Le projet de loi sur l’euthanasie, plus élégamment désignée par « l’aide à mourir », va maintenant être présenté et discuté au Parlement. Il n’était pas tout à fait conforme à ce qu’attendent des millions de Français, dont des parents de personnes incurables ou en phase de soins palliatifs, dont des médecins, dont des autorités morales et religieuses. Le texte jadis examiné par le Conseil Consultatif National d’Ethique était déjà considéré comme très permissif, mais « On n’est plus dans la même loi » constate avec regret la présidente de la Commission spéciale de l’Assemblée Nationale Agnès Firmin Le Bodo2. En effet la semaine dernière cette Commission spéciale a radicalement changé l’approche du projet de loi présenté par le gouvernement.
La nouvelle philosophie (si l’on peut dire) est celle-ci : seul le patient est maître de la décision de mettre fin à sa vie, il n’a que faire de l’avis de ses parents et de ses soignants. Ce changement révolutionnaire se concrétise à travers quelques dispositions surprenantes : s’il ne parvient pas à s’administrer lui-même une substance létale, il a le droit de se faire aider, et il peut prendre sa décision et l’exécuter en moins de vingt quatre heures si nécessaire pour sa dignité.
Un certain nombre de barrières, pourtant élémentaires, ont sauté. D’une part il était naguère question de malades « dans une phase avancée ou terminale ». Ce sera désormais à tout moment, Danielle Simonnet, députée LFI s’en félicite, car le nouveau texte « place le patient au centre de la décision au lieu de la faire dépendre de son médecin ». D’autre part, ne se pose plus la question de savoir si le patient s’administre lui-même la dose létale ou s’il doit faire appel à l’aide d’un soignant parce que sa maladie l’en empêche : « Ce n’est pas à la présence d’éventuelles paralysies de se substituer à la volonté du patient » (Cécile Rilhac, députée Renaissance). Enfin, lorsque jusqu’à présent un avis médical était demandé, il fallait que ce soit un collectif de médecins qui soit consulté, et non pas un seul médecin (qui pourrait en faire profession) : le collectif n’est plus obligatoire.
La conclusion de cette dramatique innovation est bien claire : la France serait, avec le Canada, le pays le plus permissif pour le suicide assisté. Pour s’assurer que les oppositions au texte seront neutralisés, la Commission et le gouvernement prévoient que « les intégristes » qui entraveraient l’application de la loi s’exposeraient à un an de prison et 15.000 euros d’amende. Il faut espérer que se trouve une majorité d’opposants au Sénat et finalement à l’Assemblée pour que des amendements rétablissent les barrières indispensables pour éviter le confort d’un suicide. Les neurologues disent sans doute avec pertinence qu’en fin de vie les malades demandent en général à vivre plus longtemps, et non pas à mourir plus vite. Ici les soins apportés par les familles et les patients pour accompagner le dernier soupir sont bienvenus. « Priez pour nous, pauvres pécheurs ».
1 Nous nous référons essentiellement à l’article d’Agnès Leclerc dans Le Figaro du samedi 17 mai
2 Pharmacienne havraise proche d’Edouard Philippe elle a quitté comme tant d’autres Les Républicains pour se rallier à Macron. Elle a été en 2022 ministre en charge des territoires et des professions de santé déléguée auprès du Ministre de la Santé. En décembre 2023 elle a été Ministre de la santé d’Elisabeth Borne quand Aurélien Rousseau a démissionné, elle n’a pas été reprise dans le gouvernement Attal.