Sérieux dans sa présentation, à l’aise avec les questions des journalistes. C’est l’impression que m’a inspirée cette conférence de presse d’une heure et demie devant un parterre réhaussé par la présence de Marine Le Pen et Eric Ciotti au premier plan et une grande foule de journalistes français et étrangers. J’ai consciencieusement suivi la totalité de sa prestation, et j’en conclue que Jordan Bardella pourrait faire office de Premier Ministre – s’il avait une majorité suffisante au soir du 7 juillet.
Sa présentation a été bien construite. Après les prolégomènes d’amabilité, Jordan Bardella a eu quelques griffes pour écorcher Emmanuel Macron (« il a déjà quitté le pouvoir ») et Jean Luc Mélenchon (« la France serait le Vénézuela sans pétrole »). Mais il a précisé que la dissolution était inéluctable après la victoire du RN le 9 juin, « la démocratie c’est le peuple, disait De Gaulle ». La conclusion s’imposerait donc : « Nous sommes prêts »
Un Calendrier : temps de l’urgence et temps des réformes
Le chaos actuel, dû essentiellement au pouvoir en place depuis douze ans, exige des mesures d’urgence. Après avoir découvert la vérité à travers un audit des comptes publics pour connaître la marge de manœuvre il faudra aborder trois priorités :
1- Le pouvoir d’achat : la gauche fait des promesses démagogiques (smic à 1.600 €, contrôle des loyers, droits de douane) qui tarissent l’offre de biens et services et conduisent à l’inflation. La mesure d’urgence est de diminuer le prix de l’énergie par la baisse de la TVA en rejetant les normes européennes (ce que la Pologne a réussi et la « maladie bureaucratique ». L’épargne, mobilisée par un emprunt patriotique, permettra de faire de la France une « terre de producteurs ». L’énergie nucléaire sera développée avec des EPR. Pour les produits agricoles il faut rejeter les normes européennes, assurer notre souveraineté alimentaire et des prix garantis aux paysans
2-Les familles : prime au second enfant, droits de succession fortement abaissés, aides aux médecins et infirmiers, élimination des déserts médicaux, suppression de l’AME, nomination de préfets à la santé.
3- La sécurité et le maintien de l’ordre républicain : la civilité et la propriété doivent être respectées, la rue ne peut faire la loi. Ceux qui créent le désordre doivent être punis , des peines minimales et des peines planchers doivent être prononcées, les parents d’enfants mineurs délinquants peuvent être privés d’allocations familiales, le contrôle des flux migratoires à la frontière sera renforcé et les immigrés sans papier seront expulsés, le droit du sol sera supprimé
Deux conclusions d’imposent. D’une part « il nous faut un Etat fort, ayant prestige et autorité » D’ailleurs « La France a été façonnée par l’Etat » . D’autre part ces mesures peuvent être prises par « un gouvernement d’union nationale soucieux du bien commun », qui respectera toute opposition puisque l’action publique est à base d’échange.
Le temps des réformes
1.Immigration contrôlée : Il n’est pas normal que des immigrés binationaux occupent des positions dans des services publics touchant à la défense et à la sécurité. Il n’est pas normal que des immigrés diffusent une idéologie islamiste et approuvent le terrorisme.
2.Retraites : retraite à 60 ans pour ceux qui ont cotisé pendant 40 ans et sont entrés dans la vie active à 20 ans, des dispositions semblables seront prévues pour les métiers pénibles et risqués. La retraite à 64 ans sera supprimée. Un système de retraites progressives sera mis en place pour ceux qui prendront leur retraite à 62 ans après avoir cotisé pendant 42 ans.
3.Ecole : l’école privée a sa place aux côtés de l’école publique. Exigence du savoir, de l’effort, de la curiosité, le collège unique doit être remplacé par un collège modulaire (comme en Allemagne ou en Suisse), les lycées se distinguent entre enseignement général et professionnel. Il faut un retour à l’autorité : pas de portable, vouvoiement des enseignants, uniforme dans le primaire et le collège, application de la loi Ciotti pour sanctionner les familles de mineurs délinquants, hommage soit rendu à Papy et Bernard.
4.Travail ; les salaires doivent accompagner la vie des entreprises, et les barrières européennes ou nationales qui bloquent aujourd’hui les entrepreneurs doivent sauter, par exemple la loi Zan qui empêche l’implantation et l’extension des activités productives, ou les abus liés au DPE . Des Etats Généraux seront organisés avec les partenaires sociaux.
