Malgré douze heures de rencontre avec Emmanuel Macron (de 15 heures mercredi à 3 heures du matin jeudi) François Bayrou est frais et dispos quand il est interviewé par Adrien Gindre sur LCI, succédant à David Lisnard mardi matin: sans doute l’un des rares points communs aux deux hommes. François Bayrou a été bouleversé par « le climat de Saint Denis ». Il ne s’agit pas d’un quartier maudit et émeutier, ni de la basilique qui abrite les tombes des rois de France, mais plus prosaïquement d’un petit palais qui abrite l’école des filles de la Légion d’Honneur. Si l’on en croit le Président du Modem, maire de Pau, Haut Commissaire au Plan, c’est un esprit tout nouveau qui a régné dans la classe politique, et qui promet des lendemains qui chantent.
Les chefs de partis sortent de l’ignorance
Premier changement décisif : les quatre premières heures ont été consacrées aux problèmes extérieurs. Il n’en fallait pas moins en effet pour apprendre aux chefs de partis tout ce qu’il faut savoir sur la géopolitique et la diplomatie. Ils avaient un maître excellent en la personne d’Emmanuel Macron, les relations internationales sont du domaine réservé au Président de la République, et le Président actuel a acquis une maîtrise extraordinaire dans cette mission, comme le prouvent les coups d’Etat africains, la cohérence de l’Union Européenne, et le soutien à l’Ukraine. On déduit donc du discours de François Bayrou que les chefs de partis ne connaissaient rien de toutes ces belles choses.
Mais il s’est aussi émerveillé en constatant que les chefs de partis ne connaissaient pas non plus grand-chose aux autres questions – par contraste lui-même a épluché tous les dossiers. Ainsi la discussion a-t-elle progressivement atteint un niveau élevé, ce qui ne s’était jamais produit en France. Observation que nous faisons nôtre : les partis ne sont pas de hautes instances de la doctrine, on a depuis longtemps préféré le pragmatisme aux combats intellectuels[1]. Bravo Emmanuel d’avoir sorti les chefs de partis de leur ignorance crasse et d’avoir permis un débat de haut niveau. Cà c’est encore le » climat de Saint Denis »
Donner la leçon au Parlement
Quel contraste avec le spectacle lamentable donné par le Parlement ! Bayrou estime sans doute que seuls les députés de la majorité et les ministres ont de la tenue et de la compétence. Les Insoumis, les Verts, le Rassemblement National ; quelle honte ! Ce jugement est d’autant plus surprenant qu’’Emmanuel Macron n’a cessé de dénoncer les partis politiques, et de les détruire si possible (il y a réussi quand on voit le nombre de ministres qui ont trahi leurs partis)
D’ailleurs, le Président a prévu des assemblées et des administrations capables de faire mieux que le Parlement : il y a l’inévitable CNR (Conseil National de la Reconstruction) dont en effet on peut dire le plus grand bien, il y a aussi le Commissariat au Plan, présidé par François Bayrou ; il prépare la France de 2033 et au-delà – avec quelle clairvoyance ! On va aussi avoir les Etats Généraux de l’Information, lancés sous les meilleurs auspices.
D’ailleurs le parcours de la loi est désormais bien simple : la Présidence transmet au Gouvernement le texte du projet de loi, il est repris avec enthousiasme par les ministres qui le présentent à l’Assemblée qui vote avec le 49-3 : quoi de plus simple, quoi de plus démocratique ? Mais au passage les chefs de partis voudraient bien un peu de proportionnelle car chacun estime être sous-représenté au Parlement. On ne touchera peut-être pas au Sénat : Bayrou semble le garantir.
La Nouvelle France
Ce qui a régné à Saint Denis, c’est « l’empathie » : on s’occupe enfin des autres, on accepte d’avoir des ponts de vue différents ; La France, c’est la diversité.
La Nouvelle France s’annonce comme un équilibre entre « les puissants et les citoyens, ceux qui sont responsables du pouvoir et ceux qui font la vie de tous les jours, et qui sont la base du pays ». Nous reconnaissons ici le « top – down des vraies démocraties. Dans la nouvelle société fra,nçaise, les gens ne sont plus en position de défiance, ils se prennent au sérieux. Cà c’est aussi le climat de Saint Denis.
Evidemment ceux qui sont responsables du pouvoir savent planifier, et relever le défi du numérique. Fin observateur, François Bayrou fait le constat : « il n’y a pas de pays serein », citant la Russie, la Chine, l’Afrique et le monde entier. Les nouvelles technologies ont ouvert une fracture, ce qu’il faut maintenant c’est « cicatriser ». Cicatrisation, harmonie, planification : bases de la société émergente à la suite de cette entrevue.
Quelques franches réponses
Sur l’immigration : pourquoi ne pas accueillir des réfugiés politiques, qui seraient décidés à s’engager dans notre pays, à parler notre langue, et à respecter notre cuture (donc, aucun problème)
Sur Marine Le Pen : Il faut la respecter, mais elle ne peut être élue à cause du « choix » qu’elle représente (évidemment on ne dit pas quel est ce choix)
Sur les retraites : il a un bon système, et depuis longtemps
Sur l’abaya : c’est aux chefs d’établissements ou peut-être aux académies de décider
Sur le référendum ; le « préférendum » a été évoqué, mais c’est remettre en cause en permanence la constitution (et elle est si bonne !)
Conclusion : la mauvaise foi de certains
Vous aurez donc relevé la mauvaise foi de ces quelques chefs de partis qui de Ciotti à Bompard en passant par Bardella et Roussel ont déclaré qu’il ne s’était rien dit au cours de ces 12 heures et qu’en aucun cas le chef de l’Etat n’a voulu se mettre à l’écoute des partis, ni tenir compte de leurs opinions et suggestions. Il faut de toutes façons lui laisser Cent Jours pour tirer les conclusions de cette mémorable réunion qui « marquera l’histoire », dit Olivier Véran.
[1] Daniel Villey