On dit tellement de choses à propos de la dette publique que la plupart des Français ont cessé d’y comprendre quelque chose. Il a fallu tout le talent pédagogique de Jean Yves Naudet, professeur émérite à l’Université Aix Marseille, pour faire comprendre à tout le monde une vérité élémentaire : les dépenses publiques doivent être gérées comme les dépenses familiales.
Un ménage peut emprunter pour financer des investissements, l’Etat et les collectivités locales le peuvent également, il suffit de prévoir les remboursements futurs en fonction de l’argent qui rentrera dans les caisses publiques, et les investissements procureront du bien être aux générations actuelles et futures.
Où emprunter de l’argent pour les dépenses courantes ? Normalement les dépenses courantes doivent être couvertes par les revenus courants. A titre exceptionnel une famille peut se mettre en déficit pour des sommes modestes, En revanche l’Etat se laisse facilement aller à dépenser un argent qu’il n’a pas : depuis 1974 tous les budgets sont en déficit, et le déficit augmente chaque année.
Pour combler le déficit les impôts devraient être augmentés, mais aucun gouvernement ne s’y risque sérieusement, à moins de vouloir « faire payer les riches », qui vont s’appauvrir ou s’exiler. De plus le niveau de prélèvements obligatoires en France est déjà tellement élevé (plus de 47 % du PIB contre 41 % en moyenne dans les autres pays libres) qu’il est difficile d’aller au-delà. De la sorte l’Etat doit bien en venir à la dette publique : elle représente aujourd’hui 3.000 milliards d’euros, soit 44.000 € par tête d’habitant.
Enfin, et peut-être le pire du point de vue financier, c’est que la dette nous oblige à payer des intérêts chaque année. Ce « service de la dette » représente 50 milliards d’euros, le plus gros poste du budget de l’Etat actuellement. Avec lle remboursement des dettes plus anciennes arrivée à échéance cette année, c’est environ 300 milliards d’euros qu’il nous faut payer. Le coût de la dette varie aussi avec le taux d’intérêt qui varie, il augmente aujourd’hui et sera de plus en plus élevé que la France se sera de plus en plus endettée : ce sont les agences de notation qui indiquent si l’on peut faire confiance à un pays, et le taux augmente quand la confiance n’est plus là. Il est vrai que l’inflation peut diminuer formellement le coût de la dette mais elle se paye immédiatement en perte du pouvoir d’achat des Français ; la fabrication de monnaie par la Banque Centrale Européenne ne règle rien.
Enfin, l’endettement est immoral parce qu’on laissera aux petits enfants peut-être une planète dégradée, mais sûrement des ressources lourdement réduites.
Pour conclure Jean Yves Naudet nous rapporte les conseils donnés par Turgot au Roi Louis XVI en 1774
« Je me borne en ce moment, Sire, à vous rappeler ces trois paroles : point de banqueroute ; point d’augmentation d’impôts ; point d’emprunts. Point de banqueroute, ni avouée ni masquée par des réductions forcées. Point d’augmentation d’impôts, la raison en est dans la situation de vos peuples, et encore plus dans le cœur de Votre Majesté. Point d’emprunts, parce que tout emprunt diminue toujours le revenu libre ; il nécessite au bout de quelque temps ou la banqueroute, ou l’augmentation des impositions […]. Pour remplir ces trois points, il n’y a qu’un moyen. C’est de réduire la dépense au-dessous de la recette ».
Deux ans plus tard, Turgot était limogé et son plan de redressement oublié. La dette publique n’a alors cessé de croître et chacun connaît le rôle qu’elle a joué dans le déclenchement de la Révolution. Le message de Turgot n’est-il pas toujours d’actualité ?