Mon dernier ouvrage « Le vaccin Libéral »[1] porte pour sous-titres : Contre le despotisme, Contre le populisme. Le despotisme nous savons ce qu’il est puisque nous le subissons depuis des décennies. Mais comment définir le populisme ? Un de mes collègues italiens doté d’un bon sens de l’humour propose : le populisme c’est la politique de l’autre. Il est vrai que traiter un parti ou une personne de « populiste » c’est habituellement le discréditer aux yeux de tout le monde, du moins des personnes bien pensantes.
Cependant le résultat des élections en Hollande, en Hongrie, voire en Italie ou en Pologne, a fait éclater un tonnerre dans le ciel politique européen. L’Europe serait-elle d’ores et déjà promise au populisme ? Il est vrai que l’immigration est un sujet brûlant, qui concerne nombre de pays, dont la France bien sûr, mais aussi l’Espagne, la Finlande, la Suède, le Danemark, la Suède, la Hongrie. Le populisme se ramènerait ainsi à la fermeture des frontières aux migrants et à l’expulsion des sans-papiers. Le populisme se situerait à l’extrême droite du spectre politique, et aurait des relents de nazisme ou de fascisme. Je remarque qu’on ne taxe jamais d’extrême gauche les nostalgiques de Lénine, Staline, Pol Pot et les amis de Poutine. Il y a une extrême qui est plus extrême que l’autre, et la gauche prétend faire la leçon à la droite.
Mais on ne peut pas imaginer que des millions d’Européens votent pour les populistes uniquement par peur de l’immigration massive. Il y a aussi à prendre en compte deux révoltes et deux illusions.
Deux révoltes
La première est contre la classe politique. Il y a bien sûr ceux qui n’aiment pas la démocratie. Mais plus fondamentalement il y a tous ceux qui sont mécontents de la présomption et de l’impuissance des gens au pouvoir. Dans certains pays rien n’a changé depuis des décennies, et tout ce que font les hommes de l’Etat est en faillite : la sécurité, la police, la justice, le logement, les services publics aussi importants que le transport, l’énergie. Au prétexte de pragmatisme, ou de Covid, on est allé d’improvisations en planifications, aussi démagogiques les unes que les autres.
La deuxième est contre Bruxelles. Le dirigisme de la Commission, le nombre inimaginable de directives et de décrets dont elle inonde les pays membres, l’harmonisation forcée de la fiscalité, des normes deviennent insupportable. L’Europe n’est plus l’Europe de la diversité, stimulante et enrichissante, c’est l’Europe des Etats et finalement c’est un Etat sans contrôle parlementaire possible, c’est un pouvoir non seulement absolu, mais totalitaire. L’identité nationale a été niée, et il est naturel que nombre de citoyens rêvent de Brexit, de Hollandexit, de France.
Deux illusions
La première illusion est de pousser le souverainisme jusqu’à l’illusionnisme. En réalité aucune nation au monde ne peut survivre avec ses propres ressources. Peut-être les Etats Unis ont-ils acquis une indépendance énergétique avec les gaz de schiste, mais l’industrie américaine a besoin de composants pour soutenir sa production. En ce sens le pari de Trump est d’ores et déjà perdu[2]. La France en particulier n’a aucune indépendance dans aucun secteur d’activité, si ce n’est évidemment le tourisme Mais les Français ne peuvent s’alimenter avec leurs fruits et leurs légumes, ni avec leur viande et la production de blé n’est pas toujours suffisante. Enfin, dans un produit industriel quelconque il y a une multitude de pièces étrangères. L’automobile est ici un exemple significatif[3]. Contrairement à ce que présentaient les physiocrates la terre n’est pas la seule source de richesses, et la propriété foncière ne sert pas une rente aux propriétaires fonciers. L’économie est devenue de moins en moins « géonomique » elle dépend de moins en moins de la localisation géographique, et le grand progrès a consisté à ouvrir bien larges les frontières[4] ; La thèse de l’exploitation du Nord par le Sud, présentée sous diverses formes, n’est que copie conforme de la thèse de l’impérialisme de Rosa Luxembourg et Lénine[5]. Le protectionnisme a toujours été populaire…c’est ce qui permet aux nationaux de demander des aides à l’Etat, comme Bastiat l’illustrait avec « la pétition des marchands de chandelles »
La deuxième illusion est politique. Les populistes veulent « renverser la table », expression très imagée : on va tout changer, plus rien ne restera de ce qui existe. Voilà pourquoi, de bonne foi, beaucoup de populistes (déclarés ou implicites) se disent partisans d’un « coup d’Etat »[6] .
A son tour le coup d’Etat peut avoir deux sens.
D’une part certains prennent argument du fait que l’histoire de la France a toujours été écrite par l’Etat (ce sui est exact), donc seul l’Etat peut tout réformer. Compte tenu des grandes révolutions réalisées par l’Etat, depuis la Grande révolution de 1789 jusqu’à la Révolution Nationale des Pétainistes on peut être sceptique sur les résultats : elles ont toutes débouché sur des Robespierre, Napoléon, Laval.[7] Mais on pense au coup d’Etat classique : les forces armées, ou la police et la justice miraculeusement efficaces sont capables d’expulser tous les sans- papiers (ce qui n’est pas le plus difficile, les Américains le font), mais aussi de rétablir l’ordre dans les zones de non droit, et d’obliger les occupants à travailler en supprimant les aides sociales autres que vitales.
L’autre coup d’Etat est révolutionnaire, il implique que tout le système politique, économique est à changer. Il y a donc un populisme anticapitaliste, anti-mondialiste, ce qui existe le succès du populisme dans des circonscriptions naguère acquises au PCF, et un populisme nihiliste qui pénètre maintenant assez vite dans l’esprit d’une jeunesse qui a perdu tout espoir, ce qui est amplifié par l’écologisme radical.
La conclusion me paraît simple : il est difficile de dissiper les illusions, du moins dans un proche avenir. En revanche, il est facile de transformer ce qui révolte à juste tire des millions de Français : changer la classe politique (ce qui implique bien sûr l’existence d’un parti et d’un leader), et voter pour casser le pouvoir de Bruxelles.
[1] Le Vaccin Libéral IDH éd.2021
[2] Cela fait une différence notable entre la politique annoncée par Meili et Trump, bien que la presse s’emploie à rapprocher le Président argentin et le candidat américain à la présidence, évidemment pour discréditer le libéral argentin.
[3] Un de mes amis avait expliqué ce qu’on appelait le « vin Français ». Sans doute le terroir est-il français, mais les engrais sont étrangers, les vendangeurs aussi,le tracteur est italien, les cuves sont allemandes, les réservoirs suisses. La seule composante française était les taxes et impôts
[4] Seules les dictatures ferment les frontières, c’est la cause de la pauvreté de l’Afrique en particulier…et c’est ce qui pousse à l’émigration massive vers l’Europe. Il va de soi que les ressources de l’Afrique sont captés par les dictateurs et leurs alliés, qu’il s’agisse des russes, des chinois, des turcs, des Wagner, etc.
[5] Elle s’est présentée avec Prébish et Singer sous la forme de la dégradation des termes de l’échange, puis dans les années 1970 sous la forme de l’épuisement de l’énergie pétrolière puis en 1991 sous la forme du développement durable , sous pression du réchauffement climatique. C’est ce qu’on fait de mieux actuellement
[6] Ce qui suit concerne plus particulièrement la France, je ne crois pas que ce soit le cas dans la plupart des autres pays où fleurit le populisme
[7] On peut au minimum ajouter Cromwell à la liste