A l’aise dans la réponse aux questions
-Europe : la France a longtemps conçu l’Europe comme un espace dirigé par le couple fomé avec l’Allemagne. Le chancelier Scholz est en fait un concurrent, et défend les intérêts de son pays. Rien n’empêche le chef du gouvernement français de poursuivre dans la voie historique de l’amitié entre les deux peuples mais de défendre aussi nos intérêts nationaux, par exemple pour les rabais à réclamer à l’Union Européenne
-Russie : la France doit affermir sa crédibilité auprès des partenaires européens et soutenir l’Ukraine. Mais pour autant il y a une ligne rouge à fixer : pas de soldats français en Ukraine, pas de missiles de longue portée car nous ne pouvons être des belligérants. La Russie menace les intérêts français en Mer Noire, au Moyen orient, en Afrique. Des binationaux dans les services français de défense : c’est inadmissible.
-Chiffrage des réformes : il est curieux qu’on soit si précis dans ces estimations alors qu’on n’a jamais rien demandé au gouvernement actuel et à plus forte raison au Nouveau Front Populaire
-Ministre de cohabitation : Je n’accepterai d’être Premier Ministre que si une majorité absolue est possible à l’Assemblée Nationale. Je ne veux pas être ministre pour 15 jours, renversé après une motion de censure votée par le Front Populaire et ce qui restera des macronistes . En revanche si je suis Premier Ministre de cohabitation, je mènerai ma politique avec le plus grand respect pour le Président actuel et l’opposition.
-Energie : il y a des directives européennes qui condamnent l’usage et le prix des énergies polluantes, elles sont arbitraires. La France a fait le choix de l’énergie nucléaire et ne peut tout sacrifier pour développer les énergies renouvelables.
-Nouvelle Calédonie : Se pose plus généralement le problème de l’Outre Mer ; On doit créer un Ministère d’Etat de l’Outre Mer . La Nouvelle Calédonie restera française.
-Manifestations : Il n’est pas question de remettre en cause le droit de manifester, mais il y a un état de droit, et la police est là pour la de faire respecter par ceux qui sont « hors des clous de la République», qui sèment le désordre et la violence.
-Moyen Orient : la diplomatie française a toujours soutenu l’idée de deux Etats entre Israéliens et Palestiniens. Mais il est hors de question de reconnaître un Etat palestinien actuellement, car ce serait légitimer les crimes du Hamas. La gauche n’hésite pas à entonner l’hymne antisémite. Au Liban le Hezbollah s’est emparé du pouvoir et a détruit le pays et attaque Israël., c’est un danger encore plus grave que le Hamas. Plus généralement le danger pour la paix mondiale est aussi le surpeuplement : la démographie fait l’histoire.
Aux antipodes du libéralisme
Je ne crois pas avoir entendu Jordan Bardella utiliser les termes de néo-libéralisme ou ultra-libéralisme si chers à Marine Le Pen (et à la pensée unique). Néanmoins nous sommes aux antipodes du libéralisme – ce qui démontre d’ailleurs que l’alliance avec Eric Ciotti qui s’est présenté depuis longtemps comme libéral est contre nature.
Jordan Bardella est étatiste, dans la grande tradition gaulliste (toujours citer le Général). Le programme économique est très classique et de courte période, il consiste à faire des économies (hypothétiques) pour éviter de faire des impôts (mais où est passé l’impôt sur les superprofits financiers. Pour la réforme des retraites, aucune allusion à la capitalisation, alors qu’Eric Ciotti en est partisan. Il ne peut y avoir d’assainissement des finances publiques sans abandon des très nombreuses missions que l’Etat s’est attribuées : la réforme libérale c’est l’Etat minimum, limité au domaine régalien, c’est la privatisation, la concurrence et la subsidiarité.
Le programme sécuritaire est très aléatoire : comment fermer les frontières entre pays de l’espace Schengen, comment expulser les sans papiers ? En revanche l’importance donnée à la réforme de l’école est plutôt appréciable, à cela près que la vraie liberté scolaire implique la suppression de la carte scolaire, la liberté de créer de nouveaux établissements, de nouveaux programmes, et le libre choix des familles (avec les chèques éducation si nécessaire).
Il n’en demeure pas moins que la présentation de Jordan Bardella confirme que le Rassemblement National a réussi sa mutation, et mérite considération, au point que les autres « pôles » supportent mal la comparaison. Voilà qui pourrait soulager la conscience de tous les Français qui voudraient voter RN, par conviction mais aussi par rejet. C’est ce que je me crois obligé de conclure en partisan des idées de la liberté, en constatant les progrès spectaculaires des pays qui ont su se libérer de l’omniprésence de l’Etat.