« Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus »
« C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie »
Je tenais à commencer cet article avec ces deux phrases, lues au cours de la messe de ce dimanche 13 novembre. : l’une est dans la deuxième lettre de Saint Paul aux Thessaloniciens, l’autre est dans l’Evangile de Saint Luc (21,5,17).
Saint Paul contre l’Etat de l’assistance : pas de travail, pas de pain
Je crois utile de citer en entier le passage de Saint Paul qui reproche aux Thelassoniciens de ne pas participer aux efforts du quotidien : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. Nous apprenons que certains d’entre vous mènent une vie déréglée, affairés sans rien faire. A ceux-là nous adressons dans le Seigneur Jésus Christ cet ordre et cet appel : qu’ils travaillent dans le calme pour manger le pain qu’ils auront gagné ».
De façon permanente la Doctrine Sociale de l’Eglise Catholique a condamné cet « Etat de l’assistance », que nous pouvons traduire Etat Providence. Protestants, orthodoxes et chrétiens de toutes religions ont également trouvé injuste et surtout indigne de vivre volontairement aux dépens des autres. Bastiat expliquait la responsabilité de l’Etat dans ce comportement parasitaire, sa formule est fameuse : « L’Etat est cette grande fiction sociale à travers laquelle toute le monde croit vivre aux dépens de tout le monde ». Il est paradoxal qu’au nom de la justice sociale ceux qui ne contribuent en rien à la production, c’est-à-dire à la satisfaction des besoins des autres, soient subventionnés par l’Etat avec les impôts et cotisations payés par ceux qui ont rendu service à la communauté par leur activité. Ainsi la France est-elle le pays record en matière des prélèvements obligatoires (49 % du PIB actuellement) mais aussi le pays record pour le rapport entre population active et population en âge d’être employée : les jeunes travaillent de plus en plus tard, les seniors partent à la retraite plus tôt. De plus les actifs employés bénéficient de RTT et de « ponts » souvent inconnus à l’étranger. Progressivement le travail est devenu une occasion de passer le temps, comme les loisirs -avec lesquels il est en concurrence.
Le Christ condamne l’impatience et prêche la persévérance
L’évangéliste Saint Luc rapporte que les disciples du Christ ont été surpris quand le Seigneur a évoqué la fin du monde. « Maître, quand cela arrivera-t-il ? Et quel sera le signe que cela sera sur le point d’arriver ? » Le Christ a commencé par les mettre en garde contre ceux qui diront « Le moment est tout proche : Ne marchez pas derrière eux » dit le Christ. Il n’y a pas non plus à attendre que la paix règne sur le monde, les nations ne cesseront pas de se combattre, il y aura des fléaux qui s’abattront sur le monde : tremblements de terre, famines, épidémies, grands signes venus du ciel. Mais quel est le danger le plus certain et comment le conjurer ?
Le vrai danger est de se déclarer chrétien : « on vous persécutera, on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs à cause de mon nom ». Comment les chrétiens peuvent-ils conjurer ces persécutions ? D’une part ils seront protégés par le langage et la sagesse du Christ : « tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer », d’autre part ils devront avoir la persévérance « C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie ».
La traduction laïque du message chrétien : donner sa pleine signification au temps
L’invitation du Christ est à ne pas être obsédé par le temps présent : il faut admettre que le court terme n’a que peu d’intérêt par rapport à ce que nous avons à connaître tout au cours de notre vie, et à plus forte raison quand nous savons que nous sommes mortels. Il faut donc prendre un recul par rapport aux évènements, fussent-ils impressionnants et dramatiques.
Les mauvais comportements sont l’impatience et la résignation. L’impatient croit tout pouvoir régler tout de suite : présomption fatale, disait Hayek, orgueil de ceux qui croient tout savoir. Le manque de recul et l’urgence légitiment la perte de la liberté. Le résigné ne perçoit aucune solution à terme et se laisse aller à la facilité ; la pensée unique, celle du moment du moins, lui tient lieu de doctrine. : adoxalisme, disait Villey.
Pour garder notre vie il faut de la persévérance : ne pas prendre les temps actuels pour des condamnations définitives, s’inscrire dans l’histoire, connaître l’histoire, mais aussi progresser par « essais et erreurs », sources de l’ordre spontané en évolution permanente. Certes les chrétiens peuvent dire que l’évolution est dans le sens de la volonté divine, ainsi le droit naturel serait-il la rencontre du droit divin (que personne ne peut connaître) et du droit positif. Mais les humanistes se contentent d’une évidence : l’être humain est en recherche permanente de vérité et il est irrésistiblement attiré par le temps futur, à un moment ou un autre de sa vie. Seuls les philosophes post-modernes se plaisent à clamer la déchéance de l’être humain – qui serait source du temps présent.
Bien évidemment la transposition est toute faite pour ceux qui ont la foi libérale : notre foi a besoin d’être soutenue par l’espérance – et sans doute aussi par la charité. Il ne faut pas chercher la solution dans les compromis, les arrangements qui débouchent et sur l’échec et sur la trahison. Il ne faut pas s’arrêter aux mauvais accidents. Si je refais l’histoire des idées libérales en France depuis un demi-siècle je relève des sursauts remarquables qui auraient pu changer la face de notre pays, de 1974 à 2016 en passant par 1986 et 1995. Je peste contre ceux et celles qui pensent que le libéralisme sera toujours hors jeu dans notre pays : avec cette prédiction (avérée il est vrai par l’histoire séculaire) on est sûr d’échouer ou d’adopter le carpe diem. Je peste contre les héros fatigués, ou les étoiles filantes. Et, en ma qualité de libéral et de chrétien, je reprends toujours le slogan des Polonais vainqueurs de la dictature la plus infâme : « la vérité vaincra ». Car la recherche de vérité est dans la nature profonde et durable de l’être humain.