Hier, et durant quatre heures, Vladimir Poutine a adressé un message aux participants du G20 réunis en Inde. Il ne participe pas physiquement à ce G20 puisqu’il est sous le coup d’une condamnation de la Cour Pénale Internationale (CPI). Mais son discours a tenu compte des interlocuteurs : il a parlé en économiste soucieux de l’état des relations internationales actuelles, mais aussi en sauveur de l’humanité.
Voici d’abord la leçon d’économie : l’Occident, et principalement les Etats Unis, fausse la mondialisation et exclut les pays du Sud, notamment les pays du Brics, pays pauvres et émergents où vit plus de la moitié de la population mondiale.
L’accusation de l’Occident est très documentée par Poutine. D’une part la politique monétaire a créé l’inflation : les banques centrales ont augmenté les taux d’intérêt pour fabriquer de la fausse monnaie, les Occidentaux ont ainsi diminué le pouvoir d’achat et la hausse des prix a été plus durement ressenti dans les populations pauvres. D’autre part les pays d’Occident se sont lancés dans de grandes campagnes écologiques mais ils s’en sont servis comme des armes protectionnistes : les normes écologiques très élevées ont interdit aux pays pauvres d’exporter vers les pays riches.
Cette accusation est très classique. Elle fait partie de l’arsenal idéologique du marxisme, et précisément de la théorie de l’impérialisme affinée par Lénin et Rosa Luxembourg : si le Sud est pauvre c’est parce que le Nord exploite le Sud. Le commerce mondial serait le véhicule de l’impérialisme : les pays riches importent à bas prix les produits du Sud, ce qui permet de maintenir le pouvoir d’achat des salariés (donc la lutte des classes est neutralisée), et ils exportent à haut prix leurs produits donc privent le Sud des bienfaits de la croissance. Cette soupe n’a essé d’’être servie dans diverses versions depuis plus d’un siècle : avec la « dégradation des termes de l’échange » dans les années 1950 (Prebish, Singer,Myrdall) avec le développement durable et le pillage des ressources naturelles (1991, Rio de Janeiro) avec le réchauffement climatique dû à l’activité économique (GIEC et écologistes d’Al Gore actuellement). Il faut reconnnaître aussi que les Américains ont rejoint quelques thèmes marxistes en lançant une campagne en faveur de la décolonisation dans les années 1950 (avec Foster Dulles en particulier).
Fort heureusement, dit Poutine, l’économie russe est capable de réanimer le commerce mondial. Les performances sont remarquables, la Russie peut investir, et surtout commercer avec les pays émergents : on peut s’entendre entre pays victimes de la « mentalité coloniale ». Généreusement Poutine tend la main à l’Ukraine : elle ne saurait vivre toute seule, elle a besoin de l’aide de ses voisins !
Cette générosité et ce retour à un ordre économique mondial nouveau s’accompagne aussi d’un nécessaire retour à la morale. Car là aussi l’Occident a failli. La « famille traditionnelle » n’existe plus, les parents ne sont plus respectés. Ici la Russie est en mesure d’aider à une renaissance spirituelle. Le discours de Poutine se fait alors messianique : la Russie est le plus grand pays du monde, les Russes sont présents partout dans le monde, les Européens se sont stupidement coupés de la Russie « ils ont dressé un nouveau rideau de fer », ils payent cher leur allégeance aux Etats Unis. Quant aux Américains eux-mêmes ils sont très perturbés par la campagne électorale qui est en cours.
Parmi les commentaires que j’ai retenus, j’ai celui qui fait de Poutine « le Hitler d’aujourd’hui, car dans les années 1939 Hitler aussi donnait le Reich en exemple au monde entier : le messianisme paie toujours. Un autre commentaire soulignait que les jeunes aiment ce langage parce qu’ils ne connaissent ni ne comprennent le monde contemporain et ils ont besoin de se projeter dans une utopie, fût-elle mortelle. Enfin un troisième commentaire rappelait le succès permanent de la « troisième voie » : ni Poutine ni Biden, ni la Russie ni l’Amérique ; ni le communisme ni le capitalisme, le gaullisme a été volonté d’une troisième voie guidée par la France.
Evidemment les libéraux français doivent démonter ces idéologies et démontrer que la liberté a été la clé du progrès économique de l’humanité mais qu’elle esige la responsabilité et la dignité des êtres humains. La liberté est exigence, ce n’est pas un don de Poutine, ni même de Dieu : elle se mérite.