doigt dans l’œil qui lui reste ». L’auteur rappelle que l’état de la discussion sur les retraites est le même que celui où il a été ouvert par François Mitterrand qui fixe l’âge de la retraite à 20 ans. Nous venons donc d’assister à « trois mois de non-débat sur les retraites » qui n’ont pas orienté la réforme vers la capitalisation. « Mais dans cette grande nation, capital est un vilain mot, allez savoir pourquoi. »
Mais, en même temps, les trois grandes tendances politiques n’ont pas été à la hauteur.
« Méchants animateurs d’un désordre permanent, les néo-marxistes de la dernière pluie, rassemblés sous une ombrelle arc-en-ciel trouée, démontrent une fois de plus leur inappétence pour la réalité. Leurs acolytes de l’autre aile ne sont pas plus capables de formuler une politique au-delà de leitmotivs utiles pour pour jouer à l’opposition mais inadéquats pour se transformer en action responsable. Au milieu de tout ça, on se dépatouille entre éléments de langage mode écolo et Master of Business Administration, en querelles de sous-chefs et en gérant des crises bienvenues car elles évitent de devoir faire un boulot ennuyeux consistant à laisser vivre le pays sans l’emmerder.»
Cette analyse est confirmée par Patrick Aulnas, auteur de l’article suivant : « Plus de quarante ans plus tard une majorité de Français croit encore qu’il est possible de respecter peu ou prou l’absurde réforme de Mitterrand […] De l’extrême droite à l’extrême gauche, en passant par les socialistes, les écologistes et une partie des Républicains, la classe politique se range derrière la foule vociférante. La majorité elle-même se permet des hésitations et quelques députés macronistes votent contre la réforme de 2023 ou s’abstiennent.
Patrick Aulnas : La France médiatique est hors du réel
La fuite hors du réel s’est poursuivie dans le discours politique, mais dans son article « Retraites : la folie médiatique » l’auteur va insister aussi sur le comportement des médias, qui ont empoisonné la foule avec leurs exagérations.
« Les médias ne sont pas en reste. Il n’est question que des manifestants et des violences urbaines. 80 % du pays n’est pas concerné par cette agitation. Là où je vis, le calme règne et a toujours régné. Mais la France médiatique se réduit presque à cette détestable ville qui s’appelle Paris. Si Paris s’agite, c’est la France qui est en ébullition. Eh bien non ! La France est très calme dans son ensemble et tous ceux, fort nombreux, qui travaillent dans des petites entreprises n’ont pas fait grève et n’ont jamais manifesté. Les excités viennent surtout du secteur public ou parapublic.
Pourtant, Le Monde titre sur cinq colonnes le 18 mars : « Le recours au 49.3 accentue la crise politique ». Le Figaro s’y met également : « La France sous tension ; la majorité dans la tourmente ». Les chaînes d’information en continu consacrent leurs soirées à l’agitation urbaine. Les images de saccages sont vendeuses. Il faut signaler la remarquable exception de LCI, qui depuis le 24 février 2022 réserve toutes ses soirées à la guerre en Ukraine. Bravo LCI. La France politique est donc à peu près réduite par les médias à quelques dizaines de milliers de zozos qui brandissent des pancartes et hurlent des slogans éculés. Il y a 48 millions d’électeurs en France qui se sont exprimés à quatre reprises en 2022, ou pouvaient le faire. C’est cela la démocratie. »
Frédéric Mas : l’autoritarisme de la Vème République
L’article de Frédéric Mas a pour titre «
Si l’on peut « s’indigner du corporatisme à front de taureau blanquiste qui interdit toute réforme dans un pays pris dans une spirale de déclin et de violence » il ne faut pas manquer le point essentiel : « Le style autoritaire du gouvernement a transformé la question des retraites en référendum anti-Macron, référendum qui est en train d’enrayer la machine politique élyséenne pour de bon. La verticalité macronienne tant célébrée par la classe médiatique en 2017 est en train de se retourner en splendide isolement de l’exécutif en 2023. »
L’autoritarisme est au cœur de la Constitution de la Vème République : la méthode macronienne consiste à jouer sur cet autoritarisme « pour cornériser sa dimension parlementaire et démocratique, et on remplace le débat public par de la communication technocratique ».
Ainsi finissent par s’opposer légalité et légitimité : « Juridiquement, il n’y a rien à dire, les formes du droit ont été respectées. Politiquement, la Macronie a réussi le tour de force lamentable de requinquer la gauche mouvementiste, dissoudre la droite modérée et provoquer l’effondrement de la cote de popularité de son président dans les sondages, qui est aussi son seul argument de vente. »
Et voici le diagnostic très lucide de Frédéric Mas : Si l’écart se creuse encore entre le peuple et l’exécutif, ce dernier aura beau avoir les formes du droit pour lui, et son gouvernement échapper de peu à la motion de censure, il sera impuissant à agir. La classe politique ne suivra pas un gouvernement condamné et la légalité ne peut pas se substituer aux tensions réellement existantes au sein du corps social. »
1 Réforme des retraites : ce qui a sonné faux
2 On peut se référer au chapitre 5 de l’ouvrage de Jacques Garello Le vaccin Libéral : contre le despotisme, contre le populisme, IDG éd. février 2022
3 Cf Jacques Garello& Georges Lane Futur des retraites et Retraites du Futur : la Transition Librairie de l’Université Aix en Provence éd. Mai 2009