Il s’agissait au départ d’un « rendez-vous avec la nation ». On attendait l’annonce d’un virage stratégique : voilà ce qu’allait être cette fin de règne. De fait, les premières phrases allaient dans ce sens : confrontés à une crise, à la guerre, nous devons comprendre que les idées et les politiques du passé sont révolues. La jeunesse attend beaucoup d’une novation, le gouvernement lui-même se donne les impératifs nouveaux : audace, action, efficacité.
Pendant les vingt minutes de son exposé, on va avoir droit à un genre de compte rendu du secrétaire de l’Elysée : tout a été amélioré par rapport à ce qu’était le pays en 2017, tout a été réussi. L’auto satisfaction s’étale avec talent. Les performances dans le domaine de l’écologie, de la décarbonation, de l’énergie nucléaire sont sans égales en Europe.
Puis viennent les questions des journalistes, et je crois opportun de reprendre les trois thèmes prévus : l’action du gouvernement, le contexte politique nationale, la situation internationale.
« Ecole,école,école »
La priorité du pouvoir nouveau c’est l’école. Je partage ce choix, la plupart des maux de la société française naissent au niveau de l’éducation nationale[1]. Je ne m’attendais pas à entendre Emmanuel Macron proposer la fin du monopole de l’Etat et la totale liberté scolaire, mais j’ai tout de même été ahuri par l’objectif désormais fixé : faire des enfants de vrais Républicains pour que la France redevienne la France. Je ne comprends pas bien en quoi la République et les « valeurs de la république » peuvent contribuer à l’acquisition du savoir, à moins que l’on ramène la République à la laïcité et à la philosophie des lumières qui ont inspiré la Révolution. Toujours est-il que cet objectif se concrétise par des mesures qui me semblent mal venues : cours d’une heure par semaine d’éducation civique, chant de la Marseillaise (avec les paroles édifiantes : « qu’un sang impur abreuve nos sillons »), cérémonie de diplômes en fin d’année (ce qui se fait couramment), des heures supplémentaires de sport, l’introduction du théâtre (à condition qu’on sache lire à haute voix) et de la formation artistique (à condition qu’on sache lire et écrire) réintroduction de l’histoire (pourquoi a-t-elle disparu ?), et évidemment l’uniforme par établissement (tout de suite en place).
En dehors de l’école, l’annonce d’un nouveau congé parental (d’un an pour les deux parents) et le contrôle des écrans (s’agit-il d’une censure ex ante, et comment l’organiser avec les téléphones portables ?). Emmanuel Macron ne sait pas que la famille et la natalité ont été assassinées par la législation « progressiste ». Contrairement à ce qui se dit, notre Président n’est pas conservateur. La seule valeur morale qu’il cultive c’est celle du pouvoir.
Haro sur le RN
A propos d’une question sur la démocratie directe Emmanuel Macron se déclare en faveur d’une consultation par référendum conformément à l’article 11 de la Constitution, mais regrette qu’elle ne soit pas possible pour les réformes sociétales. Il rappelle son combat pour les droits de la femme dès 2017 pour expliquer sa position dans l’affaire Depardieu. Il a évoqué un changement de mode de scrutin pour les municipales de Paris Lyon Marseille. Il n’a pas caché la difficulté de gouverner sans majorité à l’Assemblée Nationale. Mais il va surprendre tout le monde par son attaque de 10 minutes contre le Rassemblement National. Le programme du RN c’est la ruine généralisée, le chômage, la désindustialisation, le RN est « le parti du mensonge ». Emmanuel Macron a paru tout d’un coup agressif, même violent – l’homme de théâtre a fait place à l’homme de parti. Enfin, en réponse à une question, le Président a rendu hommage à Rachida Dati, qui vient d’annoncer sa candidature à la mairie de Paris en 2025 (mais un accord sur ce point avait-il été passé ? Elle le dit, mais pas lui).
Pas d’escalade
Ici il n’y a rien de nouveau, les méandres de la diplomatie élyséenne sont connues. Un point positif à mes yeux est la confirmation du soutien à l’Ukraine avec livraison immédiate d’armes nouvelles et le refus d’une guerre gagnée par la Russie. En revanche, on connaît la position concernant le Moyen Orient : condamnation du Hamas et du Hezbollah, mais cessez-le feu et Etat palestinien[2]. Il y a désaccord avec la politique de Netanyahou : pas d’escalade. La paix mondiale serait-elle menacée par une présidence de Trump ? A cette question la réponse est à mon sens logique : je dialogue avec les dirigeants élus par leurs peuples. S’agissant des Houtis et de leurs attaques dans la Mer Rouge, la France est en faveur d’actions de légitime défense, mais pas de représailles comme le font Américains et Anglais. L’argument, c’est toujours le refus de l’escalade. A juste titre Emmanuel Macron redoute la rupture entre le Nord et le Sud, mais quelle est le résultat de nos opérations militaires en Afrique ? Les provocations de l’Algérie ont été soigneusement oubliées, et dans les questions, et dans le discours de Macron.
Enfin, Emmanuel Macron continue à ne voir l’espoir de paix que dans une intégration européenne plus développée. Il a d’ailleurs rappelé son discours de la Sorbonne. Le réarmement diplomatique et militaire de l’Union Européenne serait donc urgent, et les pays voisins de la Russie sont les plus directement concernés. Mais les méfaits d’un gouvernement de Bruxelles ne semblent pas l’effrayer ; peut-être le siège de l’Union serait-il à son sens déplacé à Paris.
C’est l’impression qu’a donnée cette somptueuse conférence de presse, avec des ministres bloqués dans un carré magique : le monarque c’est bien le Président, le despote est éclairé.
[1] Je me suis exprimé sur ce sujet dans mon récent article L’école au cœur du plan d’action des prochains mois ? Un rappel opportun du programme libéral Actualité 9 janvier 2024
[2] J’ai analysé la position française dans mon article