Remarquable article qui devrait éclairer tous les Français sur ce qui est depuis quatre vingt ans une erreur fondamentale : le système des retraites par répartition.
Ce système n’avait aucune raison d’être au départ, en 1944[1], si ce n’était de nationaliser toutes les branches de l’économie et en particulier le secteur des finances : l’Etat devait tout prendre en mains. Mais il a pu survivre quelques décennies grâce au « baby boom ». Depuis le début du 21ème siècle la population française n’a cessé de vieillir et le système est maintenant en voie d’explosion rapide. Mais le déficit qu’il entraîne constitue 52 % du déficit budgétaire.
Le mérite de Jean Pierre Robin est de dire toute la vérité, même si elle est soigneusement cachée par la classe politique (complice ou ignorante) et la plupart des économistes et gestionnaires. D’ailleurs l’article de Jean Pierre Robin commence par une citation d’Alamy Stock qui évoque une maxime des Asiatiques : « ne pas voir le mal, ne pas l’entendre, ni le dire, et on vivra heureux ». Et Jean Pierre Robin d’ajouter « Il en va de même en France vis-à-vis des déficits publics ».
La vérité sur les déficits, la voici : 52 % du déficit du budget de l’Etat vient du paiement des déficits du système actuel de retraites. Cette vérité est révélée par le rapport de Jean-Pascal Beaufret, ancien inspecteur général des finances et ex-directeur général des impôts. Voici d’autres chiffres inquiétants sur les coûts du système actuel : les retraites versées s’élèvent à quelque 380 milliards d’euros l’an (13,6 % du PIB du pays): 140 milliards pour la retraite de base de la Sécurité sociale du privé, 90 milliards pour les complémentaires, principalement Agirc-Arrco, 60 milliards pour les pensions civiles et militaires de l’État, 25 milliards pour les agents des collectivités locales, et une cinquantaine de milliards pour les indépendants et les régimes spéciaux.
Au total, sur les six années pleines (2018-2023) du pouvoir macronien, la dette publique s’est creusée de 839 milliards d’euros, et les retraites en sont responsables à hauteur de 438 milliards (52 % du total net). C’est deux fois plus que les dépenses exceptionnelles du «quoi qu’il en coûte» (crises du Covid et de l’inflation, Ukraine), qui se sont élevées à 222 milliards d’euros (26 %). Le troisième facteur d’endettement aura été les allégements d’impôts décidés principalement au début du premier quinquennat. Leur effet total sur la dette est évalué à 197 milliards en six ans (23 %).
Pourquoi cette dérive ? Jean Pascal Beaufret révèle que l’examen des comptes du budget de l’Etat et de la Sécurité Sociale se fait en même temps et dans la confusion totale : «Les comptes publics sont fondés sur des classements incorrects comportant des artifices qui induisent en erreur».
Beaufret ajoute : Ouvrir les yeux sur les causes réelles de l’endettement en corrigeant la présentation biaisée de nos comptes est indispensable à une prise de conscience collective
Comme Jean Pascal Beaufret, Jean Pierre Robin a le courage de dénoncer l’origine fondamentale du déficit du système actuel : pour 381 milliards de pensions versées il y a eu 301 milliards de cotisations reçues. Ces chiffres démentent les analyses lénifiantes du Conseil d’orientation des retraites faisant état d’«excédents “conventionnels” des retraites de 2021 à 2023, ce qui est trompeur». Le COR est composé de personnes choisies par les politiciens, elles n’ont aucune compétence, aucune expérience, d’ailleurs les partenaires sociaux ne veulent même plus en parler.
Le déficit de la Sécurité Sociale est comblé par une « subvention » de l’Etat (donc 80 milliards cette année) et Jean Pierre Robin de préciser : Ces subventions servent à abonder les régimes des fonctionnaires, dont les cotisations ne couvrent pas les pensions, mais aussi à financer les régimes spéciaux et les avantages des mères de famille, ou encore à pallier les défauts de cotisation des chômeurs, etc.
Si l’on élimine les dépenses exceptionnelles (le Covid l’Ukraine par exemple) qui entrent aujourd’hui pour 23% du déficit, le déficit des finances publiques a pour origines le déficit du système de retraites (52%) et les niches fiscales bien gonflées depuis dix ans (23%).
Jean Pierre Robin a fait œuvre utile en dévoilant le rapport Beaufret et en démontrant l’échec fatal du système par répartition. Il me reste à ajouter une question et une suggestion.
La question est : « au sein de la classe politique actuelle et dans les médias qui va dire enfin la vérité » ?
La suggestion : pour sauver la retraite de tous les Français de tous les âges et de toutes les conditions, il faut briser le monopole de la Sécurité Sociale et mettre en œuvre dans les plus brefs délais la transition de la répartition vers la capitalisation. Nous sommes plusieurs économistes et financiers dans le monde (et même en France) à connaître les méthodes de cette transition[2].
[1] Faut-il le rappeler une nouvelle fois ? C’est le gouvernement de Vichy qui en 1941 avait lancé cette grande réforme et curieusement le Conseil National de la Résistance l’avait prolongée.
[2] Cf. mon article dans la Nouvelle Lettre du 6 septembre 2024 Guide pour une vraie réforme des retraites Comprendre comment les expériences étrangères ont réussi et mon dernier ouvrage Comment Sauver vos retraites éd. 2020