Il est minuit. Donc il est trop tard pour que Marine Le Pen retire sa motion de censure et Michel Barnier n’a pas eu le temps d’accéder à sa requête concernant la réforme des retraites. D’ores et déjà Michel Barnier n’est plus premier ministre, mercredi soir il devra présenter sa démission à Emmanuel Macron de retour de l’Arabie Saoudite. Le Président devra trouver un nouveau Premier Ministre, à moins qu’il demande à Michel Barnier de revenir à Matignon.
Mais qu’importe ? Je me demande pour quelle raison Marine Le Pen s’est suicidée. En effet alors qu’elle avait soigné sa popularité et après avoir eu une conduite exemplaire durant son procès elle va dégringoler d’un grand coup dans l’opinion publique.
La réaction des Français sera de la rendre responsable d’avoir enfoncé sa chère patrie dans la crise qu’elle traverse. Les finances publiques n’ont plus aucune perspective de restauration, aucune promesse ne pourra être crédible aux yeux des autorités financières et monétaires du monde entier. Déjà très contestées au sein de l’Union Européenne, la politique et la diplomatie françaises vont perdre le peu de crédit qui lui reste.
Certes Laure Lavalette, députée du Var et porte-parole du Rassemblement National, explique la censure par la nullité et la nocivité du PLFSS. Tout le monde est bien d’accord là-dessus, et les libéraux plus que les autres. Mais cela n’autorise en rien le renversement du ministère, et la compromission avec LFI.
Marine Le Pen et le rassemblement National ont deux raisons de renverser la table. La première est l’infâme sort que l’Assemblée Nationale leur a fait subir en refusant d’attribuer la moindre place dans les instances de l’Assemblée Nationale. Le montage réalisé en faveur des Républicains et de Laurent Wauquier a été infâme, contraire à la démocratie : pourquoi exclure le parti sorti largement majoritaire de la consultation législative ? La deuxième raison est à nouveau liée aux Républicains et à Laurent Wauquiez : le montage pour éviter la perte de toute valeur réelle des pensions versées en décalant leur indexation sur l’inflation.
Parallèlement l’injustice totale du mauvais procès que les magistrats de gauche ont monté contre l’ancienne députée européenne a sans doute perturbé la confiance qu’elle pouvait avoir dans son aura.
J’en conclue pourtant que Marine Le Pen a perdu par orgueil, parce qu’elle s’est imaginée posséder les voix de 13 millions de Français. Elle n’a pas compris ce que tout le monde sait : beaucoup de gens ont voté non pas pour Marine Le Pen et son programme, mais pour rejeter la gauche, la droite, les macronistes et les centristes. J’ai fait partir de ceux-là, je me flatte d’avoir voté dans ma circonscription contre Madame Agresti-Robache, ministre de la ville dans le gouvernement Borne, épouse d’un ancien doyen de la Faculté de droit parachuté par son ami Macron comme recteur de l’Université de Corse. Les sondages très récents démontrent que plus de la moitié de ceux qui avaient voté RN en juillet dernier étaient opposés à la censure. Je ne vois pas en quoi le programme du RN aurait pu m’attirer, Monsieur Tanguy a démontré son incompétence et sa prétention, les deux vont souvent de pair. Quelques figures du RN sont sympathiques, comme Sébastien Chenu ou Louis Alliot mais l’ouvrage de Bardella n’est pas un chef d’œuvre. Comme le dit l’édito du Figaro ce matin : le RN avait multiplié les concessions que devait faire Michel Barnier, mais en voulant tout obtenir Marine Le Pen a créé un désordre dramatique. « Les lignes rouges ont creusé le trou noir ».