Parce que nous ne sommes pas aux Etats Unis. Parce qu’en France, théoriquement pays de la liberté d’expression, seuls ne trouvent un financement pour leurs idées, pour leurs ouvrages, que les journaux, les magazines, les radios et les sites qui diffusent la pensée des gauchistes, des écologistes, mais aussi des populistes et du gouvernement. Par contraste le complot du silence est très bien organisé autour des idées de la liberté.
Puisque j’ai le malheur de faire métier de libéral depuis 1974[1]je suis bien placé pour expliquer ce complot actuel. Une première explication est la formation des journalistes, dûment formatés dans des écoles où l’on enseigne surtout l’hostilité au marché, au capitalisme, au profit, à l’entreprise, à la mondialisation, à la colonisation, etc. : vous connaissez la litanie. Fort heureusement il existe des journalistes de grand talent et de grande culture, la liste de ceux qui ont été distingués par l’ALEPS chaque année depuis 2009 est rassurante[2].
Plus importante me paraît être une deuxième explication : la presse française, toutes formes confondues, est subventionnée. Si l’on avait appliqué la loi commerciale de la concurrence, non seulement des publications marginales comme l’Humanité ou le Nouvel Obs auraient dû disparaître depuis des décennies, mais Le Monde ou La Croix auraient été en faillite. Actuellement le Fonds stratégique pour le développement de la presse, créé par décret du 13 avril 2012 (modifié par décret du 26 août 2016) déverse quelque 600 millions d’aide à la presse écrite, et le total des aides à la presse écrite aura représenté près de 2 milliards d’euros en 2021, soit le quart du chiffre d’affaires des organes de presse ! Il est à remarquer que nombre de nos pays voisins excluent toute aide, par exemple : Allemagne, Espagne, Royaume Uni, Suisse On doit aussi tenir compte des chaînes de télévision publiques, payées grandement par le contribuable, comme France 2,3, 4,5, France Info, Arte. Sans parler du contenu idéologique des messages diffusés, le résultat de cette intrusion de l’Etat dans la presse conduit immanquablement à l’irresponsabilité et à la facilité. Par contraste le libéralisme prône le marché, qui respecte le consommateur, c’est-à-dire le lecteur, l’auditeur, le téléspectateur, il exige la tension vers la qualité et, s’agissant de l’information, de la vérité.
Mais de mon point de vue la troisième explication est la plus réaliste, quand on compare la France et les Etats Unis, et les pays qui n’aident pas la presse. C’est que le mécénat et le financement privé permettent de faire vivre des organes de presse de toutes sortes et en grand nombre. Dans ces pays le débat d’idées est une des valeurs appréciées par les citoyens qui s’intéressent à la vie publique. En France le patronat a cessé de s’intéresser à la presse libérale depuis fort longtemps. Rares sont les fondations qui soutiennent les idées de la liberté. Quant aux petits cotisants et abonnés qui permettent de créer et développer un journal, un site ou une radio, ils sont dépouillés par les impôts et les « déductions fiscales » ne compensent pas leur désintérêt pour la politique. Beaucoup de gens prennent le libéralisme pour une adhésion partisane propre à la classe politique, alors qu’il se propose avant tout de lutter contre l’emprise de la politique et des politiciens sur la vie personnelle, professionnelle, familiale des citoyens.
Contrepoints est sans doute l’un des rares sites bâtis autour de la pensée libérale. Les libéraux « classiques » y sont accueillis et appréciés. D’autres personnalités plus proches des libertariens sont tout également présentes. Il y a aussi quelques pièces raportées ! Le libéralisme est aussi diversité, et la concurrence stimule la recherche de la vérité. Je l’ai toujours dit : la liberté n’est pas un but, c’est un chemin. Malheur pour Contrepoints : les crises actuelles ont distrait beaucoup d’anciens visiteurs de leur devoir de citoyens libres. La liberté exige l’engagement. L’engagement devient plus difficile quand les temps sont plus durs.
Toujours est-il que dans son édition de mercredi dernier Contrepoints nous alertait sur sa situation financière : il reste une belle somme à trouver d’ici la fin décembre 2022. Alain Madelin, référence habituelle à tous ceux qui se disent libéraux, encourage les lecteurs de Contrepoints à sauver le site de ses soucis financiers. Je m’associe à cette démarche. Je vais donner un soutien, même symbolique, à mes amis de la rédaction. Je vous engage aussi à démontrer votre engagement et votre volonté de garder un havre de liberté et de vérité dans un monde financièrement frelaté et idéologiquement aliéné.
[1] Date de mon adhésion à l’ALEPS et de mon Manifeste libéral préfacé par Jacques Rueff. En 1978 il y aura la création du groupe des Nouveaux Economistes et la première Université d’Eté de la Nouvelle Economie à Aix
[2] Prix de la Chronique économique créé en 2000, devenu Prix de la chronique lbérale en 2015. Les premiers lauréats ont été Ivan Rioufol, Yves de Kerdrel, Pierre André Delhommais, Eric Brunet, Brice Couturier, Eric Le Boucher