L’interview Vendredi 21 avril sur LCI de Son Excellence Lu Shaye ambassadeur de la Chine à Paris a fait grand bruit, car elle ridiculise la démarche de tous ces chefs d’Etat Occidentaux venus solliciter Xi Jinping, tels le Président français ou le Chancelier allemand[1]. Ridicule aussi les débats tenus à Davos dans le cadre du WEF (World Economic Forum) où l’on a pris soin de considérer la Chine comme un partenaire de premier plan qu’il ne fallait pas provoquer, la paix mondiale étant à ce prix. Interrogé sur la Crimée, occupée par la Russie depuis 2014 sans aucune réaction de quiconque, l’ambassadeur de Chine en France a précisé : “Ça dépend de comment on perçoit ce problème. Il y a l’Histoire. La Crimée était tout au début à la Russie. C’est Khrouchtchev qui a offert la Crimée à l’Ukraine dans l’époque de l’Union soviétique.” Le diplomate a poursuivi son argumentaire, estimant que les pays de l’ex-URSS “n’ont pas le statut effectif dans le droit international parce qu’il n’y a pas d’accord international pour concrétiser leur statut de pays souverain”.
La réaction a été immédiate en Europe et aux Etats Unis : la solidarité a été affirmée tout de suite avec les pays baltes (Estonie, Lituanie, Lettonie) au demeurant membres de l’OTAN.
Il est commode d’attribuer les scandaleuses déclarations à la personnalité hors du commun de Lu Shaye. C’est, dit-on, un « loup militant », un « diplomate » qui a des expressions sans retenue : il a proclamé que les gens de Washington étaient habités par « l’égoïsme occidental » et le « suprémacisme blanc ». Il est vrai que, francophone, il a fait sa carrière principalement en Afrique, dans les dictatures bien ancrées où la Chine ne cesse d’investir. Autre claire déclaration de ce diplomate : en France au moment du Covid les soignants des Ehpad ont laissé « mourir leurs pensionnaires de faim et de maladie ».
Mais en réalité Xi Jiping couvre totalement les écarts de langage de Lu Shaye, parce que le « diplomate » traduit très fidèlement les objectifs de Pékin, dont l’agressivité est de plus en plus marquée à l’heure actuelle.
Un point central de ces objectifs : refuser le partage des frontières réalisé à la fin de la deuxième guerre mondiale. Cela concerne Taïwan, mais aussi le Japon, la Corée, le Viet Nam, les Philippines et même l’Inde. Autant d’Ukraines à conquérir.
Il y a d’abord bien sûr Taïwan. La parenté avec la guerre en Ukraine est évidente « C’est le peuple chinois qui décide du destin de Taïwan » : cette phrase de Lu Shaye est en écho de la formule de Xi Jinping. A l’heure actuelle les avions chinois survolent l’espace entre l’île et le continent, mais les destroyers américains sont là aussi. La tension est extrême.
Il y a aussi la Corée du Sud : la frontière avec la Corée du Nord communiste n’est pas reconnue par Pékin, et les Nord-Coréens ont multiplié les démonstrations aériennes et les vols de missiles pour rappeler qu’ils sont solidaires des légitimes revendications chinoises.
Il y a le Viet Nam : les Chinois réclament le libre accès à la mer de Chine du Sud, et cela concerne également l’Inde (même si économies chinoises et indiennes sont très liées).
Il y a de plus en plus le Japon, qui veut se défendre contre les agressions chinoises dans la région mais plus précisément encore contre l’impérialisme de Pékin.
Fort heureusement, les objectifs de Pékin sont contrariés par la présence américaine dans le Pacifique. Les Etats Unis ont créé en 2007 le QUAD (Dialogue Quadrilatéral pour la Sécurité) qui réunit USA, Japon, Australie et Inde. Mais des accords militaires plus récents unissent l’Australie, le Royaume Uni et les Etats Unis : AUKUS. Depuis la nouvelle politique menée au Japon par Shinzo Abe (abattu l’an dernier) le Japon devient à son tour une puissance militaire pour contrer l’agressivité chinoise, au point qu’on parle maintenant d’un JAUKUS.
Si l’on considère enfin que la Chine communiste poursuit sa poussée vers l’Europe à travers la « route de la soie », qui arrive maintenant en Méditerranée, et qu’elle a colonisé une grande partie de l’Afrique (notamment francophone), on comprend que voir dans Pékin la capitale de la paix et l’espoir d’une médiation pour l’Ukraine, est un contresens total. La vérité est bien sortie de la bouche de Lu Shaye. Un autre léger détail doit être pris en considération : le régime de la République Populaire de Chine (RPC, anciennement ROC) est communiste, il a exécuté et exécute encore des millions de Chinois, il tient en otage sa population, il enferme dans des camps les minorités musulmanes ouïghours et kazakhs. Avec la Chine il est temps de préparer la guerre si l’on veut sauver la paix.
[1] Cf : Notre article du 11 avril 2023. La Chine au cœur du « défi stratégique » de Macron, La visite à Xi Jinping révèle une approche géopolitique inquiétante.