Le 11ème Week End Libéral (23-25 septembre) a été cette année le seul grand congrès libéral en France. Réuni à Dax à l’invitation de Patrick de Casenove, ce WEK avait pour thème : « Rendez-nous la liberté » ce qui implicitement indique que les Français ont un jour ou l’autre joui de la liberté – certains intervenants, férus d’histoire, en n’étaient pas sûrs.
Toujours est-il que les atteintes à la liberté se sont multipliées depuis quelques années, et particulièrement depuis la présidence Macron. Ce numéro de la Voix de Bastiat ne reprend pas la totalité des interventions, le numéro suivant traitera le reste. Voici une présentation synthétique des idées exposées.
Patrick de Casanove a dressé un bilan positif du WEL : une assistance importante, le plaisir de se retrouver après deux années de confinement, des échanges de qualité. Le résultat financier permet d’annoncer dès maintenant un 12ème Wel qui se tiendra toujours à Dax du 22 au 24 septembre 2023, juste après les Journées Européennes du Patrimoine.
Ecologie : Avons-nous le droit au scepticisme ? (François Gervais)
« Il n’y a pas d’urgence climatique » : 1365 scientifiques (dont un prix Nobel) de quarante pays différents ont rappelé que le scepticisme est une vertu cardinale en science. Pourtant le GIEC et ses disciples n’admettent pas qu’on puisse rappeler quelques évidences. Les « climato-réalistes » dont François Gervais (ancien directeur de recherches au CNRS) s’étonnent que les autorités politiques, les médias, et finalement la majorité des gens estiment que le débat sur le réchauffement climatique est désormais scientifiquement clos, alors qu’il ne l’est pas sur au moins quatre points :
- La gravité et la nouveauté du réchauffement climatique : le climat change et a toujours changé
- L’importance donnée à la décarbonation : Chine et Inde se refusent à décarboner et veulent continuer à utiliser les énergies fossiles, par contraste la France qui ne produit que 1% des émissions mondiales de carbone se croit obligée de faire du zèle, et le résultat serait d’abaisser la température d’un millième de degré (le GIEC en convient)
- Le coût de la « décarbonation » : les énergies nouvelles exigent des investissements massifs alors qu’elles ne peuvent couvrir qu’une infime partie des besoins en énergie. Une centrale nucléaire produit autant d’électricité que 1.500 éoliennes.
- Le rôle du CO2 : présenté comme le « gaz à effet de serre responsable du réchauffement le CO2 est au contraire un gaz de vie. Il est facteur de santé et de fertilisant. Il rapporterait annuellement 3.200 milliards d’euros.
Qui en veut à la liberté ? (Pierre Bentata)
La liberté est le mot à la mode. Une étude sur la fréquence du mot dans les discours met de très loin en tête les députés de LFI, suivis mais de tr_s loin par les députés du RN et d’EELV. Les députés de la majorité et les LR se trainent : ils utilisent le mot liberté 18 fois moins souvent que ces libéraux de la France Insoumise.
Pourtant les libertés n’ont cessé de disparaître dans notre pays. La vie des Français est réglée dans le détail par une législation et une administration omniprésentes. Personne ne s’en étonne, personne ne s’en révolte. On subit ce phénomène de « servitude consentie » évoqué par La Boëtie, en un siècle finalement moins liberticide que le nôtre.
Il doit y avoir quelque chose qui ne va pas. Ce qui ne va pas c’est que le mot liberté ne veut plus rien dire. Il y a d’abord ceux qui en ont perverti le sens, il y a ensuite ceux qui nient le concept-même de liberté.
La perversion de la liberté consiste à assimiler la liberté et l’absence de tout obstacle à son bonheur. Etre libre serait le droit à ne subir aucune contrainte de la part de quiconque, ce serait l’absence des « externalités négatives » comme disent les économistes. Pourquoi mon action, mes intérêts, mes projets seraient-ils dépendants des autres, même s’ils me sont inconnus, même s’ils n’ont aucune volonté de me nuire ? Chacun aurait le droit à vivre « dans une bulle hermétique ». « Entendue comme absence de toute forme de risque et de toute influence, même involontaire, exercée par autrui, la liberté devient l’alibi de toutes les restrictions et de toutes les contraintes ».
Bien entendu chacun attendra du législateur qu’il prenne les mesures pour être protégé des autres. Cela débouche d’abord sur une inflation de textes, puis ensuite sur une course au privilège : l’élu doit prévoir quelque chose taillé sur mesure pour tout citoyen qui se sent menacé. Hayek parlait de la « démocratie des marchandages ». Les élus deviennent des despotes éclairés.
