Le 3 mars 2023, une centaine d’experts de 75 nationalités, se réunissait à Casablanca, pour signer officiellement la Déclaration d’Abolition de la Gestation Pour Autrui. Un an et cinquante et un jours plus tard, le 23 avril 2024, le Parlement Européen interdisait l’exploitation de la gestation pour autrui, au même titre que l’esclavage ou la prostitution forcée, c’est-à-dire un crime grave et de dimension transfrontalière.
Une réforme bureaucratique et sans effet réel
Mais l’arbre peut cacher la forêt : ne nous y trompons pas, les parlementaires européens n’ont pas interdit la GPA en Europe, ils ont interdit l’exploitation de la GPA dans le cadre de la traite des êtres humains, comme elle condamne l’esclavage ou la prostitution forcée1. Les amendements apportés par le Parlement Européen sont d’une clarté et d’une pertinence dont on peut donner ici quelques points forts
Prenons l’exemple d’une femme issue de pays non européens, victime de traite d’être humain, et à laquelle est imposée une GPA à des fins d’exploitation pécuniaire, celle-ci est désormais considérée comme une victime. Et à ce titre, elle bénéficie de toutes les aides prévues par la Directive de 2011 (hébergement, soins, etc).
En revanche, si une femme venue intentionnellement, par ses propres moyens en Europe, porte l’enfant de parent « d’intention », elle n’est alors pas considérée comme victime au titre de cette même Directive.Elle est cependant susceptible d’être condamnée dans tous les pays européens (à la fois par ceux qui ont interdit la GPA, comme ceux qui l’ont autorisée ou ceux qui ne l’ont pas interdite) n’étant ni grecque en Grèce, ni danoise au Danemark, ni hollandaise aux Pays Bas.
Quel est le statut juridique de la GPA dans l’UE ?
Interdite de manière formelle dans dix pays, elle ne l’est pas dans une quinzaine d’autres.
Ainsi la GPA est à ce jour formellement interdite en France, Allemagne, Belgique, Espagne (alors que la filiation d’enfants nés par GPA y est autorisée), Portugal, Italie, Luxembourg, Malte, Bulgarie, Autriche.
Ailleurs l’hétérogénéité juridique provient souvent de la différence faite entre la GPA
« éthique » et la GPA commerciale.
« Ethique » signifie gratuite
En revanche, une quinzaine de pays de l’Union Européenne n’interdisent pas de manière formelle, la GPA. C’est le cas notamment du Danemark, de la Hongrie, de l’Irlande, la Lituanie et des Pays-Bas qui ne l’interdisent seulement qu’à des fins commerciales. L’Ukraine prévoit la rémunération des mères porteuses (les « prix » s’étalent entre 50 et 100.000 €)
Pourquoi interdire la gestation pour autrui ?
Les raisons morales font toujours référence à la marchandisation du corps de la femme, ainsi que de l’enfant.
Mais ce n’est pas tout.
Il est souvent recommandé aux femmes enceintes de parler à leur bébé, de caresser leur ventre, de leur faire écouter des musiques apaisantes, d’inviter le père à ces expériences sensorielles. Celles-ci sont naturellement mémorisées par le bébé2.
Tant et si bien que dès la naissance, le petit de l’homme reconnaît la voix de sa mère et peut même montrer une préférence pour des musiques qu’elle a écoutées à la fin de grossesse.
L’enfant issu de GPA, arraché à sa mère porteuse, à sa naissance, est ainsi victime d’un premier traumatisme : un abandon par la mère porteuse !
Le témoignage d’Olivia Maurel née par GPA, porte-parole de la déclaration de Casablanca, est à ce titre particulièrement pertinent. Elle nous fait part de ses souffrances : « Ma vie a commencé par un abandon. Je suis née, et avant, même que ma mère ne me voit, j’ai été vendue ».
Avons-nous été suffisamment à l’écoute des enfants nés par GPA ? Les avons-nous jamais écoutés ? Nos sociétés savantes ont-elles analysé les dommages psychologiques d’une GPA sur l’enfant comme sur la mère porteuse ?
La norme européenne détruit la famille et la civilisation
En effet, le point (4) des motivations de l’amendement européen utilise une terminologie chère aux wokistes : « la traite des êtres humains peut être exacerbée lorsqu’elle est conjuguée à une discrimination fondée à la fois sur le sexe et sur d’autres motifs de discrimination interdits par le droit de l’union. Les états membres devraient donc accorder une attention adéquate aux victimes de discrimination intersectionnelle et à la vulnérabilité, accrue qui en découle, en prévoyant des mesures spécifiques, en présence de forme croisée de discrimination. »
Est donc également définie comme victime, la personne, objet de discrimination « intersectionnelle » c’est à dire victime de discrimination pour deux ou plusieurs motifs.
Les mots sont dits et sont définitivement inscrits dans le droit européen et du même coup dans notre droit, du fait de sa future et obligatoire transposition en droit français. Seront donc introduites les notions de la discrimination intersectionnelle (…), et de forme croisée de discrimination.
Ceci rend compte de l’influence grandissante des « déconstructionnistes » de nos sociétés occidentales, européennes, fondées sur les cultures judéo-chrétienne, gréco-romaine et les acquis celtes.
L’enjeu politique actuel en France
En ces temps de campagne pour les élections européennes, La plupart des candidats et de leurs partis souhaitant mobiliser un électorat démotivé.
Ils rappellent à longueur d’ondes et de chaînes d’information que l’Europe est formidable : si elle n’existait pas, il faudrait l’inventer !
En dépit de l’engagement de notre Président à ne pas légiférer pour autoriser la GPA au cours de son mandat, cet amendement européen ouvre la boite de Pandore en permettant la discussion, l’analyse et peut-être, à terme, l’acceptation par la société civile française d’une GPA « éthique » tandis que les frais médicaux et de grossesse (dont les FIV) seraient à la charge de la Sécurité Sociale. Peut-être un « Ségur de la GPA » : le Président aime « la démocratie délibérative ».
Par contraste François Xavier Bellamy (membre du PPE) et Les Républicains ont pris nettement position contre la GPA, cela leur vaudra peut-être un point de plus dans le scrutin.
Soyons optimistes, car des voix nouvelles, nombreuses et empruntes de bon sens, voire de sens moral, expriment aujourd’hui la volonté de résister, en proclamant haut et fort, la Liberté, la Responsabilité, la Dignité.
1 On peut se référer à la définition de « la traite d’êtres humains » retenue par les amendements apportés par le Parlement européen
2 Cela relève d’un segment de la science biologique appelé « haptonomie » : il est démontré que cela crée un sentiment d sécurité chez le bébé avant même sa naissance