Peut être les trois, d’après ce qui a été observé. Quelque cinq cents personnalités de la culture avaient lancé un appel pour cette marche à Paris dimanche. Parmi elles Isabelle Adjani, Macha Meril, Nathalie Baye, Claude Lelouch, Kad Merad, Michel Jonasz, Marion Cotillard, Muriel Robin. D’autres marches ont existé dans d’autres villes.
La célèbre Julie Gayet et le collectif « Une Autre Voix Ensemble » (présidé par l’actrice Lubna Azabal) qui animaient la marche parisienne ont donné leur point de vue : Depuis le 7 octobre 2023, l’horreur et la souffrance déchirent palestiniens et israéliens selon une mathématique monstrueuse qui dure déjà depuis longtemps. Cette guerre fratricide nous touche toutes et tous, et peu importe nos raisons ou affinités de part et d’autre du mur, nous souhaitons qu’elle cesse et que les deux peuples puissent enfin vivre en paix. Deux peuples pris en otage de politiques que nous ne pouvons maîtriser, qui nous dépassent et dont nous sommes les témoins impuissants ». Le désir de dépolitiser la marche s’affichait ainsi ouvertement. Cette attitude tranchait avec celle d’un grand nombre de vedettes du sport, du spectacle ou de la littérature qui s’étaient crues autorisées de profiter de leur popularité pour prendre parti et influencer l’opinion publique.
Certes il y a eu quelques personnalités politiques en tête de la marche, dont Jack Lang , mais sa présence était justifiée puisque la marche commençait à l’Institut du Monde Arabe pour se diriger ensuite vers le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme : pas de parti pris religieux. En revanche Madame la Ministre de la Culture Rima Abdul Malak s’est invitée : elle est sans doute hors jeu au sein du gouvernement.
Toujours est-il que la marche parisienne a donné tous les signes de la paix, avec un seul bandeau blanc sans slogan et des drapeaux et mouchoirs blancs, aucun bandeau ni drapeau tricolore. Il n’y a pas eu le moindre incident tout au long de la marche.
On peut donc voir dans cette manifestation le signe d’un réveil de la société civile : la classe politique n’a pas le monopole du cœur ni a fortiori celui de la paix. Cela tranchait singulièrement avec la marche contre l’antisémitisme organisée par le Président du Sénat et la Présidente de l’Assemblée qui ont refusé la présence d’élus et ont prétendu s’exprimer au nom de la République.
Néanmoins il y a bien dans cette marche une prise de position politique puisque les manifestants mettaient sur un pied d’égalité Israël et le Hamas, juifs et palestiniens. Il a été aussi question de cessez-le feu. Il est vrai que la paix existe entre deux peuples ou deux nations lorsqu’ils se respectent mutuellement, et on peut naturellement souhaiter que l’humanité entière vive en paix. Mais ce pacifisme sans nuance revient ici à considérer le Hamas comme un belligérant ordinaire, alors que son objectif est bien clair : tuer les Juifs. Cet objectif a été programmé par l’Iran et le génocide a été froidement préparé et exécuté. De plus le président du Hamas a rendu visite à Poutine et le Hamas est associé à la tentative maintenant bien engagée de destruction de l’Occident. Il n’y a donc ni neutralité ni fraternité[1].
Enfin, la marche de la paix a été largement récupérée par la gauche qui prend le parti des Palestiniens. Le Parti socialiste, le Parti Communiste et Ecologie Les Verts qui avaient manifesté samedi pour les Palestiniens ont appelé leurs ouailles à participer à la marche pour la paix. Les marcheurs de la paix ont souvent confondu paix et cessez-le-feu, on sait pertinemment que les Israéliens, d’accord ou pas avec Netanyahou, ne peuvent considérer le Hamas comme des guerriers, puisque ce sont des tueurs aveugles et barbares. Dans certaines villes de province, comme Marseille ou Toulouse, l’union sacrée s’est faite avec la CGT, les partis de gauche et les élus locaux. C’est dire que la politique reprenait tout son poids et que les extrémistes de gauche les plus radicaux ne cachaient pas leur préférence. Un autre signe de cette politisation de gauche est le soutien de journaux dont les opinions sont bien tranchées comme Libération ou Le Monde. On peut d’ailleurs se demander si les considérations électorales ne dominent pas les militants radicaux de l’islamo-gauchisme.
La marche pour la paix n’a réellement pas apaisé les esprits et le fossé demeure total entre ceux qui ont choisi le massacre et le génocide et ceux qui défendent le droit de se défendre. Il y a douleur et égalité devant toutes les victimes du drame actuel, mais il ne saurait y avoir égalité entre ceux qui donnent la mort : les uns sont d’immondes assassins, les autres veulent survivre.
[1] Cf l’article de Jacques Garello Guerre de religion, guerre de trafic, guerre mondiale ? Nouvelle Lettre, Actualité 12 octobre 2023