La négation de la liberté Elle est hautement intellectuelle, elle est professée par des gens qui ont sans aucun doute une intelligence et une culture supérieures à celles du citoyen moyen. Ils en arrivent à la conclusion que la liberté n’est pas possible pour l’être humain. Il y a deux branches dans la famille de ceux qui nient la liberté : la branche de l’environnement, et la branche de l’inconscient. Les écologistes pensent qu’il faut abandonner la liberté « parce que la maison brûle ». Toutefois ils ne sont pas les plus dangereux car les gens sont attachés à une certaine abondance et à un certain confort , que se passera-t-il quand « il s’agira de ne plus se chauffer, de moins rouler ou de sacrifier des vacances à l’autre bout du monde » ? Le nudging peut trouver ses limites. Plus sérieus sont ceux qui démontrent scientifiquement que le comportement de l’être humain est entièrement dicté par son inconscient, lequel inconscient peut d’ailleurs être sensible à la catégorie sociale à laquelle on appartient. Le libre arbitre n’existe pas : chacun est déterminé. Une note de pessimisme agrémente la démarche :Dans les sciences sociales, les concepts pullulent qui « nient la capacité humaine à penser, agir, délibérer ». Conditionnés par la biologie ou la situation sociale « nous sommes racistes, sexistes, discriminés, bourreaux, victimes par essence, donc par avance ». Les individus ont disparu, seules les catégories demeurent.
Alors, que faire ?
C’est simple, mais exigeant. Simple : il suffit de définir la liberté de façon correcte. La définition de Bruno Leoni est « l’absence de contrainte exercée par d’autres, y compris par les autorités, sur la vie et le commerce de chaque homme » Exigeant : « Si [les idées] mènent le monde, il faut bien qu’on les pousse, elles n’ont pas de bras ni de jambes » . Peut-être n’avons-nous pas fait assez de pédagogie de la liberté, avons-nous utilisé des arguments éculés ou trop sophistiqués. « Il nous faut changer d ’échelle, parler aux autres, à ceux qui ne connaissent pas la liberté, à ceux qui ne la comprennent plus et de ce fait ne peuvent l’aimer. Car le temps presse ».
Liberté des soins et prospérité économique (Patrick de Casanove)
La liberté des soins a été détruite
Même si de nombreuses tentatives avaient été faites sous la 3ème République et le régime de Vichy le fait générateur de cette destruction est la création de la Sécurité Sociale en 1945. La loi du marché disparaît et la santé devient un monopole d’Etat. Désormais l’Etat va pouvoir régenter la vie intime des gens, mettre les populations sous contrôle, et déresponsabiliser les personnes qui ne prennent plus en compte leur santé. « Cette infantilisation rejette les personnes apeurées dans les bras de maman Sécu et de papa Etat. »
La gestion politique de la santé est liberticide
Ce qui s’est passé avec le Covid est révélateur. Non seulement la gestion du Covid a été catastrophique, mais le gouvernement a manipulé la population, en faisant régner la peur, en multipliant les interdictions, en massifiant les soins.. L’Union Européenne n’a pas été en reste, avec le passe sanitaire, le passe vaccinal, elle nous prépare un hiver totalitaire.
On est bien dans la logique de 1945. C’est à l’Etat, et non aux médecins, de prendre en charge l’épidémie : n’a-t-elle pas été présentée comme « une guerre » ? Bastiat avait raison : « Le pouvoir, vaste corps organisé et vivant, tend naturellement à s’agrandir ». C’en a été au point que les visites des médecins non vaccinés ont été prohibées et que des médicaments ont été interdits.
D’ailleurs la stratégie gouvernementale n’a jamais intégré l’impératif des soins. Avec le fameux slogan « tester, alerter, protéger » le gouvernement s’est fixé pour objectif de repérer les malades, mais pas de les soigner. Il est faux de prétendre que l’on ne savait pas soigner. « Le gouvernement n’a pas tenu compte de toutes les connaissance acquises pendant des siècles »
En quoi consiste la liberté de soins ?
Elle implique au minimum
- La liberté de recourir à un soin : se soigner est un choix personnel, la seule précaution à prendre est de s’adresser à un professionnel
- La liberté de proposer un soin : du côté du professionnel, il y a aussi un libre choix du soin à proposer
- L’absence d’obligation du soin
- L’existence du soin (les antibiotiques n’existaient pas avant le XXème siècle)
- La disponibilité du soin
- L’accessibilité au soin : accessibilité matérielle (éloignement du soin, temps d’attente), accessibilité financière (l’impécuniosité du malade ne peut être un obstacle), accessibilité légale (l’Etat interdit ou pénalise le soin)
Liberté de soins et capitalisme
On ne peut ignorer ce que la révolution industrielle a apporté. Le capitalisme a « nourri, vêtu, logé des centaines de millions de gens. Il a amélioré leur vie et leurs conditions de travail Il leur a donné du temps libre, des loisirs […] La société est passé d’une société de rareté à une société d’abondance »
Cela a été possible parce que le système a libéré la créativité des êtres humains et a libéré les échanges. Certes les créateurs se sont enrichis, mais les plus faibles ont eu accès aux progrès de la médecine. Dans la logique de la Sécurité Sociale les soins sont pris en compte en assurant le remboursement. C’est prendre la santé par le petit bout. En réalité chacun doit pouvoir être propriétaire de ses moyens de se soigner. Mais la liberté de s’assurer n’existe pas.
