J’ai cru rêver. Par le plus grand des hasards je suis tombé hier après-midi sur la retransmission
télévisée de la passation de pouvoir à Bercy : Le savant Bruno Le Maire accueillait ses
successeurs Antoine Armand et Laurent Saint-Martin.
Le discours de Bruno Le Maire a été sans doute celui qu’on pouvait attendre : quelques
phrases qui se voulaient humoristiques d’autosatisfaction, il remet une maison en ordre et
bonne marche. Mais il a eu un élan de sympathie appréciable : il a offert à Antoine Armand
un « malika », bâton qu’un basque offrait à un haut-savoyard : il aide à avancer le marcheur,
mais il aide aussi à se défendre, dit Le Maire. Jusque là, on reste dans la poésie de notre
grand homme.
Mais j’ai été ahuri et scandalisé quand j’ai écouté les discours des deux impétrants. Antoine Armand est le Ministre de l’Economie, il est « directement rattaché au Premier Ministre » et Laurent Saint-Martin est Ministre du Budget et des Finances Publiques, attaché au Président Ce montage est indispensable sans doute, mais il n’y a aucun risque de conflit au moins sur un point : tous deux rendent un hommage chaleureux à ce qu’ont fait Emmanuel Macron et Bruno Le Maire depuis dix ans. Même si les méchantes langues appellent ce redoutable tandem « Messieurs les 1.000 milliards » pour rappeler que la dette publique française a augmenté de cette énorme somme depuis 2017.
Mais ce n’est pas le pire. Tous deux vont proclamer que jamais l’économie française s’est portée aussi bien qu’aujourd’hui : le chômage a été réduit au minimum (7% de la population active !) la politique d’industrialisation aurait fait de la France le pays le plus attractif, nos exportations auraient connu un dynamisme nouveau, notre taux de croissance serait désormais supérieur à celui de l’Allemagne. Visiblement ils ne lisent pas les journaux, ils n’ont pas lu les chiffres de notre déficit ni de notre dette publique, ni le nombre d’entreprises en faillite, ni le record des prélèvements obligatoires (48% du PIB) ou celui des dépenses publiques (58% du PIB).
Ainsi ce gouvernement commence-t-il dans la glorification de l’œuvre d’Emmanuel Macron
et de ses gouvernements. La plupart des Français ont signifié par leur vote qu’ils ne voulaient
plus de la politique de Macron . Mais voilà que le gouvernement fait la part belle au groupe
des députés de la minorité macronienne, et voici maintenant que l’on glorifie ce que les
Français ont subi depuis dix ans.
Les libéraux n’ont pas été appelés ni entendus dans cette crise. La mascarade de Bercy leur
vaudra sans doute d’être désormais crédibles et éligibles. Je me fais un devoir moral de
dénoncer les ennemis de notre nation réfugiés à Bercy et à Matignon.