Développement économique et progression de la médecine ont été liés. Mais tous deux ont été possibles parce qu’on a disposé d’une énergie fiable, abondante et bon marché : le charbon d’abord, puis le pétrole, le gaz et l’électricité. Aujourd’hui « une politique de l’énergie catastrophique ne peut qu’entrainer l’effondrement du système de santé ».L’état d’urgence énergétique ou climatique pourra être décrété, comme l’a été l’état d’urgence sanitaire, que nous avons pu tester : le système totalitaire se met en place. « Il faudra peu de choses pour instituer une police des températures ».
Pour un système de santé performant
Aujourd’hui nous subissons pénuries, rationnements et coercition. Les patients comme les professionnels de santé doivent retrouver la liberté du choix des soins. La médecine exige un « colloque singulier, une relation personnelle, intime et de confiance entre le médecin et le patient ». cela ne peut exister que dans un système de liberté économique.
La liberté économique ferait que chacun pourrait faire son choix avec son propre argent, alors qu’aujourd’hui les cotisations sociales spolient les salariés d’une grande partie de la valeur de leur travail. Il faut donc instituer le salaire complet. Pour le non-salariés ils doivent percevoir le revenu de leur activité, et le taux d’impôt doit être égal et proportionnel. S’agissant des services rendus par les professionnels de santé, leur prix doit être fixé librement, il révèlera les besoins de soins, et les déserts médicaux disparaitront. Evidemment on devra toujours mettre en place un ‘filet social » comme disait Bastiat, destiné à permettre aux plus démunis d’accéder aux soins nécessaires. « Ce n’est pas parce qu’on est pauvre que l’on doit être contraint de faire une confiance aveugle à l’Etat ». Dans plusieurs pays, comme Singapour, on a su se passer de l’Etat.
Rendez-nous la liberté d’entreprendre (C. Goudron)
L’état des lieux : des chiffres chocs
En 2.000 la production industrielle représentait 24 % du PIB, aujourd’hui c’est 10 %. L’Allemagne a 6.200.000 de personnes employées dans les PME la France 2.700.000.
On produit chez nous deux fois moins de voitures qu’en 2.004.
Un Français travaille 30 % de moins qu’en Allemagne.
C’est que les entreprises françaises se heurtent à des entraves à leur liberté.
Les entraves fiscales
- charges sociales les plus élevées
- impôts sur la production
- impôt société
- coût des normes (estimé par l’IFRAP entre 75 et 87 milliards d’euros par an)
Au total « c’est plus de 150 Mds d’euros de charges fiscales diverses que nos entreprises paient en plus que les pays de la zone euro. Cela n’empêche pas le ministre de l’Economie d’annoncer la fin de la désindustrialisation. « Il y a un décalage entre la volonté affichée de réformer notre pays pour le rendre plus compétitif et la faiblesse des mesures engagées ».
Les entraves administratives
- un code du travail qui vient de dépasser 4.000 pages
- la création d’un « document de sécurité unique », qui en fait multiplie le nombre de formulaires à remplir
- l’absence de culture d’entreprise des « services publics » dont le Président Macron prétend qu’ils sont nos « amis »
Les entraves financières
- La culture d’entreprise n’est pas davantage présente dans la plupart des banques françaises, les crédits aux TPE et PME sont difficiles à obtenir et à négocier
- Fonds propres insuffisants parce que les profits sont trop faibles à cause des entraves précédentes
« L’entreprise française, dans un contexte concurrentiel européen, ayant une marge brute à 28,2% nettement inférieure aux presque 40 % chez nos voisins, elle est obligée de s’endetter pour investir. Elle devient alors plus vulnérable et doit payer des intérêts là où sa collègue allemande touche des intérêts ».
Conclusion des entraves : le sac à dos
« Si on demande à un coureur de fond de participer à une compétition internationale avec un sac à dos chargé de 50 kilos et d’être dans le peloton de tête à l’arrivée, vous conviendrez que c’est mission impossible . Nos entreprises industrielles ont un sac à dos rempli de taxes,, impôts et contraintes complémentaires ».
La solution : la vraie liberté d’entreprendre
C’est ce qu’on fait les Allemands avec la réforme Schroëder – Hartz.
Il faut diminuer les charges sociales de moitié, C’est ce qu’il fait faire aussi avec les impôts : la courbe de Laffer indique que la baisse du taux des prélèvements obligatoires accroît les recettes de l’Etat et de la Sécurité Sociale.
Cela mettrait fin à la ponction sur les salaires, aux déficits de la balance commerciale et du budget de l’Etat, à la délocalisation, et au chômage massif.